La 11e édition des Journées Européennes des Métiers d’Art aura lieu les 31 mars, 1er et 2 avril. Les artisans d’art ouvrent les portes de leurs univers dans toute la région à la rencontre d’un public curieux.
Il existe 1 200 ateliers d’artisans d’art en Lorraine, plus de 2 500 dans la région Grand-Est. Ils sont à l’honneur, ce premier week-end de printemps. Les Journées Européennes des Métiers d’Art (JEMA) se tiendront les 31 mars, 1er et 2 avril. L’occasion de découvrir ou re(découvrir) des métiers qui aillent technique et artistique, savoir-faire et création. Justement, « savoir(-)faire du lien » est le thème choisit pour cette 11e édition. « C’est souvent un métier que l’on fait seul, par vocation » explique le référent à la Mission des Métiers d’Art de la Région Grand-Est. « Mais, il s’agit de faire le lien car on n’apprend pas ces techniques seul. Il y a une transmission des savoirs entre l’élève et le formateur. » Christophe Masson, ébéniste et artiste peintre à Malzéville illustre parfaitement cette thématique. Dans son atelier de 350 m2, il accueillera des anciens stagiaires ayant travaillé avec lui pour leur donner une visibilité. « Je ne voyais pas l’intérêt de faire ces JEMA seul. J’invite ces jeunes car ils n’ont pas encore de locaux. Ici, ils peuvent montrer leurs créations et se faire connaître » détaille-t-il.
Ce lien de maître à élève est essentiel à la formation des jeunes artisans d’art. Mais les JEMA sont aussi faites pour créer du lien avec le consommateur. Créer un moment de partage entre le client et l’artisan, qui se retrouvent dans la création d’un meuble, d’un vase, d’une tapisserie… Et surtout, qui partagent des valeurs communes : savoir apprécier la qualité du produit ainsi que sa valeur, privilégier un savoir-faire sur-mesure, valoriser un métier. Cette année, les JEMA nous invitent « à faire lien » en mettant en avant ce qui nous unit et ce qui peut, grâce aux métiers d’art, réduire la distance entre les gens, entre la culture et les citoyens, entre les territoires.
Le verre, le cristal
Le verre est mis en lumière en Meurthe-et-Moselle cette année. Gallé, Daum, Legras… sont autant de noms qui résonnent fièrement dans le patrimoine verrier lorrain. Aujourd’hui, de Baccarat à Saint-Louis en passant par Vannes-le-Châtel ou Meisenthal, la technique du verre et de la cristallerie est perpétrée et montre que la Lorraine est une véritable terre des métiers d’art. Lors de ces JEMA, le visiteur pourra découvrir le travail de la pâte de verre au musée des Beaux-Arts à Nancy, en participant à une visite avec deux voix : un artisan d’art et un guide d’exposition. La technique du vitrail sera mise à l’honneur au musée Lorrain. Des démonstrations seront proposées, notamment par l’atelier Bassinot des frères Hervé, spécialisés dans la production et la restauration de vitraux d’art. Le musée de l’Ecole de Nancy proposera, quant à lui, des ateliers autour de la taille sur verre avec les élèves verriers du Lycée Labroise de Sarrebourg. A Vannes-le-Châtel, les étudiants du Centre européen de recherches et de formation aux arts verriers (Cerfav) recevront les vanniers professionnels de l’association Comité de Développement et de Promotion de la Vannerie de Fayl-Billot pour créer un workshop. Ce travail commun donne des créations étonnantes et montre que deux métiers d’art peuvent travailler conjointement.
Broderie au Muséum Aquarium
La volonté des JEMA est de mettre en lumière tous les métiers d’art. C’est pourquoi dans la région Grand-Est, un nombre impressionnant de manifestations est programmé. Pour la première fois, le Muséum Aquarium de Nancy ouvre ses portes en accueillant les élèves brodeuses du lycée Lapie de Lunéville. Elles devront recréer l’univers d’un fond marin en broderie perlée, sur un métier de 2 mètres de long. Leur travail est à apprécier, de la première perle posée au résultat final qui promet d’être envoûtant. A Essey-lès-Nancy, la tour de l’église médiévale Saint-Georges a été reconstruite pour les JEMA. Cette année, les visiteurs pourront aller à la rencontre des artisans qui ont participé à ce travail titanesque. Des gestes de tradition pour une réalisation contemporaine. Aussi, une manifestation intitulée « Emilie(s) » consacrée à Emilie du Châtelet aura lieu à Lunéville. Les métiers d’art en lien avec le monde du spectacle seront à l’honneur : luthiers, tapissiers, peintre de décorations… Une modeleuse-sculpteuse confectionnera même, pendant les 3 jours, une sculpture de l’amante de Voltaire. Enfin à Montigny-les-Metz, au château de Courcelles, c’est l’accessoire qui est mis en valeur. « L’accessoire ne l’est plus » justement, comme l’indique le nom de cette exposition où chapelier, corsetier, éventailliste, lunetier, modiste, sellier-maroquinier et bien d’autres présenteront leurs savoir-faire et leurs métiers, souvent méconnus du public.
