Qui n’a jamais été pris d’un besoin irrésistible d’évasion face au bruit du monde, au sordide du réel ? À ceux-là, et ils sont nombreux, nous conseillons de se rendre au Village des Vieux Métiers d’Azannes, spécialiste toute catégorie en revisite du passé.
À l’entrée sur le site, on hésite à se pincer tant on se sent comme dans un rêve (hyper documenté) : autour de nous, 400 personnes s’agitent et vaquent. Jusque-là rien à signaler, me direz-vous… Vous aurez tort. Car leurs tenues parlent pour elles : ces centaines de personnes de tous âges viennent visiblement tout droit… du 19e siècle ! À Azannes et ses vieux métiers, l’anachronisme n’existe pas en soi. La gestuelle, le savoir-faire évident de ces témoins revenus du passé attestent d’une pratique quotidienne, de gestes mainte fois expérimentés. Le décalage n’intervient, finalement, qu’à compter de notre entrée en scène à nous, visiteurs tellement pétris de modernité… Il conviendra alors, pour les nouveaux venus, de découvrir, d’abord en spectateurs puis en co-faiseurs, les joies et enseignements d’un monde solidaire et besogneux que tout porterait à croire révolu.
Car à 110 km de Nancy, 60 de Metz et 23 de Verdun, sur 17 hectares de terrain, se déploient 80 métiers anciens ou disparus. Ouvrez l’œil et vous les apercevrez, les forgerons, dentelières, lavandières, meuniers, sculpteurs, tuiliers, boulangers… tous celles et ceux, passionnés, qui parfois ont été formés par l’association organisatrice à transmettre aux visiteurs à la mémoire défaillante et au jeune public les gestes du passé et traditions oubliées.
Les vieux métiers d’AZANNES en quelques chiffres clés
400 bénévoles
80 métiers anciens ou disparus
57% des visiteurs sont déjà venus une fois ou plus
17 hectares de site
1,5 million de visiteurs ont été accueillis.
Un peu d’histoire…
Cette gigantesque entreprise est partie d’un simple monument, certes symbolique : le mémorial de Grand-Failly, édifice construit en 1985 à la mémoire des 3 000 soldats américains et interalliés tombés dans la meurtrière « bataille des Ardennes ». Pour financer sa construction, le comité de l’association met alors sur pied une manifestation culturelle ayant pour thème la « Rétrospective sur l’artisanat d’autrefois ». Elle est organisée à Grand-Failly, dans une petite grange. Le succès est immédiat, à tel point que dès la deuxième édition, la grange ne suffit plus ! La manifestation s’installera alors à la ferme du bois des moines de Villers les Mangiennes puis, en 1990, au sein de la Ferme des Roises à Azannes.
C’est dans ce cadre d’exception de 17 hectares situés au pied des côtes de Meuse, dans la vallée des étangs, que le Village des Vieux Métiers deviendra sédentaire… Il accueillera, en 2013, son millionième visiteur !
Les constructions depuis 1991
Au fil des années, le site s’est enrichi de différentes installations, reproduites à l’identique ou rapatriées pour être reconstruites… Parmi celles-ci : une chapelle, une forge, une tuilerie, une maison du vannier et une huilerie, une maison du pêcheur, un site historique allemand, un moulin à eau, un four banal, un lavoir, un moulin à vent, la Ferme du laboureur, la Maison du Manouvrier, la Scierie des Roises, la Meunerie du moulin à eau… En 2022, une scie à Grume venant de l’Isère rejoindra une scie haut-fer et la scie alternative hors d’âge.
… beaucoup de bonne humeur !
Ici, un cheval porte du bois. Là, une marchande de peaux de lapin trinque avec son dernier acheteur pendant qu’au sein de la cuisine du moulin à eau, la soupe mijote…
À Azannes, plus de 80 métiers du 19e siècle semblent n’avoir jamais cessé de vivre, tant les 400 bénévoles de l’association endossent leur rôle à la perfection. Pour le visiteur, invité à partager les joies et les animations des fêtes de village d’autrefois, l’expérience est unique ! Combien d’occasions avons-nous, dans une vie, d’ouvrir les portes du temps, comme cela nous est proposé ici ? De se retrouver projeté dans un village du 19e siècle ? De prêter main-forte à un artisan visiblement habitué à la présence de l’homme du 21e siècle ?
