Quand Philippe Boesmans, compositeur de génie, revisite Mademoiselle Julie, personnage tragique d’August Strindberg, la beauté (et le drame) nous submergent.
L’histoire prend place à la fin du XIXe siècle dans un château perdu de la campagne suédoise. En ce 24 juin, nuit de la Saint Jean, nombreux sont ceux à vouloir danser jusqu’à l’aube ; Mademoiselle Julie, fille du comte, est de ceux-là. Elle convainc Jean, domestique dont la fiancée, Kristin, s’active en cuisine, de danser avec elle. Peu à peu, tandis que Kristin s’endort, les deux jeunes gens se prennent au jeu de la séduction, le dialogue se muant rapidement en duel. Qui est Julie ? Un oiseau en cage en quête de liberté ? Une ensorceleuse guidée par ses seules pulsions ?
L’alcool aidant, Jean et Julie partagent leurs rêves. Jean la persuade de la suivre dans sa chambre ; quand ils en reviennent, la relation est consommée et leurs rapports ont changé. Jean suggère de fuir le château pour partir ouvrir un hôtel à l’étranger, perspective que cette brusque et inespérée ascension sociale rend possible… Rongée par la culpabilité, Julie s’en remet à Jean.
Lorsque le jour se lève, Jean comprend que toute la fortune de Julie est en fait celle de son père et rejette violemment la jeune femme. En réaction, cette dernière vole à son père une liasse de billets, geste qui redonne corps aux espoirs de départ… Mais Jean refuse d’emporter l’oiseau de compagnie de Julie, décision entérinée par la décapitation de l’oiseau, drame préfigurant l’autre à venir. A son réveil, Kristin découvre la trahison de son fiancé, le vol commis, le déshonneur promis… Ses reproches ensevelissent Jean et humilient Julie, qui, déshéritée et restée seule, se suicidera à l’aide du rasoir fourni par Jean.
Avec cette revisite de Mademoiselle Julie, « tragédie naturaliste » d’August Strindberg, Philippe Boesmans, figure respectée et plébiscitée de l’opéra contemporain, signe son quatrième opéra. Dans cette pièce-repère des deux dernières décennies, sa musique met son expressivité au service du drame en révélant les ombres, les non-dits, les aspérités et les mensonges… A la direction musicale, le spectateur retrouvera Emilio Pomarico, autre défenseur ardent du répertoire contemporain ; à la mise en scène, Silvia Costa, artiste protéiforme dont la sensibilité transforme la danse de mort en ballet dans lequel les corps s’appellent et se repoussent jusqu’à leur destruction mutuelle.
Représentations :
Dimanche 27 mars à 15h
Mardi 29 mars à 20h
Jeudi 31 mars à 20h
Vendredi 1er avril à 20h
Tarifs : de 5 à 75€
Durée : 1h15 sans entracte,
tout public à partir de 11 ans
Les rendez-vous en marge du spectacle
Conférence 1h avant le début du spectacle (gratuit, sur présentation du billet).
La représentation du 27 mars donnera lieu à un atelier du dimanche, destiné aux enfants de 4 à 10 ans pendant que les parents profitent du spectacle ! (Réservation au guichet place Stanislas, ou au 03 83 85 30 60 ou par mail [email protected]) Tarif unique 10€
Conférence Le son de demain : « Mettre en scène un opéra : une question qui fâche ? » avec Christian Merlin, critique musical, samedi 2 avril à 11h (Salle Poirel, gratuit, entrée libre)
3 questions à Matthieu DUSSOUILLEZ
Directeur général de l’Opéra national de Lorraine
Quelle place l’Opéra de Lorraine accorde-t-il à la création contemporaine ?
L’une de nos missions, en tant qu’opéra national, est d’entretenir notre répertoire symphonique et lyrique et de participer à son enrichissement. Nous devons créer parce que les arts sont vivants ! Il nous revient par ailleurs de continuer à interroger notre monde, notre art, sur la forme et le fond. Car même s’il existe d’autres moyens d’expression (le cinéma, les séries télé…) pour raconter notre société et nos rêves, l’opéra a l’art de transcender les questions qui nous traversent.
En quoi Julie trouve-t-elle sa place dans votre programmation ?
D’abord parce qu’il s’agit d’un chef-d’œuvre du 21e, or jouer la musique de notre siècle a quelque chose de particulièrement stimulant. Ensuite parce que l’opéra a cinq siècles d’histoire, et que nous avons à cœur d’épouser ces cinq siècles de la musique et de l’opéra. Enfin, cette très belle œuvre créée en 2005 à Aix-en-Provence fonctionne très bien d’un point de vue théâtral. Nous sommes partie prenante de tous les spectacles que nous présentons, si ce n’est en tant que producteur – comme c’est le cas avec Julie –, au moins comme coproducteur.
Un mot de la mise en scène signée Silvia Costa ?
Cette artiste protéiforme se distingue par la précision et la poésie de son travail. Elle sonde l’œuvre de manière à lui donner deux niveaux de lecture. Le premier, à l’image de la pièce, est naturaliste. Le second révèle le sens caché, ce que Silvia Costa traduit par l’expression des corps, un vocabulaire des gestes – y compris chez les chanteurs – et un grand soin apporté à l’esthétique.
Propos recueillis par Cécile Mouton
Infos et réservation sur opera-national-lorraine.fr
Publireportage - Photos © E. Okazaki, Silvia Costa, Vincent Arbelet, DR