Le geste est le patrimoine
Si les Journée Européennes des Métiers d’Art sont autant représentées en Lorraine, ce n’est pas dû au hasard. La région est riche d’un patrimoine, d’une histoire de tradition. A Neufchâteau dans les Vosges, on travaille depuis très longtemps le bois et la technique de la menuiserie. La pierre est également exploitée, du calcaire de la Meuse au granit des Vosges. Liffol est la capitale mondiale de la menuiserie du siège. Mais aussi, les émaux de Longwy, la faïence, la lutherie…. Cette tradition est alimentée par le passé industriel de la Lorraine car, dès le 19e siècle, les manufactures ont assuré la continuité de ces savoir-faire.
Les centres de formation aux métiers d’art sont nombreux Lorraine : « C’est la conséquence de la tradition mais aussi la tradition qui doit perpétrer » explique le référent à la Mission des Métiers d’Art Grand-Est. Des formations d’excellence et de prestige. L’école de borderie perlée située à Lunéville est unique en France. Il y a trois formations dédiées aux métiers du verre dans l’hexagone : deux sont en Lorraine. La seule école de lutherie se trouve à Mirecourt. Un stage de formation en menuiserie « concepteur-créateur », dans un atelier, avec un maître, n’est dispensé qu’en Meurthe-et-Moselle… « Notre patrimoine, c’est le geste que l’on apprend et que l’on transmet et non l’objet en lui-même », insiste le référent Mission des Métiers d’Art Grand-Est. Les artisans et leurs apprentis apprennent un métier alliant savoir-faire traditionnel et techniques d’aujourd’hui. « On réapprend à faire les choses. Par exemple, on ne peut plus exploiter l’ivoire. Donc il faut s’adapter et travailler avec des défenses de mammouth, de l’ivoire végétal. » Les nouvelles technologies sont aussi utilisées par le Cerfav qui expérimente la découpe laser et l’impression en 3 dimensions. « Les métiers d’art ne remplacent pas une technique par une autre. C’est une addition de savoir-faire, ce qui rend les métiers de plus en plus complexes. »
Un métier de patience
La tradition perdure. Mais depuis 11 ans, les JEMA sont l’occasion de faire découvrir au public des métiers peut-être peu connus mais permettent également de faire naître des vocations. Car ce sont sur les épaules de nos jeunes que reposent maintenant la continuité des métiers d’art. Des métiers de patience, tant dans la formation que dans l’exercice de la profession. « Les artisans d’art ont de l’avenir car les jeunes réapprennent et se réapproprient cette notion du temps pour acquérir un savoir-faire et construire un lien avec un client. Ce sont des jeunes passionnés. » Les métiers d’art s’inscrivent dans notre époque avec un retour des valeurs telles que les circuits-courts, le sur-mesure, l’objet durable, le « made in France ». « Les consommateurs reviennent vers la valeur de l’objet et ne s’intéressent plus qu’à « l’offre catalogue ». Ils vont acquérir un meuble par exemple, dont ils prendront soin, qui sera à leur goût, qui les suivra toute leur vie. » Et même si l’économie n’est pas des plus propice à l’artisanat en ce moment, le référent à la Mission Métiers d’Art Grand-Est n’aurait qu’un conseil à donner aux artisans en devenir : « S’accrocher et persévérer. Et surtout, ne pas vouloir plaire à tout le monde. Le métier est déjà assez difficile comme ça, il faut faire ce que l’on aime ! »
3 questions à Valérie Debord
Vice-Présidente de la Région Grand-Est
Quelle place a, selon vous, les métiers d’art dans la nouvelle Région Grand-Est ?
