Dans la cacophonie qui a suivi les récentes annonces faites par le gouvernement dans le domaine de la sécurité routière, un instrument a fait grand bruit : l’avertisseur de radars.
Par la magie d’un passement de jambe sémantique, les avertisseurs de radars n’existent plus. Ils ont été remplacés par… les avertisseurs de zones à risque ! Si la nuance semble faible entre les deux appellations, le grand écart réalisé par les autorités est d’ampleur. Alors que le législateur, poussé par des associations de victimes très remontées, était bien décidé à les interdire purement est simplement, la colère de la rue, parfaitement orchestrée par des industriels soucieux de conserver leur juteux gagne-pain, et les dissensions au sein de la majorité présidentielle ont vite eu raison de ces honorables résolutions.
Pris de vitesse
Il faut dire que le succès de ces petits boîtiers a été fulgurant, bien servi par une facilité d’utilisation déconcertante et une communauté d’utilisateurs très active. Plus ces derniers étaient nombreux, plus ils se faisaient efficaces. Un cercle vertueux auquel goûtèrent assez peu les autorités, sans parler des associations. Mais quatre millions d’automobilistes en colère plus tard (un beau réservoir d’électeurs), l’avertisseur de radars ressort du garage, à peine maquillé.
Hypocrisie
Même si le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, insiste sur le fait que les assistants auront « l’interdiction d’avertir de la position exacte des radars » (tout tient dans la notion d’exactitude), les industriels, en sauvant la peau de leur rejeton, ont gagné le bras de fer. Alors qu’ils venaient déjà de gagner la bataille de la communication, modèle d’hypocrisie commerciale, louant, auprès des autorités compétentes, l’influence très positive de leurs pro-duits sur la sécurité routière (contrôle de la vitesse actuelle avec signalement des dépassements, avertisseur de changement de limitation…), tout en mettant en avant, auprès des automobilistes, la possibilité de rouler à des vitesses indues. De quoi justifier la colère des associations de victimes de la route. Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la violence routière, fustige cette reculade à peine déguisée et, interrogée par l’AFP, maintient sa position : « il faut que les fabricants d’avertisseurs s’engagent à ne plus signaler ni les radars fixes ni même les contrôles ». Dire qu’il y a peu de chances que ce vœux-là soit exaucé, relève de l’euphémisme…