Le 15 décembre, le théâtre de La Manufacture rouvre ses portes
avec la dernière création de Michel Didym intitulée Habiter le temps d’après un texte poignant de Rasmus Lindberg.
« Tout le monde est là ? Ok, silence, on y va ! » Sur la grande scène du théâtre de La Manufacture, un homme et une femme tiennent une casserole d’eau chaude. À côté d’eux, un berceau. « Lâche-ça ! » crie l’homme. « Lâche je te dis ! » Dans un geste brusque, la casserole se renverse sur le berceau. Noir plateau. Musique vrombissante. Le drame vient de se produire.
Ce 2 décembre 2020, Michel Didym répète avec ses équipes sa dernière création en tant que directeur du CDN – théâtre de La Manufacture. Pour l’occasion, il a choisi un texte brillant et bouleversant du Suédois Rasmus Lindberg : « Il a mis 10 ans à écrire cette pièce qui relève du génie » détaille Michel Didym. « C’est un véritable ping-pong de répliques entre les six personnages, tout se fait écho, s’entremêle, se lie et se délie. » Habiter le temps est en fait une palpitante histoire de famille. En 1913, Kristin et Erik sont en pleine crise de couple et se disputent : le drame qui suit aura des conséquences sur la vie de Stefan (leur fils) et Caroline en 1968 mais aussi sur celle de Myriam et Hannele en 2014. « Ce texte parle à tout le monde. Chacun y voit, à l’aune de son expérience, un miroir de sa propre biographie. Nous avons tous des secrets de famille… et, souvent, la quête de vérité est semée d’embuches. »
De beaux rendez-vous en 2021
Pour cette création, Michel Didym s’entoure d’une équipe talentueuse : les six comédiens ( Éric Berger, Irène Jacob, Jérôme Kircher, Julie Pilod, Catherine Matisse et Hana-Sofia Lopes ) sont précis et incarnés. « Le décor est signé Clio Van Aerde, une jeune scénographe vivant au Luxembourg. La maison est le personnage principal de la pièce finalement. Clio a recréé l’ambiance d’une bâtisse scandinave de l’époque avec quelques éléments qui limitent l’espace : un fourneau, des fenêtres, un escalier, des portes. Dans cette scénographie, rien n’est laissé au hasard, tout à une signification comme ce tableau du cheval terrorisé, peint par la grand-mère dans les années 1913. » De leurs côtés, Cécile Bon a imaginé une chorégraphie majestueuse et Philippe Thibault et Nicolas Pierre ont composé la musique qui accompagne brillamment cette intrigue.
Si Michel Didym cède sa place à Julia Vidit en janvier 2021, il a travaillé sur l’intégralité de la saison 2020-2021 et promet encore de beaux rendez-vous à venir. Le spectacle Moi, Bernard d’après la correspondance de Bernard-Marie Koltès, mis en scène par Jean de Pange sera reporté du 29 mars au 1er avril 2021. À noter également : le spectacle Anne-Marie La Beauté de Yasmina Reza, initialement programmé du 5 au 7 janvier, sera reporté du 1er au 3 avril. Michel Didym reviendra, lui, présenter sa création À table ! en toute fin de saison, du 14 au 17 juin.
En raison du couvre-feu, tous les spectacles sont avancés à 19h jusqu’au 20 janvier. Le théâtre de La Manufacture tient à rappeler que toutes les personnes ayant un billet d’un spectacle annulé peuvent choisir un autre spectacle de la saison ou se faire rembourser. « La culture se relèvera de cette épreuve. Je laisse un théâtre en bonne forme, avec des équipes compétentes et apaisées. Et des souvenirs plein la tête. » Pauline Overney
Renseignements et programmation : 03 83 37 42 42 ou theatre-manufacture.fr. La billetterie, joignable par téléphone ou mail de 13h à 18h, sera ouverte dès le 15 décembre
Entretien avec Michel Didym
Directeur du CDN – théâtre de La Manufacture et metteur en scène de la pièce Habiter le temps.
Qu’avez-vous ressenti à la lecture de ce texte de Ramus Lindberg ?
J’ai été transporté par la qualité littéraire et l’intense dramaturgie qui s’en dégage. C’est une pièce magnifique, bouleversante d’intimité. Nous l’avions présenté en lecture lors de la Mousson d’été et nous avons pris conscience de sa dimension exceptionnelle : ce texte touche les gens en plein cœur.
Comment met-on en scène trois époques différentes sans perdre le spectateur ?
Cela fait 18 mois que je travaille sur ce projet et je m’appuie sur le texte : les enjeux des trois situations ne cessent de se croiser, de se répondre, de se mentir… En fait, les spectateurs possèdent les clés pour comprendre ce qui se passe sur scène tandis que les personnages cherchent à comprendre la vérité au fur et à mesure. Une vérité souvent déformée par les protagonistes eux-mêmes d’ailleurs, ça permet au public de développer son sens critique sur ce qui est en train de se passer.
Mais cette pièce va beaucoup plus loin qu’une simple « histoire de famille ».
Bien sûr ! C’est un texte qui parle à tout le monde, à tous les âges. Chacun y voit, à l’aune de son expérience, un miroir de sa propre biographie. Et Rasmus Lindberg s’interroge et nous interroge : Comment sommes-nous devenus la personne que nous sommes ? Nos ancêtres sont-ils la source de nos éventuels troubles psychologiques ou de nos comportements étranges ?
Vous avez réuni un casting de six acteurs talentueux pour cette pièce.
Les personnages sont riches et complexes : le public aura grand plaisir à retrouver ou à découvrir ces acteurs sur scène : Éric Berger qui fait partie du comité de lecture de la Mousson d’été et qui a une palette de jeu très riche, Irène Jacob qui est une grande autrice et une magnifique actrice, Jérôme Kircher qui endosse ce rôle d’homme défiguré et qui manipule sa psychologue Julie Pilod, Catherine Matisse qui a déjà travaillé avec nous sur Molière et Desproges et enfin cette jeune actrice portugaise Hana-Sofia Lopes à qui l’on demande d’avorter dans la pièce…
Quel est votre sentiment pour cette dernière création pour La Manufacture ?
C’est forcément une grande émotion. La Manufacture, c’est 10 ans de ma vie ! Je pars avec d’excellents souvenirs. Nous avons travaillé avec une multitude de talents à qui l’on a donné la chance de pouvoir rayonner en tant qu’artistes régionaux. Je garde aussi en tête nos rendez-vous « hors les murs », comme Stage Your City à la porte de la Craffe ou encore Comment réussir un bon petit couscous de Felag au Haut du Lièvre. Je remets maintenant mes costumes de metteur en scène et d’acteur. Je franchis une étape et j’en commence une autre !
Propos recueillis par P.O.
publireportage – Photos © DR