Le 20e millésime de l’AOC Côtes de Toul

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Les vignobles toulois montrent une très bonne santé. Pour les 20 ans de l’AOC Côtes de Toul, les vendanges précoces devraient tenir la promesse d’un vin exceptionnel.

Lundi 18 septembre. Le temps est quelque peu pluvieux sur les vignobles toulois et le soleil peine à montrer le bout de son nez. À Lucey, dans le domaine des frères Lelièvre, l’équipe est déjà à pied d’œuvre pour le premier jour des vendanges 2017. « Cette année, il y a 25 vendangeurs pour récolter 17 hectares. On a démarré la journée avec le cépage auxerrois, c’est-à-dire le raisin blanc » explique David Lelièvre. « C’est le bon moment pour le ramasser. Les petites tâches montrent que les graines se sont gorgées de soleil et donc de sucre. Le raisin est au top de sa maturité ! » David a l’œil sur toute son équipe. Entre débutants et vendangeurs aguerris, entre-aide et convivialité sont les maîtres-mots. « C’est ma première année aux vendanges. J’aime le travail saisonnier. On m’avait prévenu que c’était dur, mais il fallait bien essayer ! En plus, c’est moins physique que le binage que j’ai pu faire avant » raconte Hugo. Michel, lui, n’en est pas à son premier coup de sécateur : « J’ai 72 ans et je suis en pleine forme ! J’adore faire les vendanges, j’aime l’ambiance et l’effort. Et quand je vois des jeunes autour de moi travailler dur, ça me fait plaisir. Car c’est une école les vendanges ! »

L’histoire de la Maison Lelièvre débute en 1971. Jean, le grand-père de David et Vincent, a commencé avec un hectare et demi, de façon artisanale, mais qui aura été récompense par une médaille d’or au Concours Générale Agricole. « Avec Vincent, on travaille dans le vignoble depuis 10 ans. On a 19 hectares aujourd’hui » continue David. Depuis leur arrivée, les frères Lelièvre insufflent dynamisme et professionnalisme au domaine et ont choisi de travailler une culture raisonnée : « On ne désherbe pas, les sols sont vivants, la vigne et les feuillages sont protégés avec du cuivre et du soufre quand il y a besoin. »

« Des vins très ronds en bouche »

Un peu plus loin, dans la commune de Bruley, le pressoir est déjà en marche au domaine Laroppe. Les premières grappes pressées sont destinées à la production de l’Auxerrois, un vin blanc dont le raisin part directement en pressure après récolte.  « Nous avons commencé les vendanges jeudi dernier. Cette année, elles sont très précoces dues à un printemps très chaud et très ensoleillé dès le mois de mars » explique Vincent Laroppe. Le viticulteur est très optimiste pour ce millésime 2017, malgré des intempéries en avril et mai derniers qui lui ont fait perdre 2 hectares, c’est-à-dire 15% de sa surface de vignes. « Les vendanges précoces donnent toujours un vin exceptionnel ! Les raisins sont très riches en sucre et peu acides. Ce seront des vins très ronds en bouche, parfaits dans leurs jeunesses, surtout pour le Gris. »

Vincent Laroppe a repris le domaine en 1999 et est le descendant direct à la 8e génération de viticulteurs. Il a reçu seize récompenses sur son millésime 2016 dont cinq au prestigieux Salon de l’Agriculture de Paris : « C’est une reconnaissance. On est toujours content du vin que l’on produit mais on n’est pas objectif ! Et commercialement parlant, c’est toujours vendeur et gage de qualité de pouvoir mettre une récompense sur la bouteille. » Passionné, Vincent Laroppe décrit un métier « vivant, qui évolue énormément toujours dans une démarche de qualité et de recherche de nouvelles cuvées ».

