Nichée dans le creux d’un vallon d’altitude, il fait partie des plus beaux jardins de France. Le jardin de Berchigranges propose du printemps à l’automne une promenade hors du temps et de l’espace. Une expérience unique dans une nature domptée, qui laisse exploser ses couleurs, ses formes et ses senteurs.
Au commencement il y avait la pierre. Le granit qui enrichissait les habitants des Vosges. Une immense carrière qui – on peine à l’imaginer – conférait aux lieux des airs de paysages lunaires. Puis les grands épicéas, plantés en rangs serrés ont pris le relais lorsque les carrières ont fermé.
La préhistoire de Berchigranges est à l’image de son histoire : une adaptation au milieu naturel.
Quand les propriétaire décident d’en faire un jardin, ils font un pari fou tant les lieux sont inadaptés : de l’eau qui s’échappe anarchiquement des roches, très peu de terre par endroit, trop par ailleurs. Il leur fallu huit ans de travail et près de 150 camions de terre pour façonner ce jardin.
Avec cette nature à apprivoiser, bâtir un jardin comportait en soi des contraintes qui façonne aujourd’hui ses contours, ses courbes. Un adversité qui s’ajoute à celle de l’altitude et du climat.
Jardin des sens
De ce scénario de gladiateur est née un belle réalisation toute en douceur et harmonie. Et c’est bien là le charme de Bertrigranges : savoir faire oublier l’endroit où l’on se trouve. Quand Monique Dronet vous accueille à côté de son chalet bleu, elle propose même de parcourir une partie du jardin pieds nus, notamment les pelouses, aussi fragiles mais aussi douces qu’un tapis de mousse. Alors la magie opère : on se déplace lentement, en prenant le temps de sentir la fraîcheur ou la chaleur des lieux. Un nuage passe, on frissonne un peu. Le soleil revient, il ravive les couleurs des œillets, une des spécialités maison. Le vent se lève, il fait chanter les feuilles d’arbre dont on ne connaît pas le nom.
Prendre le temps
Loin d’un musée des plantes savant, le jardin de Bertrigranges invite plutôt à la flânerie. D’emblée, on est séduit par ce côté cottage anglais au beau milieu des Vosges, à 650 m d’altitude.
On s’émerveille de la présence réunie d’autant de plantes rares, de collections parfois anciennes ou venant de l’autre bout du monde, que ce soit de l’Himalaya ou des dunes irlandaises, côtoyant des plantes sauvages patiemment acclimatées. Le tout forme un joyeux fouillis, organisé pour créer des scènes au charme infini, allant de la pergola de roses au jardin alpin, aux ruisseaux au potager et aux nombreux coins de repos. Une petite halte dans une cabane vous invite même à prendre le temps d’un moment de lecture.
Visiter Berchigranges, c’est prendre le temps. Celui par exemple d’observer une abeille venir butiner une fleur aux contours étranges. Celui de se perdre dans les labyrinthes d’arbres taillés, et jouer comme Alice au pays des merveilles. Le jardin se fait alors film ou plutôt théâtre naturel des émotions.
Comme autant de scènes réussies, les différentes parties du jardin, que l’on franchit sans s’en rendre compte nous transportent comme dans les salles d’un musée. Chacun y verra la peinture qu’il aime : l’impressionnisme d’un petit kiosque, l’académisme d’un jardin à la française, le romantisme d’un cottage anglais. Chacun écoutera par dessus sa musique préférée : le bourdonnement d’un insecte, le bruit du vent dans les peuplier, celui de l’eau près de la cascade.
Au clap de fin, quand la visite s’achève, on ressort, comme Alice, de ce pays des merveilles, un peu sonné mais apaisé. En se disant que les bouquets du fleuriste, même offert avec le cœur pourraient désormais nous apparaître bien fades… Alice Cimiez
Jardin de Berchigranges, 88640 Granges-sur-Vologne • Plus d’infos sur berchigranges.com • facebook.com/jardindeberchigranges