C’est l’une des plus petites places de Nancy, mais son patrimoine n’en est pas moins riche, ni son histoire qui s’est écrite entre les armes et les prières. Portrait d’une place autrefois en limite des remparts.
Un arsenal ?!
Fermant la place à l’est, l’Arsenal est le plus vieux bâtiment de la place. Il fut construit en 1550 sous la régence de Christine de Danemark. C’est alors un témoignage évident de puissance. Mais revenons un instant sur le rôle d’un arsenal. L’arsenal est un établissement militaire où l’on fabrique, répare, entretient et stocke les armes et les munitions. Il s’agissait donc d’un lieu stratégique pour la capitale du duché de Lorraine, puisqu’il était le cœur de la force militaire. De ses ateliers sortaient des boulets, des canons, des couleuvrines (petit canon à main), des balles… et de la poudre, avant que l’on installe une Salpêtrière en Ville-Neuve. L’arsenal de Nancy eut une grande réputation et accueillit des fondeurs célèbres tels Jean de Chaligny (1529-1615) et ses fils Antoine et David. Ces derniers sont d’ailleurs les auteurs de la fameuse maquette de la statue équestre de Charles III, dont un tirage sera prochainement installé sur la place Henri Mengin rénovée (et qui au passage, recevra le nom de Charles III). L’un des chefs-d’œuvre d’artillerie de Jean de Chaligny est la « Grande Couleuvrine de Lorraine », longue de 22 pieds (un peu plus de 7 m) et qui faisait l’admiration alors, par ses dimensions et sa qualité, de toute l’Europe. Elle fut « emportée » en 1670 par le maréchal de Créqui pour le compte de Louis XIV. Pour toutes les qualités évoquées, la famille de Chaligny fut anoblie ; leur blason représente deux canons qui se croisent, et leur cimier [décor au sommet du heaume] : un lion tenant un boulet de canon. On ne pouvait faire plus parlant ! Depuis 1931, l’Arsenal qui a conservé deux belles portes, de riches sculptures guerrières et ses arcades intérieures, abrite l’école maternelle et primaire Saint Jean-Baptiste de la Salle.
L’église Notre-Dame
La place de l’Arsenal abritait aussi, côté nord, le prieuré Notre-Dame (fondé par le duc Thierry en 1080). Son église romane était la plus ancienne des deux paroisses de la Vieille-Ville. Vendue comme bien national le 16 juillet 1797, l’église fut hélas détruite pendant la Révolution. Seul son portail fut sauvegardé et orna un temps les jardins du château de Rémicourt, avant d’être donné en 1948 au Musée Lorrain. Il a été remonté dans la grande salle lapidaire du Moyen-Age (actuellement en rénovation) afin que tous puissent admirer les voussures et les « rosaces-marguerites » qui l’ornent.
Le lavoir Moï
La place était aussi connue pour le lavoir Moï, établi tout à côté dans la rue des Etats sur l’emplacement de l’ancien hôtel Moy (ou Moï), incendié en 1723. Ce lavoir était le plus important de Vieille-Ville ; il offrait également des services de bains publics. Il ferma après la Seconde Guerre mondiale, à la suite de la généralisation de l’eau courante à domicile.
De toutes les places nancéiennes, la place de l’Arsenal est l’une de celles qui a le moins changé de nom au cours du temps. Place Notre-Dame sous l’Ancien Régime, elle devint place de l’Arsenal dès 1795, après avoir été baptisé furtivement place Bruet en 1794. Seule la Restauration lui rendit temporairement son nom primitif, jusqu’en 1835. C’est une place finalement discrète, qui a peut-être perdu son rôle stratégique mais certainement pas son intérêt historique et esthétique.