RDV était donné à 11h00 le lundi 22 novembre, dans une brasserie près de la Gare. Je rencontrais enfin en tête-à-tête Saint Nicolas. Récit d’une interview exclusive et privilégiée.
J’arrive avec un peu d’avance, lui un peu en retard (son grand âge…). L’œil pétillant, le sourire désarmant, il me tend une main chaleureuse. Intimidé, je le précède à l’intérieur. Nous nous asseyons à une petite table près de la fenêtre. Les questions seront franches et sans détour. Cela ne semble pas l’étonner, il faut dire qu’il a dû en voir d’autres depuis le temps.
Je commande des mini-viennoiseries, Saint Nicolas se contente d’un café et de chocolat.
Grand Saint Nicolas, un emploi du temps chargé en ce moment ?
… qui va l’être, comme tous les ans, depuis qu’on me fête depuis le XIIes. Vous savez, très tôt orphelin, j’ai refusé mon héritage, préférant une vie de simplicité et d’humilité. J’ai toujours aidé les veuves, les orphelins, les SDF de toute époque… Je ne regrette pas ce choix de vie.
Si j’ai beaucoup de travail ? Oui, surtout pendant les trois semaines à venir, avant de céder ma place à mon cousin, le Père Noël.
Vous êtes venu sans votre fidèle mule !
Elle se repose. Pensez aux carottes (elle est gourmande mais l’effort est rude, il faut bien la gâter) et au verre d’alcool (pour moi, ça réchauffe par ce froid) à côté de vos chaussons.
Y a-t-il toujours autant d’enfants sages ?
Il y en a toujours autant, et de plus en plus nombreux. Ma fête est intergénérationnelle et conviviale. Les gens y sont très attachés.
Votre tournée est épuisante. Vous avez un grand âge… quel est votre secret pour garder la forme ? Vitamines, grog ?
Je fête mes 1750 ans cette année ! Mon secret, c’est la joie de rencontrer les enfants et les Lorrains. Préparer leurs cadeaux me motive.
Etes-vous triste par moment ?
Non, jamais, c’est peut-être parce qu’on me fête toujours. Il faut toujours regarder vers l’avant, jamais en arrière. Je suis résolument optimiste.
Vous pensez à la retraite ?
Non, absolument pas. J’ai dépassé le quota ! Chaque année, j’ai beaucoup à faire. La fête est d’ailleurs toujours plus belle. Je pense déjà à la suivante.
Que faites-vous le reste de l’année ? Repos au Paradis, partie de cartes avec les autres Saints ?
Je prépare ma prochaine venue. Je contacte les pâtissiers-confiseurs lorrains. Je me repose aussi, et discute souvent avec le Père Noël. Nos problèmes, nos objectifs, nos joies sont souvent les mêmes. Notre passion est commune.
Votre truc pour entretenir votre belle barbe blanche ?
Un coup de peigne chaque matin. Je l’entretiens régulièrement, par respect pour soi et pour les autres. Je fais aussi un peu d’exercice physique.
Que pensez-vous de votre nouveau char [inauguré en 2008 ndlr] ?
Le bateau ? Il est très beau, et rappelle d’autres légendes qui ne sont liées. On oublie souvent que je suis aussi le patron des marins et navigateurs, des prisonniers, des célibataires…. Et puis, je voie mieux les Lorrains, et ils me voient mieux.
Emu par la ferveur à Saint-Nicolas-de-Port ?
Beaucoup. C’est le cœur de la Lorraine. La basilique est le centre d’une très grande émotion.
Avec le temps, quelles relations entretenez-vous avec le Boucher et le Père Fouettard ?
Très bonnes, je n’ai pas d’ennemis. Le Boucher s’est repenti, on s’entend bien. Le Père Fouettard est mon contrepoids nécessaire. C’est une ligne de conduite pour les enfants. Je le « recadre » parfois, mais c’est sans rancune.
Je n’ai moi-même pas été très sage cette année, comment se rattraper d’ici au 6 décembre ?
Reconnaître sa faute est un premier pas. Il faut toujours se remettre en question et tenter de mieux faire, en réfléchissant sur ses actes passés. C’est mon credo.
Ressorti avec des clémentines plein les poches, Etienne Martin.