Un gars, une fille

588

D’abord regardée un peu de haut, comme une discipline mineure, la photographie culinaire est devenue un véritable creuset de talents, hauts en couleur et en styles. En Lorraine, Karine Faby et Maxime Huylebroeck transforment vos assiettes en œuvres d’art.

Karine Faby, au cœur de la transparence

D’abord portraitiste, Karine Faby a changé de sujets pour se pencher sur de plus grosses légumes à travers la photographie culinaire. Fascinée par la transparence, elle réveille les natures mortes gastronomiques en un coup de prise de vue.

FIPC_O3A0434

« Si tes photos ne sont pas bonnes, c’est que tu n’es pas assez près », avertissait le mythique reporter-photographe Robert Capa. En photographie culinaire aussi, tout est question de bonne distance. Un cliché trop éloigné et les nuances des couleurs s’évanouissent, les textures s’affadissent. Une image mal fagotée peut rapidement ruiner le travail d’orfèvre d’un chef. Au départ plutôt spécialisée dans les portraits, sa formation de photographe a pimenté son approche de la gastronomie et des grands artistes de la cuisine française.

Millefeuilles

Un portrait en fines lamelles

« Il est certain que mon expérience de portraitiste m’a aidée à trouver mes repères dans l’univers de la photographie culinaire. Dans chaque plat, on peut retrouver la personnalité du chef qui l’a créé. D’ailleurs, le travail entre un chef et moi s’effectue en binôme. De son côté il dresse l’assiette, la met en scène. Je suis là pour la mettre en valeur et créer une ambiance », détaille-t-elle. Mais quelles raisons ont poussé cette spécialiste des natures vivantes à réveiller des mets « assoupis » ? Outre sa gourmandise, Karine Faby est dévorée par une autre passion, celle des produits de la nature, en tous genres et sous toutes leurs formes. Son premier cliché culinaire se matérialise dans une silhouette juteuse et colorée d’une mandarine de Corse. D’autres fruits et légumes se plieront par la suite aux envies de la photographe. Sur ces clichés, les radis bondissent et les citrons pétillent. De projets artistiques en rencontres professionnelles, la photographe culinaire va développer son style et son carnet d’adresses.

Jardin-Moulin_O3A5960

Mise au point sur la lumière

« Très souvent, les chefs avec qui je collabore ont d’abord flashé sur mes petites mises en scène végétales. La relation établie avec eux par la suite se base sur la confiance mais aussi la fidélité. Beaucoup gardent le même photographe culinaire quand celui qui correspond à leur sensibilité. C’est donc un grand privilège d’entrer dans leur univers », continue-t-elle. Toute la difficulté consiste pour elle à lutter contre le temps qui passe. « Un plat ne garde pas longtemps sa consistance et sa fraîcheur sous la lumière intense des projecteurs et il faut réussir à capter sa présentation idéale. Je cherche à recréer le jeu d’ombre et de lumière, à donner du volume et de la vie à ce que je photographie. J’aime beaucoup le travail des produits frais, organiques car j’aspire à restituer leur transparence, des nervures d’une feuille de clémentine à la texture fondante d’une viande ou d’un poisson ». Et comme elle ne recule pas devant les défis, Karine Faby affronte parfois les difficultés de la cuisine française : les plats en sauce.

Dos-de-Lieu-Jaune

La cuisine, tout un cinéma

Cherchant toujours à se réinventer, Karine Faby regarde avec attention les clichés du photographe culinaire Richard Haughton : « Il essaie de surprendre en modifiant les angles de prises de vue, en jouant avec les compositions des chefs. Pourtant, sa source d’inspiration ne vient curieusement pas de cette discipline mais plutôt du cinéma. Face au grand écran, elle nourrit notamment son travail de celui d’Henri Alekan, directeur de la photographie de grands cinéastes comme Jean Renoir, René Clément, Raoul Ruiz, Amos Gitai ou encore Wim Wenders. Admirative des photographes du début du XXe siècle, elle s’inspire de la manière dont la lumière, fortement contrastée, vient animer les objets. Finalement, le lien qu’elle tisse avec les chefs ressemble énormément à celui d’un directeur de la photographie et d’un réalisateur : l’un met en lumière les créations de l’autre.

