En préfiguration à l’ouverture du Musée du flacon de parfum, la Communauté de Communes du Territoire de Lunéville à Baccarat propose l’exposition « Le flacon en majesté, esprit d’une collection » au Pôle Bijou de Baccarat, réunissant plus de 200 pièces de l’impressionnante collection de George Stam. À découvrir à partir du 6 février.
Charlotte Brontë dans Le Professeur écrivait : « On n’éprouve qu’une seule fois les émotions qu’éveillent une première vue, une première audition, garde-les bien, ô ma mémoire, conserves-en le parfum dans un flacon scellé, et dépose-le en un lieu sûr. » Les odeurs, souvent parfumées, rappellent à tout un chacun un être cher, un souvenir d’enfance, le lieu d’une rencontre… En France, l’histoire de la parfumerie s’écrit à Grasse depuis le XIIe siècle où des tanneurs se sont installés au cœur de la cité. La parfumerie de luxe, elle, doit beaucoup à la mode du gant parfumé importée d’Italie par Catherine de Médicis au XVIIe siècle. À cette époque, les parfumeurs composent des extraits de bouquets floraux à partir d’essences aromatiques : le parfum devient alors symbole d’élégance et complice du jeu de la séduction. Mais au-delà de l’essence, le flacon de parfum devient presque objet d’art : les progrès réalisés dans la fabrication de la porcelaine ainsi que dans l’art verrier, stimulés par l’invention du cristal au plomb en Angleterre en 1673, favorisent la création de flacons exquis. Ce sont justement ces pièces cristallines, entre élégance et malice, qui ont intéressé, il y a une trentaine d’années, le collectionneur George Stam.
Thématique des couturiers parfumeurs
À partir du 6 février, le Pôle Bijou de Baccarat accueille l’exposition « Le flacon en majesté, esprit d’une collection » présentant plus de 200 pièces exceptionnelles de George Stam, sous la présidence d’Anne-Claire Tattinger. Cette exposition de préfiguration est le point de départ d’un projet plus ambitieux encore : rassembler, dans un espace muséal, la vertigineuse collection de George Stam, du flacon de parfum à ses infinies déclinaisons.
« La thématique des couturiers parfumeurs largement présente au sein de la collection de George m’apparut comme un axe de réflexion susceptible de devenir le thème principal de cette exposition en raison des liens étroits tissés entre la mode et le parfum depuis plus d’un siècle » explique Anne Camilli, commissaire générale de l’exposition. « Convaincue que ce thème pourrait attirer à Baccarat un public nombreux, amateur de flacons, de parfum mais également de mode, il me sembla essentiel d’apporter à cette exposition toute la théâtralité requise. C’est ainsi que l’idée d’un défilé de flacons s’imposa à moi. Les flacons et leurs coffrets ne forment-ils pas en quelque sorte, la garde-robe du parfum ? »
L’écrin du Château de Gondrecourt
C’est en 2013 que George Stam fait la rencontre de Christian Gex, le Maire de la ville de Baccarat : « George est un homme de cœur, passionné. Son histoire m’a donné des frissons. George ne veut pas que sa collection soit décimée ou vendue aux enchères. Il en fait don à la ville de Baccarat… Je ne pouvais pas passer à côté de cette opportunité. Aujourd’hui, nous avons créé la « Fondation Baccarat », actuellement au stade d’un Fonds de dotation pour recevoir la première partie de la collection de George. »
Le futur Musée du flacon du parfum trouvera son écrin au Château de Gondrecourt. Un coup de cœur immédiat pour George Stam : « C’est un lieu construit par l’intendant de l’évêque de Metz, devenu une école ménagère puis une école privée… Un lieu chargé d’histoire, ayant appartenu à un ancien propriétaire de la cristallerie, parfait pour accueillir ma collection. » George Stam a déjà tout en tête : dans ces 600m2 d’exposition, les objets seront présentés en sept étapes, selon un parcours de découverte valorisant la place des grandes maisons de luxe, de la Haute Couture ainsi que la vision de la société que ces objets véhiculent. Il veut aussi exposer les pièces de maîtrise des Meilleurs Ouvriers de France car « sans eux, aucun flacon n’existerait. » La rénovation du Château de Gondrecourt est confiée à l’agence d’architecture Chartier-Corbasson, incluant la création d’un bâtiment contemporain conçu comme une vitrine jouant sur la transparence, en hommage au savoir-faire verrier régional. À Christian Gex de conclure : « Cette exposition est l’occasion de montrer au public ce que sera le Musée du flacon de parfum mais aussi aux futurs mécènes qui nous aideront dans la réalisation de ce magnifique projet. La ville de Baccarat a trop vécu dans l’ombre de la cristallerie. Ce futur musée, financé aussi en grande partie par l’Europe, le Massif Vosgien, l’Etat, la région Grand Est, le Conseil Départemental de Meurthe-et-Moselle et la CCTLB, permettra de développer la ville et son économie touristique. Nous sommes au cœur d’un territoire de savoir-faire que nous devons mettre en valeur. » Pauline Overney
À partir du 6 février au Pôle Bijou de Baccarat
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 12h et de 14h à 18h • Entrée libre
Renseignements : 03 83 76 06 99 ou [email protected]
Entretien avec George Stam
collectionneur et donateur de la collection des flacons de parfum et partenaire de la
« Fondation Baccarat »
Votre collection est riche aujourd’hui de 1300 pièces répertoriées et quelques 1000 autres non répertoriées. Comment avez-vous trouvé votre tout premier flacon ?
