Après « Orphée aux Enfers » de Jacques Offenbach et l’Orfeo de Luigi Rossi, l’Opéra national de Lorraine continue son exploration du personnage avec « Orphée et Eurydice » de Glück, du 29 mars au 7 avril. Entretien avec Ivan Alexandre, son metteur en scène.
Comment avez-vous été amené à travailler sur cette œuvre ?
En réalité, ça s’est passé un peu bizarrement car le spectacle a été monté en 2014 à l’occasion de l’année Glück. Au départ, il était prévu que je mette en scène un opéra de Mozart pour le festival Mozart de Salzbourg. Finalement, pour des raisons pratiques, Glück s’est invité avec son « Orphée et Eurydice », une tragédie opéra en trois actes très originale.
Comment avez-vous abordé sa mise en scène ?
J’ai choisi de revenir aux sources avec la première version de 1762. Je dirais qu’elle est « spécialement » spéciale. D’ailleurs « Orphée et Eurydice » est à peine un opéra ; il a plus vocation à être du théâtre. Tout est atypique dans cette pièce. Seuls Orphée, Eurydice et Amour sont sur scène. Par ailleurs, Glück a laissé de nombreuses consignes. Il insiste notamment sur une notion très importante à ses yeux : la « belle simplicité ». Il est à une époque où ça foisonne, juste après le célèbre castrat Farinelli. Ce dernier est un virtuose. Guadagni, l’interprète de l’Orphée de Glück, est quant à lui plus un acteur : il va donner une dimension particulière au rôle. Avec cette œuvre, Glück fonde quelque chose de nouveau ; il casse les codes.
Avez-vous pu prendre des libertés vis-à-vis de ses consignes ?
Tout en essayant de rester fidèle, j’ai tout de même changé quelques petites choses. Normalement, un ballet est censé accompagner l’œuvre. Je l’ai remplacé par un acteur qui incarne la mort. Au final, l’histoire repose quand même sur cette bataille essentielle et symbolique entre l’amour et la mort et je ne voyais pas comment ne pas l’intégrer physiquement avec ce nouveau personnage. Et puis, dans la mythologie, l’histoire d’Orphée et d’Eurydice possède plusieurs versions mais dans toutes, le personnage fautif reste Orphée. En doutant de la présence de son amoureuse derrière lui, il se retourne et la perd. Chez Glück, tout est de la faute d’Eurydice. Cette radicale misogynie me paraissait aller trop loin et, par conséquent, j’ai voulu lui donner une chance. Je pose la question à laquelle elle est confrontée : qu’est-ce qui peut pousser à quitter ce royaume paisible de la mort ? Qu’apporte la vie en plus ?
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