Si l’expérience fonctionne, si l’illusion est parfaite, c’est que chaque détail de ce tableau vivant est le fruit d’une recherche d’authenticité poussée à son extrême. Ainsi, les maisons qui composent le village sont toutes d’origine. En effet, toute tournée vers la préservation d’un patrimoine voué à disparaître, l’association utilise les recettes des entrées à réimplanter sur le site des maisons traditionnelles lorraines et faire vivre ce village en perpétuel reconstruction.
À bousculer ainsi les époques et les codes, à se jouer des repères de la modernité que l’on croit parfois (et à tort) universels, le site crée, chez les visiteurs, un même élan de surprise, un même sentiment d’avoir été transporté dans le temps. Ce décalage avec notre réalité de l’immédiateté et du 100% connecté crée quasi instantanément une connivence, qui se mue rapidement en franche camaraderie. Car ce qui détonne également ici, c’est la bonne humeur régnant parmi les bénévoles et les visiteurs ! Cette magie n’existerait pas sans la rigueur de l’organisation, l’implication des bénévoles et des acteurs locaux… à qui nous en profitons pour dire merci.
Bon à savoir
Le site sera ouvert les 8, 15, 22, 26 et 29 mai, le 5 juin, les 10, 17 et 24 juillet de 10h à 18h
Informations-réservation au 03 29 85 60 62 ou sur [email protected]
Chaussures confortables fortement recommandées !
Restauration midi et soir en libre-service (menu à 15€ ; -12 ans : 12€)
Entrée adulte : 16€ ; gratuit moins de 16 ans
Site internet : www.vieuxmetiers.fr
Page Facebook : Vieux Métiers Azannes
3 questions à David Ledwon,Directeur, Association Les Vieux Métiers
Que recherchent les visiteurs en venant au Village des Vieux Métiers d’Azannes ?
Ils expriment le besoin de voir d’où l’on vient pour savoir où l’on va, de faire un point, de se recentrer sur le passé pour revenir à l’essentiel… C’est aussi, pour eux, un retour à la nature, aux sources, à la terre. Pour ceux en-deçà de 50 ans, il est très difficile de se figurer comment vivaient nos propres aïeux ! C’est donc une prise de conscience et un fort étonnement qui s’ensuit une fois les portes du village franchies.
Qu’est-ce qui est le plus surprenant, la première fois que l’on vient ?
Dans notre monde d’hyperdépendance et d’individualisme forcené, c’est sans doute de réaliser que dans la société du 19e siècle, l’on faisait tout de ses mains – fabriquer ses vêtements, construire sa maison – grâce à une entraide très importante. Au-delà de l’habillement, certains codes étonnent aujourd’hui. Ainsi, un tas de fumier odorant devant sa maison était signe extérieur de richesse, puisque cela signifiait que celui qui l’habitait était propriétaire de terres. Ici, les visiteurs retrouvent leur curiosité, leur légèreté ; ils se regardent, se sourient et, pour certains, s’étonnent à (re)dire bonjour à un inconnu croisé dans la rue !
Comment les innovations sont-elles actées ?
En règle générale, les nouveautés sont corrélées aux besoins de métiers qui vont disparaître ou ont disparu. Le plan des constructions est établi pour les 50 prochaines années, mais la vitesse de réalisation varie en fonction du nombre d’entrées, puisque nous fonctionnons à plus de 95 % en autofinancement. En 2022, nous sommes allés rechercher l’une des premières scies à grume en Isère. Nous avons également, au fil des années, rapatrié et reconstruit des maisons, refait un moulin à vent d’après les plans de Diderot… La ferme du laboureur a mis 8 ans à être remontée ! C’est un travail pharaonique et très coûteux, et le prix de l’authenticité.
Propos recueillis par Cécile Mouton
Publireportage - Photos © Association Les Vieux Métiers, DR