La Mirabelle : la reine en sa région

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Ronde, sucrée et goûteuse, la mirabelle est la reine de l’été. En tarte, en confiture ou à croquer tout juste tombée de l’arbre, elle offre aux gourmets toutes ses saveurs et partage avec sa région plus que des racines.

La mirabelle et la Lorraine font ménage depuis si longtemps qu’il semble difficile de les dissocier. Du terme latin « mirabilis » ou « belle à voir » en français, l’arrivée de ce fruit doré et délicieux dans la région reste l’objet de nombreuses hypothèses. Pour certains, le roi René 1er d’Anjou, duc de Lorraine (1431-1453), l’aurait ramené dans ses bagages. Pour d’autres, cette petite prune aurait été baptisée du nom d’une bourgade provençale, « Mirabel ». Le mystère de ses origines reste entier mais l’histoire de la mirabelle en Lorraine, elle, se termine comme un conte de fées. En moyenne, la région assure chaque année environ 70 % de la production mondiale. En 2009, les mirabelliers ont offert aux producteurs 12 000 tonnes de fruits. Autant dire que la reine se plaît bien en son pays.

OLYMPUS DIGITAL CAMERA Vergers Crédits AREFE

Une récolte généreuse

« En Lorraine, il existe une combinaison parfaite entre le sol argilo-calcaire et la variation climatique. Dans d’autres régions, le climat correspond mais pas la composition de la terre, et réciproquement », détaille Sabine Gralet-Dupic, productrice récoltante à Rozelieures. Cette année, Dame Nature s’est montrée généreuse et les récoltes ont commencé plus d’une semaine en avance. La cueillette 2014 promet donc d’être fructueuse. Les 250 producteurs lorrains espèrent voir pleuvoir plus de 10 000 tonnes de leurs arbres fruitiers. Dans les vergers de la famille Gralet, une centaine de cueilleurs s’active depuis début août afin de délivrer en temps et heure ce délice saisonnier. Pour Sabine Gralet-Dupic, la mirabelle est une affaire de famille, transmise de génération en génération depuis 1895. Et avec 25 hectares de mirabelliers, un peu de pluie et de soleil ne suffisent pas pour obtenir des fruits savoureux. « La récolte est seulement le point final d’une année. Les vergers demandent constamment de l’attention et des soins. Ce printemps, nous avons eu une belle floraison et la teneur en sucre des fruits a été tout de suite assez élevée », explique cette dernière.

La mirabelle sous toutes ses formes

La Lorraine voit aussi dans son emblème fruitier une manne économique et touristique. La famille Gralet-Dupic participe aussi à la valorisation de ce produit du terroir grâce à la Maison de la Mirabelle. Créée en 2002, elle retrace le parcours de la mirabelle du haut de son arbre jusqu’à sa transformation et sa dégustation. Mille visiteurs s’y déplacent chaque année et percent les secrets du fruit d’or grâce à des outils pédagogiques, interactifs et multimédias. Les propriétaires du lieu, aidés en cela par la région, ont notamment mis en place un son et lumière pour expliquer le processus de distillation. « Du fruit à l’eau de vie, une histoire d’alchimie » redonne des couleurs aux cuves et alambics de la distillerie et leur fait prendre vie. C’est ici qu’un tiers des récoltes annuelles des vergers de Rozelieures finit, transformé en alcool pour parfumer les pâtisseries ou parachever un repas. Mais l’activité des Gralet ne s’arrête pas à la production et à la distillation. Sabine Gralet-Dupic analyse leur démarche : « On a voulu explorer toutes les facettes de la mirabelle ». Une collection de cosmétiques et de parfums « L’or du verger » naît sur les pétales des fleurs de mirabellier grâce au « nez » d’Anne-Marie Gralet, la mère de Sabine Gralet-Dupic. Outre des fragrances pour femmes et hommes, une huile de soin est imaginée à partir de l’amande extraite du noyau du fruit et avec le bois de l’arbre, une crème de gommage. « On a aussi décidé de revisiter les spiritueux du monde : gin, vodka et même pastis se savourent à la mode lorraine, avec une pointe de mirabelle », continue la productrice.

