C’est sur les ruines d’une friche industrielle, alors que tout le monde pleurait la fin du travail du verre en Lorraine, qu’est né il y a presque 25 ans le Centre international d’Art Verrier. En préservant et transmettant le savoir faire des souffleurs de verre, il a sauvé de l’oubli un art. En relançant la production des boules de Noël, il l’a fait connaître au grand public.
C’est après de nombreux méandres, sur des routes de plus en plus étroites que le fond de vallée apparaît avec le petit village de Meisenthal, entouré de forêts denses. En son milieu, l’église, et un énorme bâtiment de briques, de ciment. Le site verrier trône, comme un témoin plus qu’un vestige. Encore dans son jus, on pourrait imaginer en voir sortir des centaines d’ouvriers, en chapeaux et longues moustaches, comme c’était le cas il y a un siècle.
A chaque fin d’année, les visiteurs se font plus nombreux. Ils se pressent vers les ateliers pour admirer les souffleurs de verre au travail. Car des grandes cannes sort en cette période un objet magique : la boule de Noël.
Berceau légendaire ou réel ?
Dans cette partie des Vosges du Nord, à la frontière de l’Alsace, on murmure « qu’en 1858 la nature fut avare. La grande sécheresse priva la région de fruits et le sapin de Noël n’eut donc parure qui vaille. Un souffleur de verre de Goetzenbruck, village voisin de Meisenthal tenta de compenser cette injustice en soufflant quelques boules en verre. Il déclencha à lui seul une tradition qui traversa les cultures ». Même si on peut reconnaître aujourd’hui que la tradition du verre autour du sapin est peut-être né en même temps dans plusieurs endroit de culture germanique, il faut reconnaître que cette version de la légende convient parfaitement aux défenseurs de ces vallées qui ont cultivé dès le début du XVIIIe siècle le savoir-faire le plus éminent dans le travail du verre.
Particulièrement connue pour la production de verre optique, la verrerie de Goetzenbruck en activité de 1721 à 2005, produisit ainsi des boules décoratives réfléchissantes à partir de 1858 jusqu’à 250 000 par an. En 1964, la verrerie mettait un terme à leur fabrication, les plongeant par la même dans l’oubli…
Le renouveau
En 1992, le Centre International d’Art Verrier (CIAV) rallume un premier four de fusion dans un ancien bâtiment de la friche et porte depuis l’ambition de réinterpréter l’héritage technique verrier de son territoire. Ainsi, dans différents contextes collaboratifs, des créateurs contemporains, confirmés ou en devenir (artistes, designers, étudiants en Ecoles d’Art…), travaillent de concert avec les verriers, questionnent les savoir- faire anciens et enclenchent de nouvelles histoires d’objets.
En 1998, le CIAV organise des rencontres autour des techniques de soufflage et d’argenture des boules de Noël de Goetzenbruck. Les derniers verriers témoins de cette aventure industrielle transmettent aux jeunes verriers les secrets du soufflage de ces boules de Noël. Héritier depuis lors de ce savoir-faire sauvé de l’extinction, le CIAV confronte ces gestes ancestraux à des questionnements contemporains et lance en 1999, une ligne éditoriale « boules de Noël ». Aux modèles traditionnels réédités s’ajoutent année après année des boules contemporaines conçues par des créateurs invités à revisiter la tradition. A ce jour une vingtaine de modèles existent dans les 2 collections : la ligne traditionnelle compte des objets directement inspirés de modèles anciens et la ligne contemporaine imaginée par des designers et artistes contemporains. « Ils se jouent des codes traditionnels et prennent la tradition à revers pour réinventer la boule de Noël, la faire glisser vers d’autres univers et la charger d’une intense force narrative », explique Yann Grienenberger, directeur du CIAV.
