L’Odyssée Nikolaos : un voyage entre histoire et légende

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© Damien Fontaine

Du 29 octobre au 17 novembre, la basilique Saint-Nicolas de St-Nicolas-de-Port accueille « L’Odyssée Nikolaos, de Myre à New York », création monumentale et immersive signée Damien Fontaine.

Les dates clés

Le récit commence en Asie Mineure, où Nicolas, futur évêque de Myre, doit faire face aux persécutions de l’Empire romain. Des siècles plus tard, ses reliques sont ramenées en Lorraine par Albert de Varangéville en 1089 et précieusement conservées à St Nicolas de Port devenue capitale historique de la dévotion au saint.

En 1477, René II, duc de Lorraine, promet de faire ériger une église en hommage à saint Nicolas s’il remporte la bataille de Nancy contre Charles le Téméraire. Après sa victoire, il tient parole, et la construction d’une imposante basilique commence. Résistant aux aléas de l’histoire, de la guerre de Trente Ans aux bombardements de la Seconde Guerre mondiale, la basilique se dresse toujours fièrement dans le ciel lorrain.

En 1980, Camille Croué-Friedman fait un don important pour restaurer l’édifice (voir encadré). Loin d’être anecdotique, cet épisode marque un tournant dans l’histoire du bâtiment et de la commune.

À travers l’histoire de Camille, « L’Odyssée Nikolaos de Myre à New York » raconte le lien indéfectible entre saint Nicolas et ceux qui placent leur foi en lui, comme protecteur des voyageurs et des opprimés. Damien Fontaine met en scène ce récit avec une approche immersive combinant lumières, sons et projections, et offre au public un voyage entre passé et présent, Orient et Occident. L’échappée est belle.

Qui était Camille Croué-Friedman ?
Fil rouge de l’histoire portée sur scène par Damien Fontaine, Camille Croué est la fille des tenanciers du café Belle Vue. Serveuse au sein de l’affaire familiale, la jeune portoise rêve d’un ailleurs lointain. À l’âge de 16 ans, elle suit l’un de ses oncles qui ont émigré vers l’Amérique et s’installe à New York, où elle rencontrera Arthur Friedman, riche héritier et investisseur, dès les années 30, dans l’industrie pétrolière naissante. Arthur et Camille se marient en 1939, à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Loin des yeux, la petite Lorraine n’en oublie pas son coin de terre natale. Au large de Chypre, en plein naufrage de son bateau de croisière, elle promet de consacrer sa fortune à la restauration de la basilique Saint-Nicolas, si elle en sort vivante.
Devenue veuve et sans enfants, elle multiplie les allers-retours entre St Nicolas de Port et New York, finançant allègrement diverses bonnes œuvres. Le don ultime interviendra en 1980 : 7 millions de dollars, qui doivent servir à « reconstruire et entretenir la Basilique, afin qu’elle retrouve sa beauté originelle ». Le chantier s’étalera de 1983 à 2005.

→ L’Odyssée Nikolaos de Myre à New York • Une création de Damien Fontaine • Du 29 octobre au 17 novembre en la Basilique Saint-Nicolas de St Nicolas de Port lodysseenikolaos.fr

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Entretien avec Damien Fontaine

Créateur de « L’Odyssée Nikolaos », compositeur et metteur en scène natif de Nancy, Damien Fontaine a signé ces 10 dernières années de nombreux spectacles, en France et à l’international.

Portrait Damien Fontaine © D’Click Studio Epinal

« L’Oydssée Nikolaos », « Le Roman de St Sulpice », « Le Médaillon de St Jean »… Vous avez le don de faire des églises le théâtre de spectacles immersifs. Qu’y trouvez-vous ?

Déjà, il y a leur cadre architectural majestueux et leurs dimensions, que l’on ne retrouve pas dans d’autres endroits. Cela permet un travail autour de l’image et de l’immersion plus fort. J’aime par ailleurs amener les spectateurs à voir ces lieux sous un autre angle, par ce prisme inédit du spectacle.

Rencontrez-vous parfois des résistances de la part de gens qui ne supporteraient pas de voir le lieu de leurs prières ainsi dévoyé ?

Ces résistances existent, mais je n’y suis pas confronté à mon niveau. Toutefois, à ceux qui considèrent que l’on ne devrait pas toucher à ces édifices, je répondrais qu’à l’origine, les églises n’étaient pas uniquement le lieu de la messe dominicale, loin de là. Y ramener du spectacle, c’est, finalement, redonner à ces lieux leur vocation originelle.

Un mot sur la Basilique de St Nicolas de Port ? Qu’est-ce qui fait sa singularité ? Quelles ont été les difficultés éventuelles pour la création de « L’Odyssée Nikolaos » ?

C’est un lieu relativement haut et clair, ses pierres blanches ayant pu être nettoyées grâce au legs de Camille Croué-Friedman. Ses grandes ouvertures au niveau des nefs latérales sont à la fois un avantage – le champ de vision est élargi – et un inconvénient – la surface de projection est moindre –, ce avec quoi il faut composer. Autre chose : le bâtiment n’est pas droit, il tourne, la nef se décalant progressivement avec un angle de 6°. Ce n’est pas neutre.