Plus d’infos sur karinefaby.fr

Maxime Huylebroeck, l’art de la simplicité

Maxime Huylebroeck parcourt la Grande Région et même la France entière armé de son appareil photo et met en boîte les plus belles tables contemporaines. Par la force de sa passion, ce dernier a réussi à s’immiscer dans ce monde à part où l’art se mange avec les yeux et le cœur.

Portrait Maxime H

Quel est le rapport entre Zoro et Maxime H ? Tel l’homme en noir, le second signe son nom à la pointe de l’objectif d’un « H », qui veut dire Huylebroeck. Et puis, en photographie culinaire comme en escrime, il faut faire vite : « Les chefs sont des artistes. Ils créent des œuvres éphémères. La moindre mousse ou émulsion peut perdre sa tenue en quelques secondes », explique-t-il. Né au pays de la bande-dessinée, ce dernier est tombé dans la marmite de la photographie et de la gastronomie tout petit.

STEF - Patisserie

L'Argousier - Restaurant à Volmunster

Rien n’est impossible

« Mon père est un amoureux de la photographie. Il la pratique en amateur mais m’a transmis sa passion très tôt. Les vacances, les moments familiaux, tout était prétexte à utiliser mon appareil. Quant à ma mère, elle était secrétaire de direction dans une école d’hôtellerie à Bruxelles. C’est elle qui m’a fait aimer la cuisine et m’a permis de côtoyer de grands chefs », raconte ce Lorrain d’adoption. Pour autant, dans son esprit, l’idée d’exercer cette activité de façon professionnelle ne s’impose pas tout de suite. D’abord lancé pendant trois ans dans des études spécialisées en publicité, le virus de la photographie culinaire ne vient le démanger que quelques années plus tard, après un stage de communication à Londres. « Je me suis aperçu que je n’étais pas fait pour rester dans un bureau toute le journée. Je me suis documenté ; j’ai regardé de nombreux livres photo. J’ai appris en autodidacte en faisant des erreurs et en les rectifiant. J’apprends toujours mais j’affine mon style », ajoute-t-il.

Le Quai des Saveurs - Hagondange

La confiance au creux de l’assiette

Entrer dans l’univers secret des chefs s’effectue sur la pointe des pieds, avec discrétion et en établissant un rapport particulier avec eux. Plus que dans d’autres milieux, en cuisine la confiance se gagne et Maxime H. l’a remportée à force de persévérance, de passion et en affirmant son identité photographique. Dans ce cadre la première rencontre est toujours décisive et détermine la suite de la collaboration. « C’est une grande famille. Pour pouvoir en faire partie, il faut être à l’écoute. J’essaie d’instaurer un climat de bonne humeur. Après il est nécessaire de s’adapter à chaque interlocuteur. Je peux travailler avec eux en plein service, dans l’ambiance stressante d’une cuisine en ordre de marche, ou lors des jours de fermeture où je prends plus le temps. Ce que je souhaite avant tout, c’est révéler la dimension artistique de leur métier ». Pâtissiers, cuisiniers, traiteurs, de nombreuses personnalités de la gastronomie lorraine ont succombé au style « Maxime H. » : une photographie simple, sobre et lumineuse.

Pilote Communication - Nancy

Atelier Burger - FoodTruck de Burger

Un bien joli tableau

Jusqu’au 22 janvier 2016, le Musée Aquarium de Nancy expose l’un de ses projets personnels : « Un plat, un chef ». « Depuis que je suis à Nancy, je tente de mettre en valeur les chefs de la région. Je voulais aussi les faire un peu sortir de leur cuisine. Avec cette série de portraits croisés, j’ai essayé de modifier aussi la manière de les montrer. Ils ne sont pas les bras croisés ou le long du corps comme on les voit souvent. Ici chaque cliché d’eux dévoile en partie leur personnalité », note-t-il. Et cette personnalité se lit doublement dans le plat dressé par le chef et son image. Et Maxime Huylebroeck aborde les plats de ses sujets comme une peinture. Toujours à l’écoute des tendances, le photographe s’inspire aussi de ce qu’il a pu voir et apprendre en histoire de l’art, lors de ses années d’études. Parmi ses sources d’inspiration, Mondrian a su retenir particulièrement son attention. On peut d’ailleurs retrouver dans les photographies du premier la simplicité du second. La seule différence est que les tableaux de Maxime H. se dégustent ensuite avec plaisir.

Plus d’infos sur maximeh.com

Maison des Soeurs Macarons - Nancy