Le Grand-Orgue de la Cathédrale de Toul a été restauré et inauguré en juin 2016. Pascal Vigneron, directeur du Festival Bach de Toul et technicien conseil de la ville nous livre les secrets et l’histoire de cette aventure.
LE GRAND-ORGUE DE LA CATHГDRALE DE TOUL EST-IL UN CAS UNIQUE DANS LE GRAND EST ?
Le Grand-Orgue de la Cathédrale de Toul a une histoire très particulière dans la région. C’est le troisième orgue à avoir été construit sur cette tribune, après celui de Dupond détruit par l’incendie de la cathédrale en 1940. Lui-même avait succédé à celui de l’époque Renaissance. L’instrument actuel est le plus grand opus de Curt Schwenkedel, et il fut inauguré le 23 juin 1963 par Gaston Litaize (jour de ma naissance à Commercy : il n’y a pas de hasard!) C’est le premier orgue de cathédrale d’après-guerre de conception mécanique (traction des notes). Il est de style néo-baroque, (apte à jouer la musique ancienne dès sa conception). A ne pas confondre avec la période néo-classique pour les instruments romantiques que l’on a classisés. Il permet d’interpréter merveilleusement la musique du 20e siècle, comme celle d’Olivier Messiaen. C’est donc, dans la région Grand-Est, un instrument qui occupe désormais une place majeure.
LA RESTAURATION A DURE QUATRE ANS. POUVEZ-VOUS NOUS EN DIRE PLUS ?
La Ville de Toul a compris qu’elle possédait un trésor enfoui. Les organistes auparavant venaient jouer, puis repartaient, comme si cet instrument ne les satisfaisait pas. Il y avait à l’origine, 1962-1963, des problèmes de conception. L’orgue a été mis en place trop vite, et les pressions n’avaient pas été calculées pour remplir l’édifice avec satisfaction. Les anches, étaient ridiculement petites dans leurs tailles, même si c’était un goût de l’époque. La cathédrale ayant été fermée de longues années, l’instrument était resté muet, les fientes de pigeons s’y accumulaient, plus la poussière, les gravas : bref, une situation assez désastreuse s’était établie. Après plusieurs interventions dont un dépoussiérage en 2002, décision fut prise de réaliser un travail de fond, afin de redonner la voix à cet orgue, en l’optimisant et en modifiant les données sonores, sans altérer sa personnalité, ni son essence même. Grace à Yves Koenig, aux conseils avisés de Michel Giroud (disciple de Curt Schwenkedel), et aux services techniques de la Ville, l’orgue a pu trouver maintenant un nouvel essor : il sonne magnifiquement lors de tous les concerts et cérémonies.
LE GRAND-ORGUE EST UN DES ÉLÉMENTS CLEFS DU FESTIVAL BACH DE TOUL. Y-A-T-IL DES PROGRÈS ET UNE ÉVOLUTION DANS SON ENTRETIEN ?
Comme dans toute chose, le progrès n’est valable que s’il est partagé par tous. Le Grand-Orgue n’échappe pas à cette théorie. Les grands noms de l’orgue viennent maintenant s’y produire. Le contrat d’entretien est très bien conçu puisque quatre accords annuels dont un presque général permettent de maintenir un haut niveau. Il y a encore des choses à changer, petit à petit, comme les tirages de jeux-électro pneumatiques qui souffrent du changement climatique. Cette année, l’orgue a d’ailleurs passé l’été assez bien. Dans l’ensemble, si l’on, excepte quelques légers détails, le Grand-Orgue de la Cathédrale est extraordinaire pour une ville de la taille de Toul. Nous devons tous nous en féliciter !