Entre régions, on cherche tous à avoir des axes de distinction. Quand la Région Grand-Est s’est créée avec l’Alsace, la Champagne-Ardenne et la Lorraine, il n’était pas question de fusionner mais bien de valoriser et de magnifier les identités de chacune. On a la chance d’avoir une diversité des métiers d’art assez impressionnante dans la région. Je pense, par exemple, aux métiers liés au travail du cristal et du verre en Lorraine, la formation en lutherie à Mirecourt qui est un élément exceptionnel dans notre patrimoine musical, la facture d’orgues également, qui est peu connue. Le but est de mettre en avant ces métiers d’art qui sont, pour certains, méconnus ou peu connus en tout cas, mais qui font le patrimoine de notre région.
« Savoir(-)faire du lien », c’est le thème de cette 11e édition des Journée Européennes des Métiers d’art. Justement, comment la région « fait le lien » avec ses artisans ?
Ce lien, il passe avant tout par les centres de formation. L’apprentissage, c’est exactement dans la thématique de ces JEMA, faire le lien entre un élève et un formateur. La Région donne une place importante à l’artisanat, qui est un axe d’innovation majeur, en développant des centres de formations et en soutenant les lycées professionnels. En accompagnant également les artisans qui forment des apprentis. Souvent, il s’agit de personnes en reconversion qui veulent se lancer dans les métiers d’art. Là aussi, la Région les aide en finançant, si ce sont des demandeurs d’emploi par exemple, leur formation mais aussi en les indemnisant. Les reconversions peuvent également passées par des missions locales qui sont aussi soutenues par la Région Grand-Est.
En quoi est-il important pour la Région de soutenir les JEMA ?
Les métiers d’art sont un facteur de création et d’attractivité. Lorsque l’on parle de l’artisanat d’art en région Grand-Est, plusieurs mots résonnent comme le cristal de Saint-Louis ou le travail du bois dans les Vosges. Il existe incontestablement un lien entre le passé et l’avenir, entre le savoir-faire et les innovations technologiques. Pour nos jeunes, c’est une façon aussi d’exprimer leur créativité, et, en soutenant les JEMA, on espère voir naître beaucoup de vocations afin de faire perdurer ces savoir-faire. Aussi, les métiers d’art sont intimement liés à la culture, un axe fort pour l’action de la Région.
Des choses à voir
Au musée de l’Histoire du fer
C’est la 5e fois que le musée de l’Histoire du fer participe aux JEMA. Cette année, le musée a choisi de mettre à l’honneur deux artisans : une maréchal-ferrant, Marion Pillone, viendra avec deux chevaux et fera des démonstrations en direct. Thierry Tonnelier, artisan-forgeron à Malzéville collabore depuis longtemps avec le musée de l’Histoire du fer qui lui a commandé une panoplie complète de guerrier merovingien. Son travail se poursuivra devant le public : il parachèvera sa fabrication sur la francisque et commencera à forger une pointe de lance. Tous les deux seront à la disposition du public pour expliquer leur travail et comment on affine le métal obtenu à partir de la minette, le minerai de fer lorrain. • Avenue du Général de Gaulle à Jarville / Vendredi : 14h-18h / Samedi et dimanche : 10h-12h et 14h-18h
L’atelier Mademoiselle d’Ange à Strasbourg
Mademoiselle d’Ange est une marque strasbourgeoise de bijoux textiles. Sa créatrice, Frédérique Stoltz, travaille dans son atelier depuis 2007 pour élaborer des pièces originales, colorées, ludiques, mais aussi très raffinées. Chaque étape du processus de création est réalisée à la main, en petite série, en pièce unique ou en commande particulière, avec des matières produites en France et en Europe. Les JEMA permettront au grand public de découvrir son univers et son savoir-faire. • 11 Allée de la Robertsau à Strasbourg / Vendredi, samedi et dimanche : 11h-19h
Les élèves section perruquier du lycée Daunot de Nancy
Le lycée Daunot propose un bac professionnel perruquier et posticheur. Cette formation sur 2 ans est suivie cette année par 12 élèves. Ils sont formés à confectionner des perruques de spectacle pour le cinéma ou le théâtre par exemple mais aussi des perruques pour le milieu médical. Pendant les JEMA, les élèves seront présents au château de Lunéville lors de l’animation consacrée à Emilie du Châtelet. Ils viendront présenter leurs perruques événementielles (une fabrication en cheveux mais pas que !) et leurs coiffages historiques. Le tout fait main, bien évidemment ! • Château de Lunéville / Vendredi, samedi et dimanche : 9h-19h
