Ce lieu prend véritablement naissance en 1477 lors de la fameuse Bataille de Nancy. Autrefois étang marécageux, cette place fut créée au XIXe siècle. Elle est l’un des hauts lieux de l’histoire lorraine.
Cette place tire son nom du monument qu’elle accueille, érigé à l’endroit même où gisait le corps sans vie du Téméraire le 5 janvier 1477. Retour sur cette terrible journée.
La Bataille de Nancy
C’est l’un des plus importants faits de guerre du duché de Lorraine. S’opposent le jeune duc de Lorraine René II, âgé de 25 ans (1451-1508) à Charles le Téméraire, quatrième et dernier duc de Bourgogne (1433-1477). La Bourgogne est alors un immense duché qui s’étend jusqu’à la mer du Nord et aux actuels Pays-Bas via le Luxembourg. La Lorraine est donc un territoire stratégique, car il est le trait d’union entre les différentes possessions bourguignonnes. C’est d’ailleurs pour sauvegarder ce trait d’union que Charles le Téméraire assiège Nancy en octobre 1476. Le Téméraire s’entête à maintenir le siège durant l’hiver, ce qui est une rude épreuve pour ses soldats, fatigués et démoralisés, mais aussi pour les Nancéiens réduits à manger rats et chiens. En outre, l’armée du Téméraire est mal préparée et peu nombreuse (3 000 hommes) face aux 20 000 hommes réunis par René II, qui avait fait appel à des Alsaciens et à des mercenaires suisses.
Le 5 janvier
René II donne l’assaut depuis Saint-Nicolas-de-Port le 5 janvier 1477. Surpris et pris en tenaille, les Bourguignons ne peuvent rien faire. La bataille est rapide et violente. Le Téméraire meurt enlisé dans l’étang Saint-Jean, sous la lance d’un seigneur Lorrain qui ne le reconnaît pas. La tradition retient le nom du sire de Bauzemont, qui mourra de chagrin peu après (pour n’avoir pas pu réclamer de rançon disent les mauvaises langues !). Le corps du Téméraire est découvert deux jours plus tard au bord de l’étang, nu, méconnaissable et à moitié dévoré par les loups. Le corps est ramené dans une maison en Vieille-ville (la date 1477 sur le trottoir indique la maison, reconstruite depuis), puis enterré en grande pompe à la collégiale Saint-Georges qui jouxtait le palais Ducal. En 1550, à la demande de Charles Quint, le corps est transféré à Bruges. Cette victoire assure l’indépendance de la Lorraine tandis que les possessions du duché de Bourgogne sont partagées entre la France et le Saint-Empire germanique.
Le monument
Durant des siècles, une simple croix indique le lieu de la découverte du corps. Détruite à la Révolution, on la rebâtit sous la Restauration. Le monument est simple : une croix de Lorraine sur une colonne (aujourd’hui au Musée Lorrain). Au XIXe s., l’étang est progressivement asséché, le quartier urbanisé. Aujourd’hui, seuls le site « en cuvette » de la place et la fontaine au pied du monument rappellent l’ancien étang. A la fin du siècle, plusieurs artistes, dont Victor Prouvé, souhaitent édifier un nouveau monument mais l’argent manque. Il faut attendre 1928 et une souscription publique pour réunir enfin les fonds nécessaires. Prouvé signe alors la composition : René II issant la croix de Lorraine. Les belles mosaïques sont l’œuvre de Gentil & Bourdet (coupole de Nancy Thermal, foyer de l’Opéra de Nancy), très célèbre entreprise installée à Boulogne-Billancourt. Georges Biet en est l’architecte et Victor Chaize l’entrepreneur… toutes les plus grandes signatures nancéiennes d’alors !
De nos jours, le souvenir de la Bataille de Nancy, pourtant présent en ville (« quai de la Bataille », tableaux dans les musées, livres) est bien oublié ! Quelques Lorrains continuent toutefois de commémorer ce fait tous les 5 janvier, au pied du monument.