Alcina, figure de résistance

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Kangmin Justin Kim (Ruggiero), Kristina Mkhitaryan (Alcina) et Trystan Llŷr Griffith (Oronte)

Du 11 au 18 mars, le répertoire baroque sera à l’honneur à l’Opéra national de Lorraine avec Alcina de Haendel, en coproduction avec l’Opéra de Dijon et l’Opéra national du Rhin.

Le meilleur que (Haendel) ait jamais fait (…), c’est si beau que je n’ai pas de mots pour le décrire…Pendant que Monsieur Haendel jouait sa partie, je ne pouvais m’empêcher de l’imaginer en nécromancien au milieu de ses propres enchantements. » Ce sont les mots de Mrs Pendarves, amie de Georg Friedrich Haendel, à l’issue de la première représentation d’Alcina en 1735.
Sur son île enchanteresse, la puissante Alcina attire les hommes qu’elle transforme, une fois lassée, en animaux ou rochers. Véritable reine de l’illusion, elle manie les apparences, fabriquant un monde où tout n’est que plaisirs, beauté et promesse de satisfactions infinies. Le pouvoir d’Alcina est inspiré du mythe de Circé : cette magicienne qui, dans l’Odyssée, transforme en porcs les compagnons d’Ulysse ayant échoué sur son île. Ce thème de la métamorphose renvoie d’ailleurs à l’une des obsessions du baroque et de sa théorie des affects : l’idée que la musique et la voix seraient capables de modifier l’âme humaine jusqu’à la perte de soi, au même titre que le vin ou les drogues.

Croquis de décor Alcina ©Edoardo Sanchi

Le pouvoir des images  

Pour cette nouvelle production, la metteuse en scène italienne Serena Sinigaglia retrouve le chef Leonardo García Alarcón et son ensemble Cappella Mediterranea : « C’est un grand musicien et un grand homme de théâtre. Avec lui, j’ai découvert que la musique pouvait fusionner avec la scène pour créer une magie extraordinaire. » Serena Sinigaglia porte sur Alcina un regard politique qui l’amène à considérer la magicienne comme une figure de résistance. À notre époque profane, marquée par l’omniprésence de la technologie, elle s’interroge sur le pouvoir des images qui prolifèrent dans nos sociétés soi-disant libres, et entendent nous réduire à l’état de purs consommateurs. Le rôle-titre d’Alcina sera endossé par la magnifique soprano Kristina Mkhitaryan : le chant de Haendel donne au personnage toute son épaisseur en même temps qu’il exprime sa contraction. Magicienne toute-puissante, Alcina voit son monde s’effondrer quand elle échoue à retenir celui qu’elle aime (le voyageur Ruggiero interprété par le contre-ténor Kangmin Justin Kim). « Je crois qu’Alcina incarne effectivement une forme de résistance.
Son monde est sensible, indomptable, anarchiste. Il s’oppose au monde conservateur, dévot et manichéen d’Atlante, dont est issu Ruggiero. Alcina nous rappelle à la nature. Comme elle, la nature est à la fois belle et terrifiante. Et nous la détruisons, tout comme le royaume d’Alcina qui sera finalement anéanti »
souligne Serena Sinigaglia. Alcina sera le dernier grand succès londonien de Georg Friedrich Haendel, qui restera à l’affiche durant 18 jours. Rarissime à l’époque.

Du 11 au 18 mars • Tarifs : de 5 € à 75 € • Renseignements et réservations : 03 83 85 33 11 • opera-national-lorraine.fr

publireportage - Photos © C2Images pour Opéra national de Lorraine, edoardo sanchi, dr


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