« N’a pas l’oreille musicale », avait prévenu, par bulletin trimestriel, sa prof de musique. Et lorsqu’à 18 ans, Thierry L’Huillier apprend le piano seul en déchiffrant Higelin, c’est au mieux pour séduire, au moins pour faire la bringue… Il sera vendeur de médicaments, puis troubadour. Non seulement l’oreille y était, mais l’âme et le cœur aussi.
Bonjour Thierry, comment allez-vous ? – Le bonheur, c’est quand on n’est pas malheureux, me disait ma mère ». Thierry L’Huillier, alias Barzingault, ne rigole pas avec les mots ; il les choisit – quitte à emprunter ceux des autres – avec sens de la répartie et de la fantaisie. Celui qu’il est sur scène et celui qui me répond, d’une voix enrouée de lendemain de spectacle, sont, de toute évidence, une seule et même personne : l’artisan bicéphal d’une petite entreprise quasi-vingtenaire. Artiste non, troubadour oui ! « Je considère que de vieilles chansons qui ne sont pas connues sont neuves. Quand « l’artiste » recherche sans cesse de nouvelles pommes, pas question de laisser les miennes pourrir dans le grenier ! ». Cette « petite taille talentueuse » consacre donc 90% de son temps au démarchage, en recherche d’escales potentielles, passant « avec fierté et joie d’un grand théâtre à une grange ». Car « peu importe la scène, pourvu qu’il y ait le spectacle » !
Un album live, hommage à Clairlieu
Si une collection impressionnante de lieux de culture lui restent fidèles, la crise sanitaire a ébranlé certains repères, obligeant le trublion à dégainer sans tarder le prétexte supplémentaire d’un retour sur scène… Ce sera « Clairlieu », album dédié au quartier de Villers où il a emménagé en famille en 1972 et passé ses années d’adolescence et de jeune adulte. A la mort de ses parents, en 2013 et 2016, Thierry s’était promis de dédier un album à ses années clairlocoises. « J’ai attendu que le deuil soit fait pour produire un album à la fois positif et mélancolique, qui résonne comme un hymne à la vie et transpire d’une période joyeuse et gaudriolesque ».
Plutôt que de l’enregistrer en studio, espace dont il n’a « pas les codes », il a élaboré « Clairlieu » à partir d’enregistrements scéniques. La chaleur du public y est audible, la force vitale de Barzingault aussi. C’est que la scène est sa maison, et sur scène comme dans la vie, Thierry L’Huillier inocule à celui qui l’écoute une énergie peu commune, une incommensurable joie de vivre.
Fan de Coluche et de Desproges, il balade également un seul-en-scène, « Les tribulations d’un chansonnier inconnu en France », dans lequel il partage ses déboires et bonheurs de musicien nomade… Fils spirituel d’Higelin, il promène sa chevelure foutraque en trio ou en sextet sur toutes les routes de France et, si elles l’appellent, de Navarre… Mélangeur de genres professionnel, Thierry L’Huillier décolle sans forcer toutes les étiquettes que l’on tenterait de lui poser.
Cécile Mouton
Barzingault est en tournée ! Toutes les dates sur www.barzingault.com
Photos © Didier Protin, DR