MANIFESTATION ANNULÉE
Dans la région Grand Est, les Journées Européennes des métiers d’art 2020 se dérouleront du 3 au 5 avril mettant en lumière le lien entre l’artisan et sa matière de prédilection.
Elles peuvent être nobles, comme la feuille d’or. Rares ou quasiment disparues, comme l’ivoire. Elles peuvent venir de l’autre bout de la terre, comme le rotin que l’on ne trouve que dans une région d’Indonésie. Elles peuvent être simples comme l’osier ou la terre. Les matières sont plurielles. Fabriquées ou naturelles. Brutes ou transformées. « Mais en tout cas, toutes les matières ne se laissent pas facilement travailler » souligne Christophe de Lavenne, Référent Pôle métiers d’art à la région Grand Est. « C’est justement ce travail, cet affrontement entre l’artisan et sa matière qui donne des créations exceptionnelles. »
« Matières à l’œuvre » est donc le thème de ces 14e Journées Européennes des métiers d’art. Dans le Grand Est, il y aura plus de 100 ateliers ouverts, 40 expositions avec des démonstrations d’artisans d’art et une multitude d’animations sur les métiers d’art en compagnie des centres de formation. L’occasion de visiter des lieux confidentiels, souvent fermés au public en temps normal et de découvrir des savoir-faire séculaires, des transformations spectaculaires des matières, des outils méconnus et des talents variés.
Meilleur ouvrier de France 2019
Frédéric Demoisson fait partie de ces artisans au talent inné. Originaire de Lorraine, il choisit de travailler le verre à chaud dès l’âge de 16 ans. Il se forme d’abord au métier de souffleur de verre puis il devient chalumiste : « Frédéric fonde en 2002 VerreLab, son entreprise de verrerie de laboratoire. Mais son instinct artistique reprend vite le dessus : en parallèle il créée Mad Verrerie d’Art (MVD). Il expose aux quatre coins du monde, il revient d’ailleurs du Liban où il a travaillé sur une série de production verrière de haut chalumeau. Qu’importe, Frédéric Demoisson a choisi d’installer son atelier dans son village natal, à Waville, dans la vallée du Rupt de Mad. Pour les JEMA, il ouvre exceptionnellement ses portes » explique Christophe de Lavenne. Au sommet de son art, Frédéric Demoisson travaille aujourd’hui le verre selon différentes techniques : verre étiré ou verre soufflé pour la réalisation de pièces décoratives uniques. Il a d’ailleurs obtenu le titre exceptionnel de Meilleur Ouvrier de France en qualité de verrier au chalumeau en 2019 : « Au-delà du défi technique que représentait ce concours, Frédéric voulait redonner les lettres de noblesse à sa technique du verre au chalumeau. Il est aussi très engagé dans la transmission en étant formateur au Centre Européen de Recherches et de Formation aux Arts Verriers (CERFAV) de Vannes-le-Châtel.
Le papier dans tous ses états
Le domaine du papier, c’est une longue chaîne de métiers et de savoirs. Pour que le relieur puisse intervenir, il aura peut-être fallu qu’avant lui, œuvrent le fabricant de papier, le photographe technicien, l’imagier, l’enlumineur, l’imprimeur, le lithographe qui maîtrise la reproduction artisanale d’œuvre d’art ou le graveur. Tous ces métiers rares restent d’une grande actualité et proposent parfois des démarches très contemporaines. Au château de Mme de Graffigny à Villers-lès-Nancy, l’événement « Le papier, des métiers » réunira une quinzaine d’artisans : « Chacun a sa définition du papier et surtout du travail du papier. Nous aurons la chance d’accueillir Jean-Pierre Gouy, le dernier fabricant de papier en France. Il donnera l’occasion aux visiteurs de concevoir leur propre papier et de l’emporter chez eux ! » De son côté, l’Atelier du papier marbré proposera des démonstrations étonnantes, Emese Turi Turgonyi montrera comment il est possible de restaurer des documents graphiques et imprimés tandis que Pauline Faure de « Mes petites curiosités » exposera ses créations entièrement réalisées à la main et en papier. « Notons également la présence de Gaëlle Chauveaux du Magasin de Mots à Nancy, qui tient son atelier d’impressions typographiques et qui crée des objets poétiques. »
Inspirations végétales et techniques du 18e siècle
