Roberto Rosello, le grand costumier

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Chaque année il crée 140 nouveaux costumes pour habiller les artistes de la tournée du cirque Gruss. Depuis 15 ans, Roberto Rosello dessine, imagine et pare toute la troupe, de Monsieur Loyal aux trapézistes. Une exception dans le milieu du cirque en Europe.

« La pointe de son crayon est le prolongement de l’imaginaire de Gilbert Gruss ». C’est de cette façon que le cirque Gruss a choisi de résumer le rôle, incontournable de Roberto Rosello.
Elégant personnage de l’ombre, il s’affaire en coulisses et longtemps avant le coup d’envoi de la tournée. Il est l’un des rares à prendre un an d’avance pour livrer en temps et heure sa collection de la saison. Actuellement il planche sur les dessins et croquis des tenues du prochain spectacle, en 2015, celui du trentenaire. Tout commence par une fine analyse du thème de l’année, une discussion précise avec Gilbert Gruss, autour des vidéos des numéros sélectionnés.
La rencontre entre les deux hommes a eu lieu à Nice. A l’époque Roberto Rosello  joue déjà dans la cour des grands, créant les costumes des 6 revues d’Holiday on Ice. Il collabore fréquemment avec le cirque suisse Knie, dont il habille les membres de la famille. Ce que lui propose alors Gilbert Gruss est inédit : habiller tous les membres de la troupe, sans exception.
Chaque année, les séances de visionnages s’enchaînent pour Roberto. Mouvement, musculature, tout est pris en compte. Roberto les sait : le costume fait partie intégrante du numéro. Sans rencontrer les artistes, il prépare deux ou trois croquis pour chacun d’entre eux. Gilbert Gruss juge alors sur pièce, mais comme le précise le costumier : « Il est important que les artistes adhèrent à la proposition du costume. Pour l’instant, nous n’avons rencontré aucun refus, heureusement. »
La suite se joue en Pologne chez un costumier habitué à ce travail original, chez qui la confection aura lieu. «Par exemple, nous sommes très attentifs aux matières et aux couleur. Il est hors de question de commencer deux années de suite le spectacle avec la même couleur ! » explique Roberto Rosello. Dans cet atelier où travaillent dix personnes, les essayages s’enchaînent sur des mannequins, faute d’avoir les artiste sous la main. Mais les fiches de mensuration sont précises et les costumes toujours ajustés.

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Roberto Rosello aime avant tout les défis. Plus c’est compliqué sur le papier mieux il se sent. « La première émotion de la saison, c’est de voir chaque costume sur le mannequin, une fois achevé. Mais l’ultime bonheur arrive dix jours avant le début de la tournée, à Bordeaux. Les artistes arrivent, les costumes arrivent. C’est l’essayage, les dernières retouches. L’explosion arrive ensuite sur scène lors des spectacles. »
Le défi passe aussi parfois par la simplicité, quand certains numéros demande de telles performances physiques que le choix du costume s’en trouve compliqué. C’est le cas cette année avec la troupe chinoise, un numéro très athlétique pour lequel la matière doit être adaptée sans pour autant transiger sur l’originalité du costume.
Le cirque, pour Roberto, c’est le dernier domaine de liberté de création. Cette liberté qu’il recherchait, tout jeune garçon venu de l’Aveyron, son carton à dessin sous le bras. « Partout on me félicitait pour mes dessins, mais on me reprochait mon manque d’expérience. La chance m’a sourit lorsque j’ai trouvé mon premier job dans un atelier de décoration pour des costumes de scène et de télévision. C’est là que j’ai fait une rencontre exceptionnelle : le peintre Pierre Clayette. Il devait dessiner des costumes pour le Marchand de Venise mis en scène par Jean Le Poulain. Il s’est désisté et m’a recommandé. C’était le premier tremplin, ma première expérience, et pas la moindre. »
La suite l’emmènera derrière les plus grandes scènes du Music Hall comme celle du Paradis Latin ou du Crazy Horse. Sans complexe, il peut dessiner à l’époque les costumes pour Le dialogue des Carmélites tout en imaginant les tenues de scène des filles du Crazy. Un grand écart qui le fait sourire aujourd’hui.
De cette expérience riche et variée, il tire aujourd’hui un savoir-faire inégalé dans le monde des costumiers. Jamais il ne réutilise un costume qu’il a déjà dessiné. C’est la seule limite qu’il s’est fixée dans ce métier, qu’il considère comme celui d’un architecte du textile. Et vu que les architectes ne sont pas tenus de monter eux-mêmes les murs, Roberto Rosello le confesse aisément : il ne sait même pas coudre un bouton.