La mémoire vive
100 ans… Et pourtant la Grande Guerre est toujours d’actualité pour ceux qui vivent près de l’ancienne ligne de front. En cette année de mémoire, l’exposition qui se tient au Centre mondial de la paix s’attache à montrer l’impact que ce conflit a encore sur notre quotidien et sur le monde contemporain. Visite guidée avec Véronique Harel, commissaire de l’exposition.
« Que reste-t-il de la Grande Guerre » est la plus grande exposition consacrée à cette période charnière de l’Histoire, quelles en sont les particularités ?
L’exposition commence par un bilan. Pas juste le nombre de victimes du conflit et des croix alignées. Non, j’ai d’abord voulu parler de cette génération détruite et redonner une présence à ces jeunes hommes qui avaient la vie devant eux. C’est la vie de ces hommes, de leurs veuves, de leurs familles brisées, qui sont au cœur de l’expo. Plus de 600 photos permettent de voir leurs visages, leurs modes de vie et la société dans laquelle ils vivaient. Une société qui a énormément évolué durant ce premier conflit mondial.
Dans des domaines particuliers ?
Cette guerre transforme tout et une société nouvelle émerge. Les femmes doivent remplacer les hommes au travail, les enfants vivent dans une propagande permanente et l’Etat est partout. On l’ignore souvent mais c’est à cette période qu’apparaissent les prémices de notre système social.
Parallèlement à toutes ces destructions, on parle de plus en plus des énormes progrès accomplis pendant ces années…
Une guerre c’est un accélérateur de temps. Avant 14, l’aviation était presque un sport, avec des courses et des records à battre. Pendant la guerre, son évolution a été extraordinaire, pour de l’observation et pour les bombardements. Le nombre de véhicules a explosé et de nouvelles armes sont créées. La médecine a fait un bond en avant considérable. On tue mieux mais on soigne mieux aussi. En 1914 les microbes tuent plus que les bombes, et l’hygiène devient indispensable. Des progrès majeurs sont fait en médecine de guerre, en techniques opératoires et c’est la naissance de la chirurgie esthétique qui vise à redonner figures humaines aux nombreuses gueules cassées. Les progrès scientifiques et médicaux de ce conflit ont contribué à façonner la science et la médecine d’aujourd’hui.
Une partie de l’exposition est consacrée à l’art, c’est aussi un domaine qui a changé à cette période ?
La Guerre d’hier à aujourd’hui se raconte, en poèmes, en récits, romans, films… L’expressionnisme allemand est issu de la première guerre, tout comme le surréalisme. Le mouvement Dada est à son apogée pendant le conflit. Nous avons la chance, pour cette exposition, d’avoir une toile de Fernand Léger. Cette œuvre prêtée par un particulier a été peinte par l’artiste en pleine bataille de Verdun, sur le bas d’une caisse de munitions et 2 toiles de lin cousues.
Est-ce important que l’exposition se tienne à Verdun ?
Une partie de l’exposition est consacrée à Verdun qui est devenu le symbole de cette guerre. Ce n’est pourtant pas la bataille la plus meurtrière, mais c’est la plus longue (10 mois) et surtout elle symbolise l’acharnement des états-majors français et allemand et le sacrifice inutile de milliers de soldats. Dès le lendemain de la guerre, la ville devient une ville de mémoire où les présidents de la République successifs viendront se recueillir tous les 10 ans.
L’exposition de 600 m2 se déroule sur 6 espaces est-elle pour tout public ?
Oui, l’expo est très interactive. Photos, films, extraits sonores, chacun y pioche ce qu’il veut, même les plus petits. Elle permet de comprendre le conflit dans son ensemble et d’en mesurer les conséquences. Je dis toujours que la Première guerre mondiale n’est pas finie. Ici, on continue de retrouver des corps et des obus et en Haute-Marne va bientôt ouvrir une usine chargée de détruire les obus chimiques. En mettant l’Homme au cœur de cette exposition, j’ai voulu montrer comment elle avait changé nos vies aussi en positif mais aussi souligner qu’elle continuait un siècle plus tard à nous empoisonner la vie.
Centre mondial de la Paix, des Libertés et des droits de l’homme – place Monseigneur Ginisty à Verdun («Que reste-t-il de la Grande Guerre ?» jusqu’au 11 novembre 2018 tous les jours de 10h à 12h30 et de 13h30 à 18h.