Je suis citoyen néerlandais, arrivé en Suisse à la pré-adolescence, avec ma famille. En suisse, j’ai accompli ma carrière dans l’immobilier, jusqu’à ma retraite. Je réside maintenant à Baccarat, depuis juillet 2019. Un jour je me suis rendu à Genève pour mon travail et je suis passé devant la boutique d’un antiquaire : j’ai été intrigué par un aspirateur en bois. En passant devant sa vitrine des flacons de parfum, j’ai repéré cette pièce en forme de tortue. Il y avait le poinçon Baccarat derrière. J’ai su plus tard que c’était un flacon Guerlain qui symbolisait la lenteur des travaux de la Maison Guerlain qui devait ouvrir en 1912 sur les Champs Elysées mais qui n’a ouvert ses portes qu’en 1914. Croyez-le ou non, mais je n’ai pas dormi cette nuit-là. Le lendemain, je suis retourné à Genève pour l’acheter. Ce flacon a changé ma vie.
Étiez-vous déjà connaisseur ou votre passion a commencé à ce moment-là ?
Je ne connaissais rien à cet univers ! Mais juste après l’acquisition de ce flacon en forme de tortue, que je trouvais si insolite, j’ai fait quelques recherches et je me suis rendu à des ventes aux enchères à Paris mais aussi à différentes bourses et brocantes. Et puis, au fil du temps, on fait des rencontres… Ce qu’il y a de passionnant dans ce milieu des flacons de parfum est que l’on en apprend tous les jours !
Qu’est-ce qui vous fascine dans ces objets ?
Je m’intéresse aux flacons qui portent un nom de fabricant ou de parfumeur. Leur âge d’or est le début 1900. À l’époque, les flacons de parfum étaient nommés « Ne m’oublie pas », « Pense à moi », « Tais-toi mon cœur ». C’est insolite d’offrir un parfum avec nom-là à une femme je trouve ! Bien sûr, la beauté de l’objet m’intéresse particulièrement. Je ne collectionne que les flacons en cristal avec un bouchon en verre « à l’émeri », produits depuis environ 1906 jusqu’aux années 1960. Il y a encore quelques pièces de nos jours mais dans des éditions très limitées.
Le 6 février s’ouvre cette exposition de préfiguration à l’ouverture de la Maison du flacon de parfum à Baccarat. Comment avez-vous travaillé avec Anne Camilli, la commissaire de l’exposition ?
En regardant l’ensemble de ma collection, je me suis aperçu que l’on pouvait la décomposer en sept thèmes, par exemple le floral, le féminin, l’animalier… Avec Anne Camilli, nous nous sommes intéressés aux flacons de parfum produits par les couturiers. Près de 200 pièces seront réunies et montreront les œuvres de Paul Poiret par exemple, grand homme qui a libéré les femmes du corset mais aussi de Madeline Vionnet, Jacques Worth, Coco Chanel, Elsa Schiaparelli…
Vous avez choisi de léguer votre collection à la ville de Baccarat alors que vous avez été approché par des villes comme Paris ou Grasse… Pourquoi ce choix ?
Tout vient de mon premier flacon. Baccarat, c’est bien sûr la cristallerie, c’est un savoir-faire unique. Mais c’est aussi la région Grand Est avec toutes ces grandes maisons que sont Lalique, Daum, Saint-Louis… Pour moi, avoir cette collection ce n’est pas « posséder » mais « rassembler ». Aujourd’hui, je n’ai pas d’héritiers et je ne veux pas que ma collection soit dispersée. Au contraire, je veux pouvoir en faire profiter les gens, les touristes, les curieux. Paris et Grasse sont déjà bien dotées en musées. Baccarat a besoin d’un coup de pouce pour retrouver sa vigueur. Et puis… quel bel écrin que le Château de Gondrecourt pour accueillir cette collection !
Vous avez dit : « Mon flacon préféré est celui que je ne possède pas encore ». Vous continuez à enrichir votre collection aujourd’hui ?
Bien sûr ! C’est ce qui me fait vivre ! Si je suis encore enthousiaste aujourd’hui c’est parce que j’arrive encore à trouver des pépites qui viendront compléter, au fur et à mesure, les pièces déjà présentes au Musée du flacon de parfum. Propos recueillis par Pauline Overney
publireportage - Photos © dr