RING vous sonne les cloches

441

Du 9 au 18 avril, des compagnies de théâtre venues de toute l’Europe posent leurs valises à Nancy pour le festival RING. Attention, ça va secouer.

«Venez, approchez, n’ayez pas peur ». Le  festival RING ne mord pas et le théâtre contemporain n’est pas forcément rébarbatif. Dès la création de ces rencontres, pour casser les préjugés d’un public souvent habitué aux pièces classiques, Michel Didym et son équipe ont eu à l’apprivoiser et l’amener à se laisser aller.  Aller voir un spectacle « RING », c’est accepter de ressentir des émotions fortes : rire, pleurer, douter mais plus que tout s’amuser de ces montagnes russes théâtrales. Pour sa quatrième édition, le festival, fidèle à sa réputation, secoue dans tous les sens.

 

Me-Myself-and-Us---Cie-Tete-d'Enfant-(c)Frederic-Veilleux-(2) Me-Myself-and-Us---Cie-Tete-d'Enfant-(c)Frederic-Veilleux-(6)

Voyage, voyage

Au programme, un tour de l’Europe à 360° : la Croatie avec « Ligne Jaune » et « Le Garage », la Suède avec « Författana » ou l’Italie avec « Be Legend ». Chaque compagnie apporte sa vision sur le théâtre et sur la société. Celle présentée dans « Le Garage » par le metteur en scène Ivica Buljan est noire et acide. La pièce commence comme du Zola : un père alcoolique et violent, une mère malade et leur fils de dix ans, doué de ses deux poings. Le reste mélange l’esprit rock et déglingué de « Fight Club » à une pointe de hip hop et de désespoir « on the rock ». Un spectacle à  boire « cul sec ». Le public va être secoué et dépaysé. La troupe croate conçoit le théâtre autrement : les comédiens sont aussi boxeurs et musiciens le temps de la représentation. Et surtout, ils ne quittent jamais la scène. Pas d’entrées et sorties au fur et à mesure des actes, ils sont à la fois acteurs et spectateurs, presque voyeurs. Ils appuient par leur présence l’horreur et la violence de l’univers décrit sur les planches. Mais le festival RING ne fait pas que rendre compte des innovations des autres, il tente d’initier les siennes. L’année dernière, dans « Divan », un spectateur se retrouvait dans la peau d’un psychanalyste écoutant un comédien/patient. Pour cette édition, l’expérience de confrontation a évolué, transforme le public en jury, devant juger divers types d’auditions (speed dating, demande de naturalisation, entretien d’embauche, etc.). Dans « Examen », rien ne sépare plus l’espace scénique du parterre, les artistes de l’auditoire.

LesAuteurs_Sara_P_BorgstromLesAuteurs3_Sara_P_BorgstromLesAuteurs2_Sara_P_Borgstrom

Toc, toc ! Qui est là ?

Le festival ouvre aussi d’autres portes. Le théâtre contemporain est poreux, attiré par d’autres disciplines : la danse, la musique, le cirque. Cette volonté de mêler les modes d’expression est renforcée cette année par un partenariat avec l’Autre Canal : chorégraphies autour de vidéos YouTube pour « Forecasting » ou  mariage de la poésie et de la musique pour « Antifreeze Solution ». Même la figure du DJ évolue en mixant les images comme des sons dans « Addictive TV ». Croisement des genres, RING réalise aussi le croisement des générations. « Il y vient le public habituel du théâtre qui est mis en contact avec des spectateurs plus jeunes », décrit Emmanuelle Duchêne, chargée de communication à la Manufacture. Mais ces rencontres ne sont pas seulement un laboratoire vivant et coloré du théâtre contemporain. Le plaisir du spectacle ne s’arrête pas à la fin des représentations. L’équipe du festival a voulu mettre en place un espace de partage et de convivialité. Les spectateurs pourront se restaurer, boire un verre, écouter un concert et discuter de ce qu’ils ont vu, entendu et ressenti. Car après tout, la beauté d’un spectacle réside là aussi : dans ce qu’il nous laisse une fois qu’il est fini.

emilia-┬®gustavopascaner10emilia-gustavopascaner-104

RING

Cette année, le festival RING propose de découvrir quatre spectacles en avant-première en France. Focus sur « Ligne jaune » et « Be Legend », deux pièces explosives.

LigneJaune┬®MaraBratosz

Sur la ligne

« Ligne jaune », pièce croate mise en scène par Ivica Buljan, est un OTNI, un Objet Théâtral Non Identifié, à la marge de l’absurde et du récit d’initiation. Autour de la thématique de la frontière (les « lignes jaunes »), le metteur en scène présente une mosaïque d’histoires. Un pêcheur arabe sauvé en pleine mer Méditerranée, au carrefour de l’Europe, du Moyen-Orient et de l’Afrique. Une vache nommée Yvonne transportée par avion puis jetée à la mer lors d’un orage. Paul, un Allemand fatigué du conformisme. Les personnages de cette ode à la liberté ont permis à Ivica Buljan d’aborder des thèmes à priori sans liens : Printemps arabe, regard du monde occidental sur les pays défavorisés, le racisme, les contraintes que l’homme s’impose sans s’en rendre compte. Le metteur en scène, en pointant ces frontières qui nous gênent, les déconstruit peu à peu. Au détour de ces aventures rocambolesques mais tirées d’expériences réelles, le rire s’installe et embarque les spectateurs. D’ailleurs, Ivica Buljan est impatient de voir la réaction du public français face à son spectacle. Le rire, lui aussi, se joue des frontières.

BE-LEGEND!-┬®-Ilaria-Costanzo-(3)

We could Be Legend !

Le « Teatro Sottoraneo » a fait un pari osé : ressusciter le temps d’un spectacle des personnages controversés, troubles voire torturés. Mais ici, ils ne sont pas à l’état d’adultes. La compagnie florentine s’est demandé à quoi ressemblaient Hamlet, Jeanne D’Arc et Hitler enfants. Rien qu’en lisant ces trois noms, un léger frisson vous parcoure. Pourtant, « Be Legend » n’est pas là pour vous conter une histoire d’horreur. L’auteur, Daniele Villa, a écrit cette pièce en trois parties comme un docu-fiction. Il a essayé de comprendre comment, dans les prémisses de leur vie, il y avait déjà en construction leurs actes futurs. Accompagnés par deux comédiens de la troupe, Sara Bonaventura et Claudio Cirri, trois enfants nancéiens sont embarqués dans l’aventure et chargés d’incarner, chacun pendant vingt minutes, une des trois personnalités. La mise en scène interactive bouscule l’ordre théâtrale établi en mettant l’accent sur le geste et le visuel (extraits vidéo, travail de la lumière) autant que sur le texte. Le résultat permet de prendre de la distance avec « ces monstres » de l’histoire ou de la littérature. « Be Legend » conjure les peurs et met en pièce les tabous.

Retrouvez le programme du festival RING en détail sur www.nancyringtheatre.fr