Des « petites choses » à croquer

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Sélectionnée parmi d’autres pour le prix France Info 2015 de la bande dessinée d’actualité et de reportage, « Florange, une lutte d’aujourd’hui » a fait un beau bout de chemin depuis sa parution en 2014. Pour Zoé Thouron, sa jeune dessinatrice, ce n’est que le début d’une aventure en dessins. Portrait.

Zoé Thouron cache sa timidité derrière son crayon. Elle lui permet d’observer tranquillement « ces petites choses insignifiantes » du quotidien, des personnages de la rue aux canards du bord de l’eau. « Elles ne sont pas forcément intéressantes mais moi, ça me plaît. Au final, ces petits dessins ont quand même une dimension de reportage », explique-t-elle. Portraits attendrissants ou piquants, drôles ou nostalgiques, elle réussit en quelques traits à capter l’esprit de ceux qu’elle couche sur papier et à les animer d’une nouvelle vie, en deux dimensions. Et c’est bien une des forces de « Florange, une lutte d’aujourd’hui » : redonner des couleurs à ces personnages de l’actualité, souvent réduits à une fonction ou un rôle, petits employés contre grand patron, exploités contre exploitant. Pour contrer cet effet, le scénariste Tristan Thil a passé du temps avec les ouvriers de Florange pendant leur lutte et a su percer la bulle de leur intimité, sans voyeurisme et avec justesse. Pourtant il fallait encore retranscrire cet équilibre fragile en images.

6-Florange, une lutte d'aujourd'hui de Zou00E9 Thouron et   Tristan Thil - Cru00E9dits Dargaud-Zou00E9 Thouron

Premières fois

« C’est la première bande dessinée sur laquelle je travaille. Avant cela, je n’avais jamais bossé sur le scénario de quelqu’un d’autre. Parfois, Tristan annotait le texte quand il voulait faire apparaître un personnage. Sinon, la plupart du temps, j’ai dû décider du découpage, de ce qu’il fallait montrer ou non », raconte la dessinatrice de 25 ans. Depuis sa sortie de l’École Supérieure d’Art de Lorraine, installée à Épinal, elle multiplie les collaborations, les projets mais aussi les univers. En 2011, Elle s’intéresse à l’histoire d’un ancien camp de prisonniers allemands, situé à Vandœuvre-lès-Nancy.  En 2013, dans « 13 personnages du Yiddishland » (paru chez Le Goûteur Chauve), elle revisite avec humour la figure de la « mère juive », étouffante d’amour et si drôle dans ses excès. Dans « La vie encore » (publié en novembre 2014 aux Éditions du Pourquoi pas), elle collabore avec Thomas Scotto et saisit l’humanité au cœur de la première guerre mondiale, comme ces deux poilus qui dansent ensemble. Elle dessine aussi ponctuellement pour la presse, de Fluide Glacial à UFC Que choisir. Cette capacité à raconter plusieurs histoires en un seul croquis, elle l’a travaillée au cours de son Diplôme National des Arts et Techniques (DNAT). « J’ai toujours voulu faire du dessin. Souvent aux Beaux-Arts, plusieurs options te sont proposées mais au début cela reste très théorique.  À Épinal, ils sont déjà spécialisés dans l’image et la narration. D’ailleurs leur intitulé de diplôme est aussi très révélateur : ils utilisent le terme DNAT et non pas DNAP (Diplôme National des Arts Plastiques). J’y ai beaucoup appris sur la construction narrative car on nous pousse beaucoup à expérimenter différentes méthodes de narration », précise-t-elle.

6-Cru00E9dits Zou00E9 Thouron

Moteur

Étrangement, ses modèles ne sont pas forcément des grands dessinateurs mais plutôt d’illustres photographes : le Britannique Martin Parr, les Français Raymond Depardon et Robert Doisneau. À bien y regarder pas si étrange que ça… Tous ont réussi à sublimer la banalité du quotidien, ceux que l’on nomme avec mépris « les petites gens », les anonymes. « Quand je dessine, je pense toujours au cadre. Je suis incapable de prendre une photo mais je conçois mon croquis telle une prise de vue », note-t-elle. Son métier, elle l’imagine aussi comme un moyen de se frotter à ses limites et de les repousser plus loin. « Je ne me suis jamais dit : « tiens, je dessinerais bien un haut fourneau ». Je suis attirée souvent par des sujets que je ne connais pas ; ça me pousse à sortir de ma zone de confort et réaliser des images que je n’aurais peut-être jamais faites toute seule ». Son prochain défi l’envoie plus loin, sur d’autres galaxies. En collaboration avec un cosmologue, elle se gratte la tête en cœur sur la question « Pourquoi y a-t-il vingt-quatre heures dans une journée ? » et y répond avec lui en huit planches pour la Revue Dessinée. Les dessins de Zoé vont-ils la propulser dans les étoiles ? Très probablement, mais des astres de papier dans ce cas.

Découvrez l’univers de Zoé sur : zoethouron.blogspot.fr

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