Une œuvre riche et variée, pour un artiste inclassable et un peu oublié. La nouvelle exposition du Musée des Beaux-Arts de Nancy dévoile au grand public le travail d’Etienne Cournaut, personnage clé de l’art nancéien du XXe siècle. A voir jusqu’au 23 mai.
Christian Debize n’y va pas par quatre chemins. Le commissaire scientifique de l’exposition Cournault est formel : « Pour moi, Cournault est tout simplement le deuxième artiste majeur à Nancy pour la période du siècle dernier, avec Jean Prouvé ».
Du second, on connaît tout ou presque, grâce au souvenir réactivé par de nombreuses expositions et hommages dans la cité ducale. Du premier, il faut bien l’avouer, on ne sait que peu de choses.
C’est un peu comme si Etienne Cournault (1891-1948), peintre et sculpteur reconnu à son époque, issu d’une famille de bourgeois amateurs d’art – son grand-père Charles Cournault, peintre orientaliste, archéologue, conservateur du musée Lorrain de 1861 à 1890 a fait construire la Douëra à Malzéville – avait tout fait pour organiser les raisons de son oubli. En refusant systématiquement de s’inclure dans un mouvement ou en quittant précocement Paris, il a mis sa célébrité entre parenthèses sans pour autant cesser son activité.
Du graffiti avant l’heure
L’exposition à Nancy rassemble une centaine d’œuvres illustrant la richesse des techniques utilisées par Etienne Cournault : miroirs peints, peintures au sable, fresques, pastels et gravures. Les œuvres proviennent pour la plupart de la succession, mais également de collections publiques. Contrairement à la dimension exhaustive d’une rétrospective, le parcours proposé a choisi de privilégier les œuvres qui font appel à l’imaginaire et au rêve. « La Part du rêve », c’est le nom de l’exposition, met ainsi en valeur certaines œuvres incontournables et d’une beauté singulière ainsi que les lignes de force de la création de l’artiste.
On notera particulièrement que Cournault, avant l’heure, a élevé le graffiti au rang d’œuvre d’art. « La tache vue sur un mur, dont on rapporte précieusement chez soi la forme et les couleurs, et qu’on utilise dans son œuvre comme un élément mystérieux » est ainsi réinterprétée et se transforme alors en personnages : dieu marin, Incube, ou jeunes mariés… Avec beaucoup d’humour et d’ironie, des séries de graffiti, de « bonshommes » aux têtes ovales et aux yeux ronds, griffés, raturés, des Gris-bouillis viennent peupler miroirs, cartons et gravures. A travers ces silhouettes graphiques et picturales, ces tracés faussement enfantins, les effets de grattages et de matière nous donnent à voir les entailles qui envahissent les murs de la ville.
En visitant « La part du rêve », le visiteur du Musée des Beaux arts fait connaissance avec un artiste finalement incontournable de l’histoire culturelle du XXe siècle, et plus encore de la ville de Nancy. Avec cette exposition, le principal musée de la cité ducale remet Cournault dans le sens de l’histoire en mettant en lumière celui qui avait pourtant prévenu : « On doit créer, s’abriter derrière ses œuvres, jalousement, se laisser deviner ».
Exposition « Etienne Cournault, la part du rêve » • Musée des Beaux arts de Nancy, jusqu’au 23 mai 2016 • Plus d’infos sur : mban.nancy.fr