40 000 boules chaque année
Du haut d’une passerelle carré, le public surplombe l’atelier des souffleurs de verres. En cette période de fêtes, ils n’arrêtent pas. Le geste est précis, vif, méthodique. Avec seulement deux fours, et une équipe de moins de vingt personnes, ils réussissent la prouesse de produire chaque année 40 000 boules destinées à la vente. Même si cette production n’est pas la vocation première du CIAV, elle est devenue au fil des ans, grâce au succès populaire indéniable des boules de Noël, le meilleur moyen de son autonomie financière. Elle est surtout sa meilleure vitrine. Entre les curieux et les habitués, ils sont des milliers à venir ici pour capturer un instant de ce savoir-faire et repartir avec une ou plusieurs boules. Depuis le lancement en 1999 des séries contemporaines, on trouve même des collectionneurs : « Beaucoup de famille reviennent chaque année et achètent plusieurs exemplaires de la nouvelle édition. J’en connaît certaines qui disent le grand est né sous « Vroum » la petite, c’était l’année de « Sylvestre ». Ces boules sont devenues de vrais millésimes ! », sourit Yann Grienenberger.
Neuf des dix points de vente en France sont dans le Grand Est. Et ce n’est pas un hasard. Les boules de Noël de Meisenthal restent un produit à part, et malgré de nombreuses demandes, le CIAV ne souhaite pas augmenter sa production immodérément. Ce serait perdre l’essence même de cette belle aventure autour d’un territoire, de son savoir-faire. Et puis, bien loin des marchés standardisés, quoi de mieux finalement que d’entendre un note d’accent régional au moment d’acheter ce joyau de Noël…
Plus d’infos sur ciav-meisenthal.fr
FIZZ, la boule rafraîchissante de 2016
La nouvelle boule de la ligne contemporaine évoque un presse agrume renversé. Signée de la designer Rafaële David, elle invite à la fraîcheur et à la convivialité.
Il étreint la pulpe, retient les pépins, délivre le jus, puis après un bain bien mérité, rejoindra ses compagnons de vaisselier. Les objets vivent aussi leur invariable routine. Le presse-citron en verre, accessoire d’art ménager produit autrefois par la verrerie de Meisenthal, ne s’était sans doute jamais imaginé un jour pouvoir changer de vie. C’était sans compter sur la designer Rafaële David, qui lui a fait sa fête !
La boule de Noël « Fizz », pétillante mutine libérée de sa condition d’ustensile anonyme, porte les signes héréditaires de sa vie passée tout en nous invitant à partager sa rafraîchissante métamorphose. « Le plus important pour moi a été d’abord de comprendre tous les enjeux, contraintes et attendus de l’équipe du CIAV et de prendre le temps de m’immerger dans l’histoire des lieux, dans sa culture, explique Rafaële David. J’ai longuement échangé avec les verriers, revisité le Musée du Verre et me suis aventuré dans ses réserves. C’est là que je suis tombée sur un catalogue présentant les productions de la Verrerie de Meisenthal en 1927. C’était comme un inventaire à la Prévert, avec des formes, des usages et des noms d’objets à la poésie folle. Ce sont des objets qui ont pour la plupart complètement disparus : porte-allumettes, baignoire à oiseaux, mielier, beurrier, moutardier, salière… »
C’est alors qu’elle découvre dans les réserves du musée, une presse manuelle de la fin du XIXe siècle qui servait à produire le presse-citron à Meisenthal. Les ouvriers la remettent alors en chauffe et elle repart aussitôt. « En voyant le premier presse-citron sortir de la presse j’ai eu une irrésistible envie de lui faire sa fête, de réutiliser sa grammaire esthétique pour le métamorphoser, le transformer en une boule de Noël ! »
En vente (à partir de 19€) à Meisenthal du 11 novembre au 29 décembre (sauf 24 & 25 déc.), tous les jours de 14h à 18h. Autres points de vente : Nancy, Forbach, Metz, Sarreguemines, Sélestat, Strasbourg, Colmar, Ottmarsheim, Paris (dates & horaires précis : ciav-meisenthal.fr).
Publi-reportage • Photos © Guy Rebmeister / CIAV, DR