« Un instrument digne des grandes capitales européennes »
J’ai toujours pensé que le Grand-Orgue de la Cathédrale Saint-Etienne de Toul était un élément majeur du patrimoine. Mais comme tous les trésors engloutis, il fallait faire renaître de l’oubli ou du manque de reconnaissance ce grand instrument. Le Festival Bach de Toul en a été le déclencheur. Les grands noms qui s’y produisent devraient pouvoir donner le meilleur d’eux-mêmes et un instrument en parfait état ne pouvait que contribuer à la renommée de la ville et des manifestations musicales qui s’y déroulent depuis maintenant dix ans. Grâce au courage de Pascal Vigneron, directeur du festival et technicien conseil de la ville, d’Yves Koenig qui a réalisé une renaissance tout à fait exceptionnelle, des conseils avisés de Michel Giroud, apprenti chez Schwenkedel lors de la construction de l’orgue, et le précieux concours de nos équipes techniques municipales, un travail acharné de quatre années a vu naître un instrument digne des grandes capitales européennes, pour le plus grand bonheur des auditeurs et amoureux de la musique !»
Alde Harmand – Maire de la ville de Toul
Quatre grands organistes s’expriment sur le Grand-Orgue restauré de la cathédrale de Toul
« J’ai joué à deux reprises, et dans dans des répertoires différents, le Grand-Orgue de la Cathédrale de Toul depuis sa remarquable restauration par Yves Koenig, conduite par Pascal Vigneron. Depuis longtemps, je connaissais l’histoire de cet instrument, qui était liée à celle de mon maître Gaston Litaize. J’ai été émerveillé par l’accomplissement que représente ce travail. »
Eric Lebrun, Organiste à l’Eglise des Quinze-Vingt de Paris Professeur au conservatoire de Saint-Maur-des-Fossés. Soliste International
« J’ai d’abord été impressionné en découvrant le grand orgue de la cathédrale de Toul par enregistrement puis j’ai été définitivement conquis en venant le jouer dans son splendide écrin de pierre. Cet orgue est l’un des plus beaux fleurons de l’esthétique néoclassique française et il faut féliciter le travail inspiré d’Yves Koenig et de Pascal Vigneron qui ont su en révéler tout le potentiel. »
David Cassan, Organiste à l’Oratoire du Louvre de Paris. Professeur au Conservatoire de Nancy et de Saint-Maur des-Fossés – Soliste International
« Après l’excellente restauration des Grandes Orgues par Yves Koenig, l’instrument apparait de nouveau dans toute sa particularité, splendeur et originalité. Une découverte aussi pour les étudiants de la Hochschule für Musik und Darstellende Kunst Stuttgart qui à plusieurs occasions eurent la chance de se présenter dans le cadre du festival. »
Jurgen Essl, – Compositeur – Professeur à la Staatliche Hochschule für Musik de Stuttgart – Soliste International
« En entendant le Grand-Orgue depuis le chœur de la cathédrale, j’ai été impressionné par sa puissance et sa grande clarté. Tous mes compliments à Yves Koenig pour cette reconstruction et l’harmonisation, en particulier des flûtes et des nombreux jeux d’anches. Et bien sûr à Pascal Vigneron qui a été l’inspirateur et le maître d’œuvre de cette renaissance. »
Jean-Paul Imbert, Organiste et Directeur du Festival d’Orgue de l’Alpe d’Huez – Professeur à la Schola Cantorum de Paris – Soliste International
Le festival Bach de Toul, un ruisseau de culture dans le Grand-Est
Le festival Bach de Toul est parti modestement il y a 10 ans. C’est à l’occasion de l’inauguration de la restauration intérieure de la cathédrale Saint-Etienne que l’idée de mettre en place un festival dédié à Johann Sebastian Bach est née. Patiemment, le directeur artistique a élaboré avec le soutien de la ville et des élus une programmation riche et ouverte, élitaire et populaire à la fois. Ce n’est pas rien, car justement, rien ne prédisposait à l’insertion d’une telle manifestation dans le toulois. Et pourtant, en une décennie, plus de 150 concerts intra-muros et autant à l’extérieur ont favorisé la venue de grands noms, ou de jeunes talents. Un partenariat avec les grandes écoles européennes a permis de faire connaître au public de jeunes organistes, aujourd’hui reconnus comme Thomas Ospital ou de jeunes pianistes comme Lucas Debargue. C’est donc un tremplin artistique de haut niveau qui s’est mis en place.
