On est loin de l’ordonnancement régulier de la célèbre place parisienne, ou des forêts du massif montagneux. En outre, sa forme allongée lui donne plus l’allure d’un carrefour. Voilà une drôle de place… mais quelle est donc sa véritable identité ?
Une place-carrefour ou un carrefour-place ?
A l’origine, cette place est un carrefour entre la route qui mène au Montet puis à Brabois (actuelle avenue du Gal Leclerc, autrefois rue du Montet) et celle qui conduit à Saint-Nicolas de Port, Lunéville et Strasbourg (avenue de Strasbourg, cela ne s’invente pas !). Ce carrefour est d’une grande importance par sa position, au débouché de la porte Saint-Nicolas. Cette porte fut pendant des siècles l’unique entrée/sortie au sud de la Ville-Neuve. La place des Vosges est donc située à un croisement stratégique, mais n’est devenue vraiment place qu’à la destruction des fortifications de la cité. Revenons un instant sur la porte Saint-Nicolas, qui ferme la place au nord.
La Porte Saint-Nicolas
Avec la destruction de plusieurs maisons sur le flanc ouest de la Porte, cette dernière a perdu toute utilité, puisque rares sont aujourd’hui les personnes qui l’empruntent pour « entrer dans la ville ». La plupart des automobilistes la contournent sans y prêter attention, ce qui est bien dommage. Cette porte fut construite de 1603 à 1608, mais ne fut jamais complètement achevée (deux très grandes statues de la Ste Vierge et de St Nicolas devaient la surmonter). Elle fut baptisée Saint-Nicolas car placée sur le chemin qui menait à Saint-Nicolas-de-Port, lieu d’un grand pèlerinage toujours connu. La Révolution lui causa bien des malheurs, et détruisit une grande partie de ses sculptures. Menacée d’être rasée dès 1840, elle fut restaurée (blasons, sculptures) en 1863, mais sa voûte fut supprimée. On conserva les seules façades d’entrée et de sortie. Par la suite, devant la nécessité d’élargir les voies de circulation, on préféra – Dieu merci – détruire les immeubles adjacents et conserver la porte.
Le serment des ducs
A partir du duc Henri II (1610), la porte Saint-Nicolas (et donc la future place des Vosges) marque l’entrée solennelle du souverain dans sa capitale, lors de son avènement. Devant la porte, avant de rentrer, le duc prête serment de maintenir les privilèges, droits et libertés des trois ordres (clergé, noblesse, tiers état). C’est dire l’importance de cet espace.
L’hôtel Elbel
L’un des plus beaux immeubles de la place est sans conteste l’hôtel particulier Elbel, au numéro 17. Construit en 1922 à la place de deux anciens hôtels, il est l’œuvre conjointe de Louis Déon (architecte) et de Jules Cayette (sculpteur, ferronnier, décorateur). Derrière cet hôtel étaient situées les usines de la famille qui l’habitait : les conserveries Elbel-Mosser. Cayette réalisa le mobilier d’un des appartements (dispersé depuis), et la somptueuse porte d’entrée, dont les poignées portent sa signature. A proximité se trouvait l’une des glacières de Nancy. Il s’agissait d’une sorte de grotte aménagée dans le sol, dans laquelle on stockait de la glace l’hiver pour la conserver. D’autres glacières existaient près du canal, à Boudonville… L’immeuble au numéro 5 est également remarquable par son style 70 affirmé, trop souvent décrié de nos jours. C’est un témoin intéressant à admirer et conserver.
La place des Vosges est sans doute l’une des places les plus atypiques de Nancy, du fait de son identité de carrefour dominante. Depuis 1954, son nom honore ce département de la Lorraine pour commémorer sa résistance à l’invasion allemande.