Les tranchées, comme si vous y étiez

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Tout a commencé au fond d’un jardin à quelques encablures de Verdun. Un groupe de passionnés d’histoire a une idée un peu folle : recréer à l’identique une tranchée de 1915 et l’ouvrir au public. 53 000 visiteurs plus tard, la tranchée de Mogeville est remblayée. Pas question pour autant de ranger objets et costumes d’époque, l’association est en train de creuser une nouvelle tranchée qui sera prête pour le 14 juillet.

On peut être féru d’histoire sans être nostalgique. Laurent Ladrosse, président de l’association La Tranchée, en est la preuve. Après 7 ans passés à entretenir et à faire visiter la tranchée reconstituée de Mogeville, il quitte le village sans regrets pour se consacrer à un nouveau projet. « Il nous a fallu deux ans pour construire cette tranchée, on a tout fait creusé à la pelle, comme les poilus de l’époque, sur les traces d’une anciennes tranchées. Avec 4 copains, creuser ça va assez vite, le plus dur est de stabiliser le terrain. Nous avons utilisé la technique du clayonnage, qui consiste à tapisser les parois de branches de noisetiers entrecroisées trouvées dans les bois alentours, un boulot de fou ! ». Le terrain argileux ne leur fait pas de cadeaux, « un ruisseau passe à moins d’un mètre de profondeur, et à chaque pluie, à chaque dégel on se retrouvait englués dans la boue. On peut dire qu’on a touché du doigt les conditions de vie des soldats  qui ont combattu dans la plaine de la Woëvre, mais pour nos visiteurs ce n’était pas gérable. » Au point que les membres de l’association hésitent à jeter l’éponge, et puis, coup de chance, l’un d’eux hérite d’un terrain à Chattancourt. L’aventure peut continuer.

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Rendre l’histoire vivante

Au pied de la colline du Mort-Homme, où ont eu lieu de violents combats, le village de Chattancourt a été détruit à 100 %. L’association a pourtant retrouvé de nombreux plans, « notre nouvelle tranchée sera construite à l’emplacement d’une tranchée existante, on connaît même son nom : la tranchée de Toulouse, probablement parce-ce qu’elle avait été creusée par des toulousains. Chaque tranchée, à l’époque, portait un nom, comme une rue. En commençant à creuser, nous avons trouvé des objets – balles, éclats d’obus, shrapnels, couverts, boîtes de conserves et beaucoup de tuiles provenant des maisons détruites du village – tout sera exposé. » Après 7 saisons de succès à Mogeville, les membres de l’association savent où ils vont, « notre expérience va nous servir à construire quelque chose de résistant dans le temps mais aussi à raconter l’histoire de façon ludique et vivante ». Pour que la machine à remonter le temps fonctionne, chaque détail compte. « Nous avons beaucoup lu sur cette période, certains ont rencontré d’anciens poilus et nous nous basons sur des photos d’époque pour coller au plus près à la réalité. » L’illusion est parfaite. Moustaches et tenues bleu horizon d’époque les membres de l’associations semblent sortis de nos livres d’histoire, la couleur en plus ! La tranchée n’est qu’une partie du décor, tous les lieux de vie des poilus sont reconstitués. Le bivouac, les lits à grille superposés, le dépôt de munition, le foyer et le poste de secours. « C’est un lieu stratégique, explique Laurent Ladrosse, on y présente l’accueil des blessés mais c’est surtout l’occasion de parler de la médecine à l’époque. De la vaccination contre le tétanos, des premières transfusions, des débuts de la radiographie et de la chirurgie esthétique. Le foyer, où les soldats se fournissaient avant de monter au front, est un endroit qui plaît beaucoup. On y trouve des boîtes de conserves, du dentifrice, des bouteilles de bière et de vin, et quelques marques qui existent encore aujourd’hui comme le chocolat Banania ». A chaque étape, un poilu plus vrai que nature raconte l’histoire des objets et surtout des hommes. « Il y a beaucoup de musées dans la région, nous ne voulons pas être une vitrine parmi d’autres, le tourisme de mémoire peut être ludique et vivant. J’aime dire que nous sommes un peu la cerise sur le gâteau dans les visites de la Meuse, un plus pour donner corps à cette histoire proche et pourtant lointaine. »

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