Le Jardin botanique Jean-Marie Pelt à Villers-lès-Nancy accueillera, lui, des artisans dont les travaux s’inspirent du monde végétal : céramistes, ébénistes, vanniers… La matière sera à l’honneur avec les bois, des bois de structures au bois de décors, le feutre de laine, la terre, mais aussi le ciment spécifique utilisé par le rocailleur (Anne Procureur), un métier à découvrir avec sa longue histoire dans le décor des parcs et jardins. Pascal Pierre, ébéniste, concentre lui son travail à la restauration de mobilier dans un style Art nouveau, essentiellement inspiré du végétal. « Dans un autre style, Julien Pham, qui est lunetier donc fabricant de lunettes à Nancy, viendra présenter ses montures en bois, conçues artisanalement. » Enfin, deux établissements proposeront des démonstrations : le CFA de l’AFPIA dans le domaine de l’ébénisterie et Fayl Billot dans le domaine de la vannerie. Autre temps fort de ces JEMA 2020 dans le Grand Est : « Réminiscence » au château de Lunéville et à l’Orangerie du château. « Cette manifestation souligne le lien entre la création contemporaine issue des métiers d’art ou en lien avec les arts appliqués et les sites patrimoniaux du 18e qui accueilleront les JEMA à Lunéville. » Et pour cause, le 18e siècle a eu une place très particulière dans le domaine des métiers d’art avec la naissance de nouveaux métiers (comme l’ébéniste et le marqueteur), la découverte de nouveaux matériaux (la porcelaine en l’Europe), la naissance des premiers travaux de compilation des connaissances techniques et de réflexions théoriques (l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers de Diderot). Parmi les quinze artisans présents, la brodeuse Claire Kientzi illustre à merveille ce rapport entre passé et présent dans ses créations de bijoux textiles et parures brodées. La relation entre la main, l’outil et la matière : ces JEMA 2020 sont l’occasion, pour les visiteurs, de découvrir comment les artisans font corps avec leur matière afin de donner vie à des créations… extraordinaires. Pauline Overney
Tout le programme des Journées Européennes des Métiers d’art : journeesdesmetiersdart.fr • Infos sur les métiers d’art Grand Est : metiersdart.grandest.fr • Renseignements : [email protected]
« Sous le regard de Majorelle : des matières à l’œuvre » Nouveau rendez-vous près de Longwy
« Les Journées Européennes des métiers d’art s’installent enfin dans le nord de la Lorraine avec une très belle manifestation à la Maison de la Formation (les anciens grands bureaux des aciéries de Longwy) à Longlaville, réalisée avec la Chambre de Métiers » s’enthousiasme Christophe de Lavenne. Ce lieu prestigieux souligne le lien unissant histoire, couleur, matière, savoir-faire et artisanat d’art. Car celui-ci renferme, dans sa gigantesque cage d’escalier, 27 verrières de style Art déco, symbolisant le travail des hommes de la sidérurgie et dessinés par Louis Majorelle.
« Plus d’une dizaine d’artisans exposeront, à chaque palier de ce lieu magnifique. Il y aura bien sûr Olivier Chazot qui est un maître verrier – vitrailliste mais aussi une brodeuse, un horloger, une modiste, un ferronnier-forgeron… Christian Leclercq viendra également présenter son travail sur les émaux de Longwy. »
Le 4 avril de 10h à 19h et le 5 avril de 10h à 18h. Entrée libre. Renseignements : 06 86 79 48 38
3 questions à Christophe de Lavenne
Référent Pôle métiers d’art à la région Grand Est
Pouvez-vous nous en dire plus sur ce thème 2020 « matières à l’œuvre » ?
Ces dernières années, les JEMA ont parlé de transmission, des savoir-faire, des gestes, des territoires… mais je pense que l’on avait un peu mis de côté l’essence du travail des artisans d’art, c’est-à-dire le fait de transformer la matière. Lors de cette édition 2020, le public pourra se rendre compte que les matières sont diverses. L’idée avec ce thème est aussi de montrer que les artisans savent utiliser leurs matières avec discernement, en les valorisant.
Dans la région Grand Est, l’organisation de ces JEMA 2020 reste sur le même modèle des années précédentes ?
Oui, nous sommes dans une région riche de plus de 2 000 ateliers et manufactures métiers d’art avec un fort support de la Région Grand Est pour la promotion et la valorisation de ce secteur des métiers d’Art. En Alsace, où il y a une tradition forte des métiers d’art, beaucoup d’ateliers seront ouverts pour permettre au public d’aller à la rencontre des artisans. En Lorraine, nous favorisons les expositions en rassemblant plusieurs artisans sur des thèmes spécifiques. Nous notons également un programme qui s’est étoffé en Champagne-Ardenne, surtout dans la Marne où il y aura un panel d’ateliers ouverts et d’expositions, ce qui n’était pas forcément le cas les autres années.
En Lorraine donc, l’accent sera mis sur les expositions avec beaucoup de métiers représentés.
Nous organisons avec nos partenaires effectivement beaucoup de rendez-vous, notamment au Château de Lunéville sur les techniques du 18e siècle par exemple, au Château de Mme de Graffigny sur le travail du papier ou encore un nouveau rendez-vous à Longlaville dans la Maison des Formation dotée de plusieurs vitraux dessiné par Louis Majorelle avec beaucoup d’artisans d’art aux spécialités différentes. Propos recueillis par Pauline Overney
publireportage - Photos © dr