Édito
Un rond de paradis
Sous le chapiteau rouge et blanc, la vie palpite à un rythme différent. Le trapéziste se lance dans le vide et le cœur du spectateur se met à cogner fort dans sa cage thoracique. Une odeur remplit l’atmosphère, un mélange puissant et sauvage, et les fauves roulent leur mécanique bien huilée de muscles et de griffes. Derrière le rideau, entre chaque numéro, l’air frémit et le public a le souffle suspendu : quel artiste va l’emporter dans son monde cette fois-ci ?
Le cirque nous fait rêver, nous fait voyager, nous exalte. Et puis, comme dans la chanson de Maxime Leforestier, les arts circassiens sont souvent une histoire de famille : « petit tu es né saltimbanque / de ville en ville, tu iras / jongle avec tout ce que tu as / et si tu manques / cent fois, tu recommenceras ». Chez les Gruss, de nombreux noms ont brillé en lettres or et rouge dans le firmament du cirque : Alexis le grand-père et maître-écuyer, Arlette, la dompteuse de panthères, Alexis Junior, neveu d’Alexis Senior, Gilbert, l’actuel directeur artistique du cirque Arlette Gruss… Et justement ce dernier fête cette année ces 30 ans d’existence. Du 21 octobre au 1er novembre, le chapiteau Arlette Gruss arrime ses cordages et monte ses mâts sur la place Carnot. Le public nancéien pourra ainsi souffler ses trente bougies après un spectacle fort en émotions et en défis artistiques.
Mais parfois, on en veut plus, faire durer encore un peu ce moment envoûtant. Les ateliers « arts du cirque » proposés dans plusieurs MJC du Grand Nancy, permettent d’entrer plus avant dans l’univers circassien, en décrypter les codes et en devenir momentanément l’un des acteurs. Jonathan Lhoir lui n’est pas un acteur mais plutôt l’observateur d’un tout autre spectacle : celui de la nature. Avec pour seul accessoire son appareil photo, il a capturé les gestes gracieux d’animaux à l’état sauvage. L’exposition « Black and Wild » suivent leurs évolutions, les confrontent à leur environnement et nous place, nous aussi, dans la position passive de celui qui regarde.
Et puis de l’excellence de l’artiste de cirque essayant de repousser les limites du possible, Lorraine Magazine passera à celle de Baccarat et de son cristal si précieux. Après trois ans de travaux, le musée rouvre ses portes. A l’intérieur, plus de 260 pièces se laissent admirer et rendent hommage aux meilleurs ouvriers de France qui les ont soufflées, taillées, sculptées. Et tous, artistes circassiens, photographes, créateurs d’objets en cristal, tous nous offrent une part de beauté, un instant à part prompt à faire fondre les moments difficiles. D’ailleurs, Annie Fratellini l’avait compris « Le cirque, c’est un rond de paradis dans un monde dur et dément ».