PROMOUVOIR LA MUSIQUE
La ville, la municipalité, les élus et son premier magistrat ont compris que la culture devait être partagée par tous et qu’elle est un bien commun. La musique de nos jours souffre d’une image trop exigüe et le fait de l’ouvrir à toutes les populations est un fait cohérent. La musique de Johann Sebastian Bach est, en fait, le meilleur exemple de cette ouverture, parce qu’elle nous touche par sa beauté, par la foi ou tout simplement par les interprètes qui viennent se produire au festival. Le festival Bach de Toul est un événement tourné vers l’avenir. Il permet de promouvoir la musique dite classique dans tous les lieux, à travers des actions pédagogiques, que ce soit pour les enfants, les adolescents ou le public plus averti.
Une vie au service de la musique
Une vie riche de musiques, une vie pleine de savoirs ! C’est ainsi que l’on pourrait résumer le parcours atypique de Pascal Vigneron. Né en 1963 à Commercy dans la Meuse, il commence tardivement l’apprentissage de la musique. Il débute par l’étude de la trompette, malgré son souhait d’étudier l’orgue. Après ces années d’initiation, il reçoit un enseignement supérieur dans les conservatoires nationaux et européens. Parallèlement, il suit l’enseignement de l’orgue avec Jacques Marichal, organiste de Notre-Dame de Paris. C’est cette double culture musicale qui nourrit sa curiosité et sa passion pour tous les styles et toutes les époques musicales. Solistes dans des orchestres nationaux, il prend en main sa carrière d’une façon peu commune. Collaborateur privilégié de la Société Selmer pendant 25 ans, il prend part à l’évolution de la facture instrumentale. De nombreux concerts et récitals à travers l’Europe l’amènent à faire des rencontres cruciales avec les grands noms de la musique : Dimitri Vassilakis, Michel Chapuis, André Isoir, Laurent Terzieff, François Castang, Monique Zanetti, Jerôme Corréas, Sergei Edelmann, Dominique Vidal, Johanne Cassar, Matthieu Heim, Marie-Christine Barrault, Brigitte Fossey…
Il édite une nouvelle instrumentation de l’Art de la Fugue de Johann Sébastian Bach, dans l’ordre de Jacques Chailley. La critique internationale a été unanime dans l’hommage rendu à cette nouvelle version. Il fonde en 1992 l’Orchestre de Chambre du Marais. Il grave avec cette formation plusieurs Cd dont les concertos pour orgue opus IV de Hændel avec le grand organiste Michel Chapuis. Les vœux artistiques de son enfance sont comblés en retrouvant les claviers de l’orgue. Il a fait construire deux instruments de concerts uniques en leurs genres, permettant d’organiser des concerts dans tous les lieux, démocratisant ainsi l’accès à la musique. Son implication pour la pédagogie, sa recherche permanente d’une ouverture de la musique vers de nouveaux publics sont certainement les points le plus cruciaux de sa vie artistique. Depuis 2010, il est le directeur artistique du Festival Bach de Toul. À la tête de ce festival, il a produit plus de 300 concerts en une décade. Il propose désormais des concerts scolaires innovants afin de renouveler le public surtout dans les territoires défavorisés ou loin des mégapoles.
Dimanche 3 novembre à 16h
Pascal Vigneron, directeur du festival Bach
Récital de Bach à Messiaen
Avec la participation du choeur Grégorien de Nancy / Toul
In mémoriam Monique Mathis (1939-2016)
Pascal Vigneron • Directeur Artistique du Festival Bach de Toul [email protected]
Photos © pascal vigneron, dr