Rencontre avec Laurent Kobler, brasseur autodidacte et créateur de La Châouette, une bière artisanale révélatrice de la richesse du terroir lorrain.
C’est à Saizerais, chez lui, que Laurent Kobler nous accueille. Quoi de plus normal d’ailleurs, puisque c’est là, au rez-de-chaussée de sa maison, que ce quadra souriant, formateur au lycée agricole de Toul, brasse sa propre bière artisanale depuis plus de dix ans.
L’homme est un passionné et un amateur de bières « particulières » comme il le dit lui-même. La sienne, La Châouette, c’est pourtant un peu par hasard qu’elle est née. « Un jour, je feuilletais une des toutes premières éditions du Larousse agricole. Un vieil ouvrage plus proche du ‘livre de vie’ que du dictionnaire. Et je suis tombé sur un article qui expliquait comment faire une ‘bière fermière’ très simplement. L’idée me faisait envie alors j’ai voulu d’essayer » se souvient Laurent. Et même si la fameuse « bière fermière » s’est révélée être plus proche du « breuvage fermenté » que d’une « véritable bière », la tentative l’a séduit. Il décide alors de recommencer et se renseigne sur les possibilités de brasser à l’aide de recettes plus actuelles.
Sa première « vraie » bière, Laurent l’obtient à partir d’une « bière en Kit » et avec l’aide d’un ami, Michel Dardenne, qui possède des connaissances en agro-alimentaire. Le résultat est satisfaisant mais il veut aller plus loin. Le brasseur s’affirme peu à peu, soutenu dans ses projets par sa femme Victoire, exploitante agricole. Il continue donc sur sa lancée, toujours avec des bières en Kit, se chargeant désormais du houblonnage (étape de fabrication qui consiste à faire bouillir le houblon dans le moût pour l’aromatiser). « Et puis avec le temps nous sommes passés à l’étape supérieure. On a été encouragé par les proches mais aussi par le milieu brassicole. J’ai alors commencé à m’équiper pour pouvoir maîtriser toutes les étapes de fabrication : brassage, houblonnage, fermentation… »
Une bière typée
De fil en aiguille, Laurent brasse de plus grandes quantités jusqu’à atteindre les 5 hectolitres par an. Sa production artisanale commence à prendre de l’ampleur et il décide de franchir un cap. Faire de la bière est devenu plus qu’un passe-temps et il choisit de fonder la Brasserie Artisanale de la Châouette en complément de l’activité de production horticole de sa femme. Sa motivation n’est évidemment pas financière mais Laurent y voit « la possibilité d’assouvir une passion tout en gagnant un peu d’argent. Et puis vendre sa bière, c’est aussi se confronter à l’avis des gens au-delà des proches ».
Aujourd’hui, Victoire et Laurent produisent une bière pur malt de qualité, très typée, à raison de 90 hectolitres par an. Et La Châouette se décline en trois variétés : une blonde, une ambrée et une blanche. « On a choisi de garder un seul nom pour les trois types de bière, c’est une manière d’affirmer notre identité. La Châouette désigne un habitant de Saizerais en patois… Notre nom montre notre ancrage local. Quand ils boivent notre bière, les gens savent qu’elle vient d’ici ! », explique Laurent. L’aventure familiale fonctionne d’ailleurs en circuit court, sur un réseau de distribution de produits du terroir et travaille avec de nombreux petits producteurs locaux. À son échelle, Laurent Kobler nourrit la diversité d’un patrimoine brassicole lorrain riche, dont il vante « la convivialité, l’entraide et la passion véritable ». L’homme n’en demande pas plus. Et s’il avoue penser à augmenter un peu sa production, il entend bien rester sur un terrain local dans une logique de mise en valeur de la production régionale. Avec, en filigrane, une volonté de s’ouvrir aux autres et de faire découvrir ce milieu qu’il aime tant. Il suffit de l’entendre raconter son histoire : chez Victoire et Laurent Kobler, la passion se partage comme une bonne bière, autour d’une table entre amis.