Cet art occulte, grand œuvre que l’on jurerait réservé à un groupe d’initiés, se laisse aisément aborder, pour peu que l’on respecte certaines règles…
L’alliance du vin et des mets, surtout ceux servis lors des repas de fêtes, ouvre des horizons vertigineux : saveurs et textures, cultures et terroirs, couleurs et fragrances, les possibilités sont infinies et cette synesthésie enivrante, faisant le bonheur des plus fins gourmets et des plus grands esthètes depuis la nuit des temps, permet les associations les plus inattendues et les créations les plus déroutantes. Mais gare aux excès d’enthousiasme, l’art du vin est exigeant, technique, précis et fuyant à la fois, et pardonne peu les incartades.
Une union harmonieuse
Aussi mystérieux que le mariage réussi d’un vin et d’un plat puisse paraître, le succès de cette union tient en quelques règles simples. Tout d’abord, pour que nous vienne l’eau à la bouche, il faut que l’ensemble soit harmonieux. C’est la clef de voûte d’une alliance réussie. La pierre philosophale capiteuse. Le goût est, dans un premier temps, un voyage… visuel. Il faudra donc accorder les couleurs ou jouer avec elles. Un plat badinant avec les nuances de beige ou de blanc s’assortira parfaitement avec un vin blanc. Cela est particulièrement vrai pour le poisson, fusse-t-il coloré comme le saumon ou la truite. Une assiette à la tonalité plus dense, plus sombre ou rutilante, sera en bonne compagnie avec un rouge ténébreux ou flamboyant. Dans ce domaine (comme dans beaucoup d’autres), il ne faut pas sous-estimer la valeur du rosé : sa robe généreuse et frivole à la fois en fait un nectar festif parfait, surtout quand les frimas de l’hiver nous plongent dans la monotonie.Pour parfaire l’union, il faudra ensuite s’intéresser au bouquet. Après les yeux, l’odorat, donc. Un plat léger souffrira mal des fragrances voluptueuses et entêtantes, contrairement aux préparations plus riches et plus relevées : un vin doux et peu englobant avec des mets délicats, un vin corsé, épais et vigoureux avec des mets épicés ou forts (gibiers en sauce, par exemple). Vient enfin le temps de la mise en bouche, la fin du voyage, le début de l’aventure. C’est là que la texture du vin entre en jeu. Presque autant qu’une affaire de goût, l’alchimie d’un plat est une affaire de toucher. Les vins épais viendront ainsi à merveille se mesurer aux plats en sauce, tandis que les vins plus évanescents, ondoyant aux papilles, s’encanailleront gaiement avec des mets plus raffinés et moins immédiatement explosifs.
Les bons vins au bon moment
Comme une danse langoureuse, l’assortiment des vins et des plats est également une question de rythme. Il vous faudra servir, par exemple, les vins blancs secs avant les rouges ; de même que les vins légers avant les vins corsés, les vins frais avant les vins chambrés, les vins jeunes avant les vieilles cuvées et… les vins secs avant les vins moelleux. Se pose alors le problème du foie gras – véritable casse-tête pour les plus exigeants gourmets qui ne savent comment concilier tradition et justesse œnologique. Car pour l’accompagner, on plébiscite généralement des vins blancs sucrés, gourmands, comme les sauternes, les monbazillacs ou les jurançons… ce qui casse la belle symphonie précédemment entamée, puisque la sacro-sainte dégustation se déroule généralement lors de l’entrée. Certains puristes recommandent donc de déplacer le service du foie gras après celui du plat principal. Une prise de position qui peut surprendre, mais qui se justifie.
Le royaume des bulles
Le champagne est évidemment le partenaire idéal des instants festifs. Mais quelques maladresses courantes sont à éviter pour apprécier à sa juste valeur sa majesté le roi des vins. Tout d’abord, il faut savoir qu’il existe quatre grandes sortes de champagnes : le brut, qui se dégustera principalement à l’apéritif, mais pourra aussi convenir au dessert ; le blanc de blancs dont la délicatesse impose une dégustation précoce tout comme le champagne rosé ; le blanc de noirs qui tire sa force du pinot noir avec lequel il est fabriqué. Tous doivent être servis à une température flirtant avec les dix degrés, sans jamais les dépasser. Un bon champagne se reconnaît à la finesse de ses bulles et à sa saveur qui doit rappeler celle des vieux vins.