Jusqu’au 12 avril, le Château de Lunéville présente l’un des plus grands trésors des Manufactures Royales de Lunéville Saint-Clément : une incroyable collection de moules et modèles récemment acquis par la Communauté de Communes du Lunévillois.
Toute les expositions vous racontent une histoire. Epure… vous en livrent plusieurs : celle d’artistes-créateurs, celles d’ouvriers-fabricants, mais avant tout celle de pièces extraordinaires qui ont fait la réputation des Manufactures Royales de Lunéville Saint-Clément. Plus que des histoires, Epure… vous raconte en réalité une naissance. La genèse d’une pièce, de la naissance du modèle à la fabrication du moule, se dévoile à vous dans son intimité.
Epure, kesako ?
Commençons par le commencement, c’est-à-dire par le nom de l’exposition : épure. Qu’est-ce ? Selon les termes du dictionnaire, il s’agit d’un dessin ou d’un trait exécuté sur un mur ou sur une surface horizontale, en grandeur réelle, pour guider la construction d’une partie d’un édifice ou l’assemblage d’une machine. C’est aussi, par extension, les dessins préparatoires nécessaires à la réalisation d’une œuvre. Ils en représentent les grandes lignes. Ils ne sont pas encore surchargés des finitions, ils sont épurés, d’où leur nom. En sculpture, on parle plus souvent de modelo pour désigner les ébauches préparatoires.
Pour bien comprendre, il faut maintenant se pencher sur les techniques de fabrication des faïenceries. Lorsque l’on veut fabriquer un vase en faïence ou en porcelaine, on peut partir de la matière brute et la modeler. C’est technique est longue (donc coûteuse). Une telle approche est impossible dans une grande manufacture où la pièce doit être (re)produite de manière parfaite en plusieurs exemplaires. On a alors recours à des moules en plâtre. Des artistes, parfois renommés, fournissent un modèle original, généralement en plâtre, qui est moulé pour être ensuite tiré en plusieurs exemplaires. Nous sommes alors dans le règne du blanc ; les couleurs n’intervenant que bien plus tard dans le processus de fabrication. Pour certaines pièces ayant un grand succès, les moules sont refaits plusieurs fois – ils s’usent – à partir de l’œuvre originale qui est précieusement conservée. Ce sont précisément ces pièces originales, ces « œuvres mères » qui vous sont présentées. Émouvantes, elles portent parfois les stigmates du temps car certaines sont très anciennes. Rappelons que la Manufacture Royale de Lunéville a été fondée en 1730, et celle de Saint-Clément en 1758 ! Elles rayonnent chacune depuis plus de 200 ans.
De grands noms
Des artistes renommés travaillèrent pour Lunéville et Saint-Clément. D’autres, par leur appui financier, vont permettre à cette production lorraine de sillonner et d’émerveiller le monde entier. Chaque époque est marquée par de riches personnalités : Richard Mique, architecte fameux de Marie-Antoinette (cette amitié lui valut sa tête en 1794) qui obtient le privilège de l’or, et Paul-Louis Cyfflé avec ses incomparables statuettes marquent le XVIIIe s. Gallé, qui renouvela la production à la fin du XIXe s. en s’inspirant … du siècle précédant. Éternel recommencement. Guingot et Bachelet marqueront l’Art Nouveau, Géo Condé l’Art Déco, etc.
La CCL
En 2011, les Manufactures connaissent des difficultés économiques. Consciente du riche patrimoine de leur fonds historiques, la Communauté de Communes du Lunévillois, qui regroupe aujourd’hui quinze communes, décide d’acquérir plus de 1 000 pièces blanches dont la richesse et la haute importance patrimoniale n’étaient plus à démontrer. Plus que la mémoire de deux manufactures, c’était un pan important des arts décoratifs que la CCL sauvait. Mais cet achat, réalisé avec l’aide importante du Conseil général de Meurthe-et-Moselle, n’était qu’une étape. La suivante est celle que nous vous présentons : sa mise en valeur.
La CCL s’est d’ailleurs fixé trois objectifs : pérenniser cette part de patrimoine local séculaire, asseoir le maintien des savoir-faire humains au sein de l’entreprise partenaire, et créer autour de cette activité un pôle d’attractivité touristique, productif et historique !
Quatre mises en scène
Jean-Louis Janin Daviet, commissaire de l’exposition et président de Lorraine Terre de Luxe (cf. notre numéro précédent), a imaginé quatre mises en scène originales, festives et ludiques.
L’idée de départ était simple : renouveler la manière de présenter les œuvres et « rêver de la matière à l’état pur ». L’accent est aussi mis sur le savoir-faire et la richesse humaine. Comme le fait remarquer Janin Daviet, « la main de l’Homme est reine. Absolu du prolongement de l’esprit, elle est indispensable à la création de tout objet ».
De la riche collection des moules et modèles, plus de 150 pièces majeures (pièces de moules et modèles) sont ainsi mises en perspective dans les salles Boffrand et Renaudin revisitées autour de quatre thèmes : l’atelier, l’histoire et les pièces historiques, l’eau, les fantaisies du cirque. Les teintes de gris, de blanc, de noir, d’ombres portées invitent à un voyage inédit au cœur des secrets de fabrication. Découvrez l’excellence et la précision du geste de la main, que ce soit celle du modeleur ou celle du sculpteur. En bref, laissez-vous mener dans la riche et longue histoire des Manufactures de Lunéville Saint-Clément. Et puis, profitez de votre passage à Lunéville pour découvrir les richesses patrimoniales de la ville, notamment l’église Saint-Jacques ou le magasin d’usine de la Manufacture près de la voie ferrée ! Quand on a la chance d’avoir un savoir-faire précieux dans sa région, il faut le soutenir.
À noter, l’exposition s’accompagne d’un ouvrage d’art tiré à 2 000 exemplaires et disponible au prix de 20 €. Des médailles de Louis XV et de Richard Mique pour Marie-Antoinette sont également proposées aux prix respectifs de 20€ et 10 €.« Epure… ou l’Histoire Blanche d’une Renaissance des Manufactures Royales de Lunéville Saint-Clément », du 16 janvier au 12 avril 2013
Château des Lumières, Lunéville.
Tous les jours de 10h à 12h et de 14h à 18h, sauf le mardi.