Mehdi Djaadi fait de son « Coming-out » spirituel et scénique le prétexte à jauger notre rapport au vivre-ensemble. Rencontre, avant son passage salle Poirel le 17 février.
À quel moment vous êtes-vous dit que votre vie pourrait faire un (super) spectacle ?
Il y a eu plusieurs déclics. Sorti de l’École supérieure d’art dramatique de Lausanne, je jouais depuis quelques années pour les spectacles des autres, dans les films des autres, en étant souvent cantonné au rôle de « l’arabe de service ». J’ai eu envie de raconter autre chose, une histoire qui ne doit pas celle attendue. Pour cela, il fallait qu’à travers mon histoire peu commune, je déniche la part d’universel. J’ai pris pour angle l’antidéterminisme, le fait de pouvoir choisir sa vie. Ma rencontre avec Thibaut Evrard, mon binôme d’écriture, a fini de me convaincre de porter cette histoire sur scène.
À quoi ressemble votre public ? On l’imagine ouvert aux autres, et hyper tolérant.
Au départ, il s’agissait essentiellement de chrétiens de tout bord. Puis le spectre s’est élargi et aujourd’hui, toutes les confessions se mélangent. Viennent également me voir des personnes athées qui se reconnaissent dans mon parcours de vie. Car au-delà d’une odyssée spirituelle, ce spectacle raconte le chemin d’un jeune de quartier populaire, fils d’ouvriers, sans réel horizon, et qui rêve de devenir acteur, le tout avec humour et dérision. Mon public est donc varié, mais mes spectateurs ont un point commun : une grande curiosité.
Vous êtes-vous interdit certaines choses lors de l’écriture du spectacle ?
Aucune. La seule règle était de ne blesser personne. J’ai eu envie d’aborder tous les sujets qui me tenaient à cœur sans me mettre de limites, mais avec humour, bienveillance. Par certains aspects, ce spectacle peut questionner, interpeler, bousculer, mais après l’avoir joué partout, dans la France rurale, au plus profond des banlieues et même en prison, je peux dire que notre pari est réussi. À ce jour, les seuls que mon propos dérange sont la presse d’extrême droite et la bien-pensance.
Est-ce que votre quête spirituelle continue ?
Elle ne sera jamais finie, et c’est salutaire : une seule chose ne peut pas apporter toutes les réponses. Alors je continue à chercher, à me nourrir des autres et de tout ce que le monde qui m’entoure peut apporter. En cela, je tords le cou à toutes les idées reçues qui voudraient qu’être dans la religion, ce soit suivre un certain nombre de préceptes moraux en rejetant tout le reste.
L’histoire d’une quête spirituelle
En quatre ans et demi d’exploitation, « Coming-out » comptabilise pas moins de 50 000 spectateurs en près de 500 dates, et une nomination aux Molières 2023. Au jeu et à l’écriture, Mehdi Djaadi. Le comédien nous raconte son enfance dans un quartier populaire, l’arrêt de l’école à 15 ans, puis la délinquance, la drogue, les nuits dans la rue, et la façon dont son rêve de devenir acteur l’a sauvé. Spirituel et sensible, ce seul en scène évoque également un parcours hors du commun : celui d’un jeune homme musulman devenu protestant puis chrétien. L’histoire d’une quête spirituelle, d’une quête d’identité, sur laquelle le premier concerné porte un regard sans concessions et bienveillant, plein d’autodérision. En tant que spectateur, on en ressort plus tolérant, et avec une furieuse envie de partage.
→ « Coming-out », Samedi 17 février à 20h à la Salle Poirel de Nancy – Billetterie poirel.nancy.fr
Photos © Stephane Kerrad, DR