A Nancy, le quartier du Sacré-Cœur cache une merveille souvent méconnue : la villa Majorelle, construite en 1901-1902 pour le célèbre ébéniste du même nom. Elle synthétise de manière parfaite la notion d’unité de l’art.
La villa Majorelle, parfois aussi nommée Jika (d’après les initiales de Jeanne Kretz, épouse de Louis Majorelle), est la première maison entièrement Art Nouveau construite à Nancy. Son architecture, ses ferronneries, ses décors intérieurs (peintures, boiseries, cheminées, rampe), adoptent alors un nouveau langage décoratif à la mode : celui de l’Ecole de Nancy.
A la campagne
La villa est construite dans un quartier nouveau en pleine extension. Des rues sont tracées, des immeubles voient le jour. La basilique du Sacré-Cœur est construite entre 1902 et 1905. De nombreux vergers laissent place à un urbanisme fait de maisons individuelles et d’immeubles de rapport. Nancy s’étend petit à petit sur sa campagne.
C’est là que Louis Majorelle implante son entreprise et sa villa, pour plusieurs raisons : les espaces disponibles sont nombreux et vastes, on est « aux portes » de Nancy, et c’est à cet endroit que sa belle-mère lui a donné un grand terrain qu’elle possédait.
Un concours de talents
L’architecture est confiée à Henri Sauvage, jeune architecte parisien, en collaboration avec Lucien Weissenburger (chargé de l’exécution sur place du chantier). L’architecture, légère et asymétrique, se développe sur trois niveaux. Au dernier étage, une très grande baie vitrée arquée ouvre sur le studio d’artiste de Louis Majorelle. Les huisseries de la baie rappellent le règne végétal et arborescent avec vigueur.
Jacques Gruber est chargé des vitraux (monnaie-du-pape dans l’escalier, cucurbitacées dans la salle-à-manger). Alexandre Bigot fournit toutes les pièces en céramique (rambarde extérieure de la terrasse, cheminée monumentale de la salle-à-manger…). Les décors peints sont dus principalement à Francis Jourdain et, dans une moindre mesure, à Henri Royer. L’art est total, et même les poignées de porte reçoivent un traitement particulier.
Enfin, Majorelle réalise lui-même (via ses ateliers), tout ce qui est en bois – mobilier, escalier, boiseries – ainsi que les ferronneries. Ces dernières, jusqu’alors réduites à un simple rôle fonctionnel, deviennent des éléments du décor à part entière, en témoignent les grilles de clôtures, la marquise ou la très belle porte d’entrée au décor de monnaie-du-pape. C’est aussi le cas des poutrelles qui soutiennent le balcon du second étage. Les codes de l’architecture traditionnelle volent en éclats.
Vendue en l’état à la mort de Louis Majorelle, la villa devient en 1934 la propriété du ministère de l’Equipement qui y installe des bureaux. L’Art Nouveau n’est alors plus à la mode, les vases Gallé sont relégués au cimetière. Avec le temps, des études et des expositions font redécouvrir au public les créations de cette époque. Pour la villa Majorelle, l’heure du réveil a sonné et elle est depuis 1997 ouverte à la visite.
Les années à venir devraient voir l’achèvement de la réhabilitation de l’édifice qui a déjà retrouvé une partie de sa belle polychromie d’origine, ainsi que la remise en situation du mobilier (la salle-à-manger au motif de blé a retrouvé ses murs d’origine dès 1997) comme la chambre à coucher qui est pour le moment exposée au Musée de l’Ecole de Nancy.
La villa Majorelle est avant tout une maison d’artiste construite par des artistes. Elle est le fruit d’une volonté de confort, d’art pour tous et partout, et d’élévation de l’âme. Un beau programme en somme !
La villa est classée Monument historique depuis 1996. Elle se visite sur rendez-vous.Villa Majorelle • 1 rue Louis Majorelle – 54000 Nancy • Renseignements au 03 83 40 14 86