L’atelier de Jean-Pierre Lengrand, menuisier en sièges à Neufchâteau
Jean-Pierre Lengrand est menuisier en sièges prototypiste et a occupé le poste de responsable de fabrication pendant 41 années en entreprise à Liffol-le-Grand. Il forme actuellement 5 stagiaires en vue de l’obtention d’un CAP. Lors des JEMA, dont il est l’un des ambassadeurs, il présentera ce métier ainsi que la formation, accompagné de ses stagiaires au lycée Pierre et Marie Curie de Neufchâteau. Le public pourra assister à l’élaboration d’un plan de confection de siège ainsi qu’à une démonstration de fabrication à l’établi. Le siège qui lui a permis de remporter le concours MOF sera aussi exposé. • 1 rue Regnault à Neufchâteau / Samedi : 14h-19h / Dimanche : 14h-15h
Les élèves brodeuses de Lunéville au Muséum Aquarium
Il s’agit de la seule formation en broderie de la région et la seule pour la broderie perlée en France. En un mot : l’excellence. C’est une technique de broderie inventée au siècle dernier qu’apprennent les 50 élèves du lycée Lapie de Lunéville. Elles viennent des 4 coins de la France pour apprendre cette technique. Lors des JEMA, 5 élèves participeront à une performance inédite au Muséum Aquarium de Nancy qui ouvre ses portes pour la première fois pour cette manifestation. Les étudiantes devront représenter un fond marin en broderie perlée sur un métier de 2 mètres de long. Le but est de recréer l’univers marin, sombre et poétique, comme si l’on regardait par la vitrine d’un aquarium. Vous pourrez suivre l’évolution de la performance durant les 3 jours. • Vendredi, samedi et dimanche : 9h-18h
L’atelier Kaléidosco – Verrières à Favières
C’est l’histoire de cinq créatrices d’objets de design, de décoration d’intérieur et de bijoux contemporains en verre. Venez découvrir leurs créations dans l’espace boutique, mais aussi plonger dans le monde du verre en visitant leur atelier qui permet d’appréhender différentes techniques : pâte de verre, découpe et peinture du verre, thermoformage-fusing, parachèvement et sablage. Des démonstrations auront lieu sur les 3 jours, où vous pourrez voir les 5 jeunes femmes réaliser à dix mains une gamme d’objets : un service de vaisselle contemporaine empilable et modulable, « BentoKaleidosco », pour lequel elles ont décidé de conjuguer leurs savoir-faire. • 1 rue des Potiers à Favières / Vendredi, samedi et dimanche : 11h-19h
Le centre d’art verrier de Meisenthal
La Verrerie de Meisenthal voit le jour en 1704, dans les Vosges du Nord, dans l’Est de la France. Entre 1867 et 1894 la verrerie sert de laboratoire à Emile Gallé, chef de file de l’Ecole de Nancy, qui y effectue des recherches techniques et artistiques sans précédent, conférant à Meisenthal le statut de « berceau du verre Art Nouveau ». Devenu le CIAV, l’établissement public a pour but de préserver la mémoire technique de son territoire, d’en assurer la continuité et de réinscrire la production verrière traditionnelle dans son époque. À l’occasion des Journées européennes des Métiers d’Art, assistez au soufflage du vase « Mini », dernier né des collections du CIAV en présence de son créateur Mark Braun. Aussi, le nouveau four de fusion sera dévoilé au public pour la première fois ! • 1 Place Robert Schuman à Meisenthal / Samedi et dimanche : 14h-18h
Julien Pham, lunetier à Nancy
Julien fabrique des lunettes depuis 6 ans. Il a été formé à l’école des meilleurs ouvriers de France à Morez. Il existe une centaine de lunetiers en France, il est le seul en Lorraine. Il propose une lunette d’exception, unique, faite main. Elle peut être faite en acétate de cellulose, en bois ou en corne de buffle. Julien compte 10 à 15 heures de travail pour concevoir une paire. Ce qui lui plait, c’est le côté manuel de son métier, la création sur-mesure. Car une paire est une pièce unique et garantie à vie ! Julien expose à Montigny-les-Metz au château de Courcelles lors de l’exposition intitulée « Quand l’accessoire ne l’est pas ». Il sera sur place les 3 jours et présentera ses créations mais apportera également avec lui une partie de son atelier pour montrer au public les processus de fabrication d’une paire de lunettes. • Vendredi : 14h-18h / Samedi et dimanche : 11h-19h
Photos © JP Lengrand JEMA, François Golfier, Bertrand Jamot, Guy Rebmeister,
Lycée Lapie, Julien Pham, JEMA Mademoiselle d'Ange, DR