Gilbert Gruss, entre innovation et tradition

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Gilbert Gruss, actuel directeur du Cirque Arlette Gruss, est le gardien d’une longue tradition. Mais loin de se reposer sur les lauriers familiaux, il se renouvelle sans cesse. Pour VivreNancy, il a accepté de se livrer sans fard ni pudeur entre deux spectacles.

Comment aborder Gilbert Gruss ? Si l’idée d’une interview semble naturelle, l’exercice l’est moins. Nous avons finalement choisi de lui souffler un ou deux mots et, à chaque fois, de lui demander ce que cela lui évoquer. Compte-rendu.

Alexis Gruss [son grand-père, ndlr]

« Ce nom m’évoque la rigueur de cet homme, qui était très rigoureux sur son travail, son métier et surtout sa famille. Il était d’une grande sévérité. Il fallait que ça file droit. En termes d’artiste, c’est le maître écuyer qui n’a toujours pas été dépassé, malgré son décès en 1985. C’était un grand bonhomme avec les chevaux, quelqu’un de très très haut placé. »

Chevaux

« Quand on dit Gruss, c’est ce qui vient tout de suite à l’esprit. Le cheval, à cause de mon grand-père, c’est l’emblème du nom, mais pas seulement. Nous avons de nombreux autres numéros. Quelque part, on a tous une passion du cheval. Ma fille Laura a reçu huit frisons en cadeau cette année [ils sont actuellement en cours de dressage au haras national de Uzès par Lucien Gruss]. C’est un héritage qui pèse pour les jeunes de la famille ; un souvenir de la rigueur du grand-père qui éduquait les chevaux. »

Cathédrale

« C’est le nom de notre chapiteau. C’est aussi le côté très catholique de la famille Gruss. On ne le renie pas. Ma mère allait à la messe tous les dimanches ; c’est difficile pour nous aujourd’hui à cause des spectacles, mais chaque année, des messes sont célébrées sous le chapiteau.
Ce chapiteau, c’est l’hommage à Arlette de son propre cirque après sa disparation. On voulait un truc unique au monde. Cette cathédrale de toile a été fabriquée à Bordeaux et mise au point par un ingénieur de Lyon. L’année prochaine, il y aura de nouvelles tentes pour la ménagerie, révolutionnaires. Il faut toujours se remettre en question et avancer vers la modernité. »

Artistes

« On retrouve chaque année, bien sûr, les membres de la famille, mais ils sont soumis aux mêmes règles que les autres : toujours renouveler son art pour proposer quelque chose de nouveau. Depuis 27 ans, c’est aussi plus de 580 noms. Artistes, ça m’évoque aussi des liens avec beaucoup de monde qui sont restés en tant que vrais amis. La création d’un spectacle, c’est un métier très difficile : pas de RTT, pas de vacances. On vit, mange, dort le cirque. C’est avant tout une passion, mais avec des amis, on a moins de problème de donner à fond son temps, de donner ses richesses.
Cette année, les artistes, c’est 14 nationalités. C’est beaucoup de diversité. »

Spectateurs

« Plus de 11 millions depuis la création du cirque au début des années 1980 ; 600 000 par an. C’est toujours une fierté de les voir se lever à la fin du spectacle pour applaudir. Ce sont un peu mes enfants ; je les traite comme ma famille. C’est ça aussi le cirque : une grande famille et non du merchandising. On donne ce qu’on a en nous »

Piste

« J’y vais moins car la fonction de directeur est accaparante. C’est un gros regret, même si mes journées sont bien remplies. C’est toujours un manque, car un artiste vit avant tout pour la piste. Parfois, c’est presque déprimant. Moi, la piste, j’en rêve toute l’année, ce qui explique peut-être que mes spectacles soient bâtis comme des rêves. »

Vétérinaire [son rêve étant jeune, ndlr]

« Des regrets ? Non, car j’assume les deux : je vis avec les animaux et les côtoie, je m’occupe d’eux tout en faisant mon autre passion : créer des spectacles. Finalement, la tradition se poursuit, et mes enfants suivront. J’en suis fier. »