Partout en France et en Lorraine en particulier, 2014 rimera avec histoire et mémoire. Expositions, conférences, commémorations, parcours commentés sur les traces des Poilus… rythmeront cette première année du centenaire. Le Musée Lorrain ouvre les festivités en proposant une exposition ciblée sur l’été 2014 et sur un moment clé et pourtant méconnu : la bataille du Grand Couronné.
« Nous avons tous des images précises de la Première Guerre Mondiale ; les tranchées, les grandes batailles de Meuse. En revanche, on connaît assez mal le début du conflit et l’importance de ces batailles qui se sont déroulées à nos portes. L’un des objectifs de le l’exposition Été 1914, Nancy et la Lorraine dans la guerre, est d’expliquer les spécificités de ce moment charnière du premier conflit mondial en le resituant dans son époque et en cassant quelques idées préconçues » explique Lisa Laborie, commissaire de l’exposition. Dans la galerie des Cerfs, le parcours se décline en cinq sections – regroupant objets, œuvres d’arts, témoignages – avec la volonté de faire la lumière sur les différentes facettes de ce moment charnière, décisif dans l’évolution du conflit.
Avant 1914
« Impossible de comprendre l’été 1914 sans évoquer la guerre de 1870 et le contexte historique, politique et social des années qui précèdent l’entrée en guerre. La première partie de l’exposition est donc consacrée à « l’avant », poursuit la conservatrice, c’est l’occasion de revenir sur les idées de revanche et d’enthousiasme de la mobilisation pour les replacer dans la réalité. » Entourée d’un comité scientifique pointu composé d’historiens français et allemands ainsi que d’archéologues, l’équipe du musée s’est attachée à retracer cette période particulière où Nancy, suite à la défaite de 1870, devenue capitale de la Lorraine, se trouve à quelques kilomètres de la frontière. Cette partie, riche en œuvres d’art, s’intéresse en particulier aux tensions transfrontalières et aux prémices de cette guerre attendue par tous.
La fleur au fusil ?
La seconde section de l’exposition présente l’enchaînement des événements qui conduisent à l’entrée en guerre « nous avons souhaité rendre palpable l’atmosphère d’une société entière partant à la guerre. Nous préparons cette exposition depuis 2 ans mais pour cette section en particulier cela a été un travail de fourmi car il existe relativement peu de photos du conflit avant 1915. » Puisant dans les archives françaises et bavaroises, le musée a regroupé des images rares, des cartes postales satyriques, des ordres de mobilisation ainsi que des uniformes français et allemands. Pour rendre vivant ce moment particulier tant en France qu’en Allemagne, l’exposition offre de nombreux extraits sonores comme le son du tocsin et de nombreux témoignages d’époques lus et enregistrés par des comédiens.
Les batailles sur le sol lorrain
Autour d’une grande carte d’état-major animée, le cœur de l’exposition revient sur les premiers combats de l’été 1914 sur le sol lorrain. « On connaît très peu la réalité des combats de cette guerre de mouvement, explique Lisa Laborie, pour beaucoup de soldats c’est un baptême du feu et une période particulièrement dure où s’affrontent des tactiques militaires héritées du XIXe siècle et une guerre plus moderne. » Point d’orgue de cette partie de l’exposition : une carte animée et didactique. Comme les généraux de l’époque, les visiteurs pourront se pencher sur une grande table et étudier les cartes. Après un résumé du contexte historique européen de l’époque – la Triple Entente, la Triple Alliance – on suit l’évolution de la bataille des frontières pour arriver au plus proche de Nancy, le 4 septembre 1914, au début de la batille du Grand Couronné. Moins connue que Verdun, cette bataille qui a opposé les troupes de l’armée française sous les ordres du Général de Castelnau à la VIème armée allemande dirigée par le Prince Ruprecht de Bavière est pourtant décisive. Elle a joué un rôle majeur pour la défense de Nancy et des alentours et a surtout permis de stabiliser le front dans cette zone pour toute la durée de la guerre et d’éviter une prise à revers des troupes françaises lors de la Bataille de la Marne. En plus de nous plonger dans la réalité des combats, date par date, la carte interactive, permet de visualiser l’impact du Grand Couronné sur la suite du conflit. Dans une scénographie originale « qui veut évoquer la violence des combats » cette partie de l’exposition fourmille d’objets et d’images. «En 2011, lors de fouilles préventives sur un chantier à Champenoux, les archéologues de l’INRAP ont retrouvé une tranchée et beaucoup d’objets laissés sur le champ de bataille, poursuit Lisa Laborie. Balles, douilles, casques à pointe et objets quotidiens seront exposés. »
Témoignages et œuvre inédit
Au travers de témoignages, de documents d’archives, d’objets historiques, l’exposition évoque également la vision des civils installés au plus près des combats. « Dans tout le parcours nous nous sommes attachés à comprendre comment les gens ont vu et ressenti le conflit, à Nancy bien sûr mais aussi dans les villages détruits comme Gerbéviller ou Nomeny. Pour ces deux villages, nous disposions de pas mal d’images dans les fonds du musée, notamment à travers des dessins de Victor Prouvé ou de Léopold Poiré. Le centre photographique des armées et le CIL nous ont également fourni beaucoup de photos.» Ces photographies de villages détruits utilisées pour la propagande sur les « atrocités allemandes » côtoient dans l’exposition des affiches et des cartes postales de l’époque. « Pour cette partie de l’exposition, nous avons eu une chance exceptionnelle, sourit Lisa Laborie, grâce à une œuvre inédite signée Raoul Tonnelier. Cet artiste nancéien a participé aux premiers combats en Lorraine avant d’être démobilisé. En 1915, il va créer « la légende France » un spectacle à la lanterne magique qui va être joué à Rome, New York, Genève…Retrouvé dans le grenier familial, l’œuvre restaurée n’a été présentée qu’une seule fois à Paris avant d’arriver à Nancy. C’est un témoignage exceptionnel car il donne la vision d’un artiste, d’un soldat, mais aussi d’un citoyen sur cette guerre. » L’une des planches de ce spectacle qui dure pas moins d’une heure et demie a été choisie pour créer l’affiche de l’exposition.
Quelle mémoire ?
La dernière section de l’exposition s’attache à comprendre la postérité de la bataille, pendant et après le conflit tant en Lorraine qu’en France et à l’étranger ainsi que la place qu’elle occupe dans la mémoire et sur le territoire. « Comme pour l’exposition sur Jean Prouvé, nous avons souhaité ponctuer cette exposition par une vision contemporaine en confiant une mission à un collectif d’artistes la mission de retrouver et de photographier les vestiges et traces de la bataille. » Basée sur une période particulièrement courte et dense, l’exposition riche de plus de 300 œuvres investira le premier étage du Musée Lorrain de février à septembre. Elle s’accompagnera de nombreux événements : conférences, concerts, visites-discussions et ateliers. Un rendez-vous avec notre histoire à ne pas manquer.
« Eté 1914, Nancy et la Lorraine dans la guerre »Du 15 février au 21 septembre 2014 au Musée Lorrain
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