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Un culte à la mirabelle

Digne souveraine de Lorraine, la mirabelle est célébrée à travers toute la région. Les fêtes de la mirabelle se multiplient et nombreux villages ou villes lui consacrent une journée ou plus au cours du mois d’août. Lancées il y a soixante-quatre ans, les fêtes de la mirabelle de Metz sont une véritable institution. « Aujourd’hui, quand on parle de mirabelle, on pense toujours à Metz », se réjouit Hacène Lekadir, adjoint au maire chargé de la culture. En 2013, ces festivités gourmandes ont attiré 50 000 personnes. Du 17 août au 7 septembre, cette nouvelle édition tisse de nouveau un lien entre tradition et modernité. Outre le rituel de l’élection de la reine de la mirabelle, les visiteurs pourront admirer des spectacles de rue, goûter au fruit tant convoité, participer à des concours de pâtisseries… « Depuis 2008, on a voulu revoir cette manifestation tout en conservant les éléments forts qui l’identifient. On a par exemple souhaité impliquer les habitants et les associations de la ville dans cet évènement. Ils ont notamment participé à la création des chars pour le défilé Entrez dans la danse », ajoute M. Lekadir. La mirabelle a aussi un pouvoir magique : celui de rassembler Messins et Nancéiens, Mosellans et Meurthe-et-Mosellans sous une même bannière or et rouge. Finie la guerre entre les deux cités lorraines, ces célébrations rassemblent tous les producteurs de la région, des Vosges à la Meurthe-et-Moselle. Ces derniers deviennent les ambassadeurs de leur fruit lors d’un marché du terroir et de l’artisanat. Le Parc Naturel Régional de Lorraine est aussi de la partie et organise son propre marché des saveurs. Et l’aura des fêtes de la mirabelle messines traverse les frontières : « il y a aussi un public belge et allemand qui vient les découvrir », note Hacène Lekadir.

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Un trésor à conserver

En 1996, les mirabelles obtiennent le label européen d’Indication Géographique de Provenance (IGP) et en 1999, l’appellation « Label Rouge » et  la certification de conformité « mirabelles de Lorraine ». En réalité sous ce nom générique, plusieurs variétés se cachent. Les deux principales sont les mirabelles de Nancy et celles de Metz. « Pour notre part, pratiquement toute la production est en mirabelles de Nancy. Elles sont plus grosses, constituent un excellent fruit de bouche et se transforment plus facilement, entre autre en eau de vie », analyse Sabine Gralet-Dupic. Les mirabelles de Metz, plus petites, ont une peau fine, jaune, tachetée de rouge et sont parfaites pour faire des confitures. D’autres variations du fruit existent, certaines très anciennes. Pour perpétuer leur production, un verger conservatoire des prunes et mirabelles de Lorraine a été conçu il y a trente ans. Situé à Hattonville sous les Côtes de Meuse, l’Association Régionale d’Expérimentation Fruitière de l’Est utilise ses 31 hectares comme un laboratoire pour étudier et améliorer les techniques d’arboriculture fruitière. La station tente ainsi de découvrir des moyens de combattre les maladies affectant les arbres, de meilleurs fertilisants… Elle produit des espèces de prunes anciennes. Il est par exemple possible de goûter la mirabelle de Nancy précoce Nonsard, cultivée en Meuse, ou la mirabelle pointue, à la surprenante forme oblongue et au goût plus prononcé. Mais quelle que soit sa forme, le fruit d’or fait l’unanimité. La Lorraine est la seule région où les blondes comptent pour des prunes. Des prunes à la douce saveur de mirabelle.

Pour obtenir le programme détaillé des fêtes de la mirabelle à Metz www.fetesdelamirabelle.fr
Pour plus d’informations sur :
La Maison de la Mirabelle : www.maisondelamirabelle.com
L’Association Régionale d’Expérimentation Fruitière de l’Est : www.prunes-et-mirabelles-de-lorraine.com

La mirabelle fait pétiller les papilles

couv-CDT57-cEn tarte, en confiture ou en compote, il y a mille façons de cuisiner la mirabelle. Certains chefs lorrains ont tenté de la marier à d’autres saveurs pour faire pétiller nos papilles et ajoutent de nouvelles recettes à leur carte. Rencontre avec trois de ces magiciens des fourneaux.