Agriculture biologique

À 14 heures, quelques rayons de soleil arrivent enfin à se frayer un chemin parmi les cumulus et enluminent les vignes de Blénod-lès-Toul. Au domaine Claude Vosgien, Renée, la maman des deux viticulteurs Alexandre et Stéphane, se charge de tenir la boutique. Dehors, les restes d’un repas copieux et quelques fonds de verres de vins sont le signe que les vendanges ont démarré sur les chapeaux de roues. « J’avais 17 personnes à nourrir ce midi ! » raconte Renée. « J’avais préparé un poulet farci avec des haricots verts, des betteraves en entrée. Demain, ça sera filet de bœuf au vin avec des pâtes. » Les frères Vosgien ont convoqué une équipe de 15 vendangeurs pour récolter les 10 hectares de leur vignoble. Guillaume, le beau-frère d’Alexandre s’enthousiasme de cette première journée : « J’adore les vendanges, on est dehors, au soleil, on rigole ! Au début, il faut s’accrocher car c’est très physique mais on s’habitue et après ça roule. Et quand il pleut, malheureusement, ce sont les aléas ! » Couper vite, trier le raisin et le manipuler avec délicatesse : les gestes du vendangeur doivent être précis, rapides et soigneux. Charlie débute ses premières vendanges mais a déjà le coup de main. « C’est un travail très dur mais aussi très gratifiant… C’est ce que la nature nous donne, c’est la vie en somme, je trouve ça très beau ! »

Les Vosgien pratiquent une agriculture biologique depuis 2011. « Il n’y a plus de traitements à base de produits d’origine chimique. On traite les vignes avec du cuivre et du soufre. On a supprimé les herbicides. C’était un grand pas à faire car on a passé toute l’exploitation en bio du jour au lendemain. Mais au niveau de la qualité du raisin, on s’y retrouve » souligne Stéphane Vosgien qui est aussi le président de l’ODG (Organisme de Défense et de Gestion) Côtes de Toul. Malgré les pertes dues aux intempéries, le viticulteur est ravi du raisin cette année : « Le travail du vigneron est d’avoir la meilleur qualité possible. La quantité, c’est la nature qui décide. » Au pressoir, Alexandre Vosgien a relevé 12.2 degrés de densité de sucre dans les premières récoltes. « D’habitude, on est plutôt sur 11.5 degrés. Ça promet un vin exceptionnel ! »

20 ans de l’AOC Côtes de Toul

Ces vendanges 2017 seront le 20e millésime pour l’AOC Côtes de Toul. « Avec l’ensemble des viticulteurs du toulois, nous avons décidé de jalonné l’année 2018 avec beaucoup de manifestations pour fêter comme il se doit ces 20 ans » poursuit Stéphane Vosgien. L’appellation couvre aujourd’hui 600 hectares mais seulement 70 sont plantés. « Nous sommes 20 vignerons et 14 domaines. L’appellation a besoin de se développer par le nombre d’hectares mais aussi en vignerons ! Nous pourrions être plus nombreux. D’ailleurs, nous venons d’installer deux jeunes qui ont replanté plus de deux hectares de vigne et qui font leurs premières récoltes. » L’AOC Côtes de Toul commence à trouver ses lettres de noblesse et à séduire un public de plus en plus large. Elle fait aussi la fierté des Lorrains. « Pour les 20 ans, nous serons très présents sur les salons. Car la dégustation est notre meilleure argument » souligne Stéphane.

Il est 16 heures. Les vendangeurs sont dans les vignes depuis ce matin. Renée Vosgien s’active pour préparer le goûter de l’équipe. « Je vais leur donner du jus de raisin maison, du café, des gâteaux, de l’eau et bien sûr, un peu de vin. » Renée et Claude, son mari, avaient 7 hectares de vigne. Elles voient ses fils développer l’entreprise avec passion et innovation : « Si Claude était encore de ce monde, il ne reconnaitrait pas le domaine mais il serait ravi ! Car il les Côtes de Toul existent, c’est un peu grâce à nous. On a fait toute notre carrière dans l’ombre, on a changé l’image de l’appellation. Claude savait que nos enfants développeraient l’AOC. On a sauvé une partie de notre patrimoine. » Un patrimoine en bonne santé, tenu par des viticulteurs investis et solidaires qui devraient proposés leur millésime 2017 à partir du mois de mars prochain.

Photos © PO, DR