Ecrire ou envisager la liberté en commettant des actes artistiques, c’est le projet inédit de quinze détenus accompagnés dans leur voyage initiatique par des artistes autour de l’autoportrait d’un ours en cage suite à la découverte de plus d’un million de nounours dans un grenier du centre pénitentiaire de Toul.
C’est en 2013 que Françoise Klein, comédienne et metteure en scène, intervenant par ailleurs en milieu carcéral depuis 15 ans, découvre par hasard dans le grenier du bâtiment B de la prison de Toul, des cartons remplis de plus d’un million de petits nounours. Quel mystère ! Mesurant à peine 20 cm de haut, à la couleur blanc-crème et aux yeux noirs, ils sont oubliés là dans la poussière. Chose étonnante que de trouver de tels objets dans une prison mais ils ouvraient alors une porte incroyable vers l’imaginaire.
Après quelques recherches, la réponse à cette présence inattendue vint rapidement. Fabriqués pour une marque de cosmétique française, ces oursons étaient emballés avec des produits de la marque dans l’atelier d’assemblage de la prison. Mais dépassés par des réglementations de sécurité (les granulés de rembourrage étant proscrits), voici que ces milliers de quadrupèdes synthétiques sont abandonnés pendant plus de 15 ans.
Pas tout à fait en panne d’inspiration pour les ateliers d’expression et d’écriture qu’elle mène au centre de détention de Toul, Françoise Klein pris cependant comme une aubaine cette découverte permettant aux détenus fréquentant ses rencontres bimensuelles d’élargir une réflexion sur l’identité et l’enfermement.
L’art, une porte de sortie
Dans ce qui deviendra un laboratoire, en lien avec un sociologue, un photographe et une historienne de l’art ainsi qu’avec les équipes du service pénitentiaire ; une quinzaine de détenus volontaires s’essayeront alors aux techniques de la photographie, de la vidéo et de la radio (en partenariat avec Radio Déclic et Radio Caraïbes) pour construire un vrai projet d’exposition libérant la parole.
« La charge poétique et symbolique de ces ours en sommeil, entassés dans un grenier-mémoire, ouvre un espace transitionnel fertile. Avec les équipes d’insertion et de probation, nous avons souhaité amener les détenus à réfléchir à l’après, préparer à l’extérieur, l’art devenant comme une porte de sortie » explique Françoise Klein. Ainsi, de son laboratoire émergera une curiosité bienveillante, humaniste et artistique prenant la forme de trois expositions destinées à la fois aux autres détenus mais aussi au public.
La première « La peau de l’ours#1 » présentait au cours de l’été 2016 au CCAM des photographies de ces ours réalisées par Claude Philippot et des détenus. Elle sera de nouveau visible du 25 novembre au 4 décembre au Château Corbin de Liverdun.
Inquiétants ou drôles
« Autoportraits d’un ours en cage » est la 2e partie de ce projet. Présentée à la galerie Lillebonne jusqu’au 17 décembre, elle confronte les textes et photos de détenus réalisés à l’intérieur de leurs cellules avec la vision de trente artistes, locaux pour la plupart, ayant travaillé sur cette thématique tout en respectant un petit format carré pour des créations plus intimistes mais aussi un triptyque possédant ou non une narration.
Un « bear » SM ou un ours crucifié, des créations de Rémi Malingrëy, Marc Decaux, Sophie Guinzbourg, Dominique Répécaud et tant d’autres sont accrochées dans la galerie Lillebonne comme autant de portraits et visions de ce que pourraient être les sentiments sombres ou inquiétants, tristes ou drôles, fantasmés ou faussement enfantins, de personnages enfermés.
Déconseillée aux plus petits, cette exposition introspective propose de « faire un détour par la société des ours pour envisager la société des hommes » et se complétera en janvier 2017 par une troisième étape intitulée « Dans la peau de l’ours ».
« Autoportrait d’un ours en cage » jusqu’au 17 décembre à la galerie Lillebonne à Nancy, du mardi au samedi de 14h à 19h.