Pour la troisième année consécutive, le réseau Moselle Gourmande édite un carnet de route dédié à la mirabelle. Quarante-deux restaurateurs participent à l’opération et concoctent des menus spéciaux autour du fruit d’or. « Le but de cette démarche est de rassembler des chefs dans un esprit gastronomique. La sélection pour entrer dans le réseau est exigeante. On se permet de juger les tables, de nous mettre à la place des clients. C’est un plaisir onéreux et la qualité doit être là  », explique Stéphane Cyran, chargé du projet auprès de Moselle Tourisme. Moselle Gourmande propose dans l’année plusieurs menus de saison : au printemps l’asperge s’empare de nos assiettes et en décembre les plats exhalent un parfum de Saint-Nicolas.

Moselle Gourmande menus mirabelle Crédits Jean-Claude Kanny –Moselle Tourisme 2 Moselle Gourmande menus mirabelle Crédits Jean-Claude Kanny –Moselle Tourisme 3

Une prune qui a du piquant

En août, les mirabelles prennent le pouvoir. À Thionville, l’Auberge du Crève-cœur collabore à ce carnet de route  pour fins gourmets. Sous l’impulsion du chef Michel Speck, de ses filles Émilie et Sophie, la mirabelle joue une carte tour à tour aigre-douce ou caramélisée. Le repas commence doucement avec une terrine de lapin parfumée avec cette petite prune jaune. Puis viennent des notes plus épicées : une brochette de blanc de volaille à la mirabelle et au chorizo doux. Le tout est mariné dans du melfor, un vinaigre aux notes de miel. Pour parfaire cette aventure gustative, le chef sert un chaud et froid de mirabelles, déglacé au melfor et au vinaigre balsamique, servi avec une glace vanille. « Les restaurateurs gardent leur personnalité, leur style et offrent des interprétations culinaires très variées, entre tradition et modernité. La mirabelle va donner du punch à un plat, une saveur à la fois acidulée et sucrée », note Stéphane Cyran. Pour les chefs du réseau Moselle Gourmande, une autre exigence s’ajoute à celle de l’inventivité : tous les menus doivent être accessibles au plus grand nombre et vont de 40 à 100 € selon les restaurants.

Moselle Gourmande menus mirabelle Crédits Jean-Claude Kanny –Moselle Tourisme Moselle Gourmande menus mirabelle Crédits Jean-Claude Kanny –Moselle Tourisme 4

Un traitement quatre étoiles

La Moselle n’est cependant pas la seule à faire saliver les becs fins. Dans les Vosges, à Saint-Pierremont, Dominique Mervelay, chef du Relais Vosgien, redessine la mirabelle à sa façon. Dans un menu « Sélection du terroir », le fruit se décline avec du magret de canard, du foie gras poêlé, en chaud et froid, avec du basilic et des morilles, ou en sorbet rehaussé par de l’eau de vie et quelques mirabelles fraîches. « Le chef préfère quand elles sont moins sucrées et avec plus de tenue pour réaliser un plat à la fois esthétique et goûteux », raconte Christiane Thénot, co-propriétaire de l’auberge. A Nancy, Jean-Sébastien Mengin offre aussi au fruit lorrain un traitement de faveur dans son restaurant Les Pissenlits. Accompagnant une terrine de lapin et associée à du vinaigre, elle devient un condiment. Au dessert, elle se fait plus douce, en mousse dans une coque de chocolat blanc. Sucrée ou acidulée, cette année la mirabelle se montre généreuse et se met en quatre dans vos assiettes. Une bien belle révérence avant de finir la saison mi-septembre.

Le carnet de route de la Moselle Gourmande 3ème édition est consultable sur le site www.moselle-tourisme.com.
Le Relais Vosgien : www.relais-vosgien.fr
Auberge du Crève-cœur : www.aubergeducrevecoeur.com
Les Pissenlits : www.les-pissenlits.com