Dans « L’Odyssée de Nikolaos », le spectateur suit le parcours de Camille et de Simone, sa meilleure amie qu’elle abandonne pour partir aux États-Unis. Si on sait que Camille a existé et quel rôle important elle a eu, Simone est-elle un personnage réel ?

Non, il s’agit de la partie romancée qui se greffe autour du personnage principal qu’est Camille. Mais elle aurait pu exister. Ce qui m’intéressait, c’était de donner à voir en quoi le legs fait par Camille Croué-Friedman était le fruit de son parcours, et de différents événements qu’elle a interprétés comme des signes. Elle aurait pu se contenter de vivre son rêve américain, mais elle est restée très attachée à St Nicolas de Port, au point de prendre part à différentes initiatives humanitaires, caritatives, tout au long de sa vie. Quant à son départ précipité aux États-Unis, personne n’en connaîtra jamais les circonstances précises. 

Pourquoi ce parti pris de faire de Camille le fil rouge de cette histoire ?

Je voulais absolument mettre en scène différentes temporalités, en prenant des moments clés de l’épopée de Nikolaos, devenu le Saint Patron des Lorrains, tout en racontant en quoi les pas de Camille Croué, jusqu’au don fait pour sauver la Basilique, s’inscrivent dans ceux de Saint-Nicolas. Les histoires de l’un et de l’autre s’entremêlent sans cesse. D’ailleurs, chose étonnante : New York, ville où Camille s’est installée, a deux saints patrons, Saint Patrick et Saint Nicholas.

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Un spectacle magistral

Pour « L’Odyssée Nikolaos », les moyens techniques importants s’accompagnent d’une machinerie humaine tout aussi impressionnante.

© Damien Fontaine

Il y a spectacle et spectacle. En 2024, nombreuses sont les villes à réchauffer leur place centrale, leurs bâtiments d’époque ou leurs édifices remarquables, de projections sur mesure, adossées à une musique et/ou un récit inédit. C’est ce qu’on appelle un son et lumière, ou vidéomapping.

Et puis il y a St Nicolas de Port, qui propose, avec « L’Odyssée Nikolaos », un spectacle encore plus impressionnant, dans lequel la technique côtoie l’humain dans un ballet d’une précision d’horloger suisse.

L’immersion visuelle a lieu grâce à l’utilisation de 28 vidéoprojecteurs laser couvrant l’ensemble de la nef, du chœur et des voûtes. Chaque image est parfaitement ajustée à sa toile de fond, à chaque détail du cadre architectural imposé. La mise en lumière des nefs latérales requiert quant à elle 250 projecteurs. Des architectures de lumières recréées par une vingtaine de faisceaux forment un plafond virtuel au-dessus des spectateurs. 

Côté moyens humains, évoluent, sous la direction de Damien Fontaine en chef d’orchestre, 200 volontaires venus de toute l’agglomération, troupe composée de 150 acteurs et figurants bénévoles (répartis en deux groupes de 75, qui se relaieront au fil des représentations) et 50 personnes opérant en coulisses (logistique, communication, accueil, habilleuses, couturières…). À ceci s’ajoute une équipe de 30 professionnels travaillant en production, régie, voix de comédiens, billetterie, communication…

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3 questions à Sylvie Bellot, Figurante et co-responsable des accessoires

© Laurence Mast

Comment avez-vous rejoint l’aventure ?

Via une annonce Facebook d’appel à candidatures. Je n’avais aucune expérience de la scène, mais le côté historique et de proximité a retenu mon attention. J’ai tourné une courte vidéo de présentation et en juillet, la première réunion de travail avait lieu. Depuis lors, je participe à 2, 3 voire 4 répétitions hebdomadaires. Cela requiert donc de la disponibilité et de l’implication.

Quel rôle interprétez-vous ?

Je joue deux personnages : Jeanne, la mère de Saint-Nicolas et Benoîte Vicieux, villageoise de Nancy, qui rencontre René II. Ce sont deux petits rôles, mais il a fallu se mettre dans la peau des personnages et s’entraîner à poser sa voix sur la voix off des comédiens professionnels.

Comment en êtes-vous arrivée à prendre la coresponsabilité des accessoires ?

Il y a eu un appel à volontaires. Nous sommes aujourd’hui 7 à nous en occuper, travail que je supervise. Notre mission consiste essentiellement à aller chercher, auprès de la ressourcerie de Lunéville, du brocanteur de St Nicolas et ailleurs, tous les objets nécessaires à recréer la mise en scène imaginée par Damien Fontaine. Nous avons également dû fabriquer certains éléments de mobilier, comme des tonneaux en carton, ou des tables confectionnées à partir de médium de récupération. Pour moi, qui ne suis pas spécialement bricoleuse à la base, ce fut un vrai défi.

Publireportage - Photos © Paroisse St Sulpice, D'Click Studio Epinal, Damien Fontaine, Laurence Mast, DR