Créé pour les Équestriades d’Orange, « Pégase et Icare » opère le mariage magique et mythologique entre art équestre et aérien. En tournée à travers la France, le spectacle vole de ses propres ailes et atterrira les 23 et 24 avril au Zénith de Nancy.
Créatures ailées, l’une divine et l’autre déchue, Pégase et Icare ont de tout temps exercé une fascination sur l’être humain. En matière circassienne, elles symbolisent aussi l’accord entre deux disciplines en apparence opposées, l’art équestre et aérien. Voilà qu’Alexis Gruss les rassemblent dans son dernier spectacle. « Depuis vingt-trois ans, je vis une partie de l’année à Piolenc, un village du Sud-Est proche d’Orange et de son théâtre antique. Son espace scénique de 13 mètres de diamètre est exactement celui des cirques du monde, cette même piste importée par Philip Astley en France au XVIIIe siècle et sur laquelle mes chevaux se meuvent encore aujourd’hui», détaille ce dernier. Et comment ne pas rêver de marier ce lieu unique chargé d’histoire à un riche patrimoine équestre familial ? De ce rêve naît « Pégase et Icare », présenté en 2014 pour les premières Équestriades d’Orange.
Réunion de familles
Depuis le spectacle a fait du chemin et il a même poussé Alexis Gruss à reprendre les tournées à travers la France, après une vingtaine d’années de pause. Il est aussi le fruit d’une autre fusion, celle qui a réuni les écuyers et jockeys Gruss aux acrobates de la Compagnie « Les Farfadais », créée en 1998 par deux frères, Stéphane et Alexandre Haffner. « Nous sommes très proches dans notre façon de travailler. Stéphane et Alexandre imaginent des tableaux, forment les artistes, inventent et fabriquent le matériel et les costumes. Ce sont de vrais artisans du rêve et, comme nous-même le faisons dans nos créations depuis 40 ans, c’est du cousu main », note Stephan Gruss, fils d’Alexis et directeur artistique du cirque. Au coup de foudre artistique s’est ajouté une rencontre humaine, assez forte pour envisager de poursuivre l’aventure avec des représentations dans onze Zéniths français.
Ballet équestre et acrobatique
Sur la piste en terre, quarante chevaux sont accompagnés de vingt-trois artistes. Aux voltiges et pas de deux synchronisés des équidés répondent les danses aériennes et aquatiques de leurs compagnons humains. Le tout forme un ballet somptueux et envoûtant, piqué d’une touche mythologique. « Ma première idée était ce voyage entre le ciel et la terre. Les deux figures de Pégase et Icare le matérialisent, le personnifient », complète le patriarche. Et si chacune de leur côté, les deux troupes réalisaient déjà des merveilles, unies elles réinventent totalement le langage circassien. Écuyers ou acrobates, tous repoussent les limites de leur art et donnent naissance à une création unique, à la pointe des deux disciplines. Avec et sans sabots, à deux ou quatre pattes, ils passeront par la Lorraine les 23 et 24 avril au moment même où Alexis Gruss fêtera ses soixante-douze ans. Deux soirées magiques, soutenues par un orchestre en live : de quoi vous donner des frissons… et l’envie de s’envoler !
À tire-d’aile
Dans sa 42e création, le cirque Alexis Gruss s’allie à la compagnie « Les Farfadais » pour raconter l’histoire de deux personnages extraordinaires de l’Antiquité.
Icare, du rêve à la chute
Dans les mythologies grecques et latines, seul un personnage divin pouvait aspirer à s’élever dans la sphère céleste. Icare fit les frais de ce rêve trop grand pour se réaliser. Ovide chante son destin funeste dans les « Métamorphoses » et ancre son récit sur l’île de Crête où règne le roi Minos. Ce dernier demande à Dédale, le père d’Icare, de construire un labyrinthe pour enfermer le Minotaure, un monstre mi-homme mi-taureau. Mais, aidé par Ariane la fille du roi, le héros Thésée réussit à tuer cette bête et à se sortir de l’écheveau architectural. Minos pour punir Dédale, l’enferme avec son fils dans sa propre création. Celui-ci réalise donc des ailes à l’aide de plumes et de cire et permet leur fuite. Malgré l’avertissement paternel, Icare, grisé par son vol, monte de plus en plus haut et se frotte aux rayons dévastateurs du soleil. Ses ailes ainsi fondent et ce dernier chute dans la mer aujourd’hui baptisée Icarienne, au sud de la Grèce.
Pégase, à la source de la poésie
De la laideur peut parfois naître la beauté ; la légende de Pégase l’atteste. Lorsque le héros Persée trancha la tête de la Méduse, un monstre au regard pétrifiant et aux cheveux faits de serpents, le cheval ailé jaillit de son sang. Mais tout comme le cheval a été domestiqué par l’homme il y a plusieurs milliers d’années, Pégase s’est vu dompté par Bellérophon. Celui-ci, aidé par son bolide à crinière, vainquit la Chimère, autre méchante bestiole, et affronta les Amazones, redoutables guerrières. L’histoire finit mal pour Bellérophon, trop orgueilleux et ambitieux pour ne pas éveiller la colère des Dieux. En revanche Pégase reste le symbole de la liberté, de la rapidité et de la légèreté. Il est aussi le créateur de la source Hippocrène, dont l’eau transforme un simple mortel en poète talentueux.
La quadrature du cercle
Tout en prônant un cirque innovant et moderne, Alexis Gruss rend sans cesse hommage à ses racines. Aux origines était un cercle, le « circus » des Latins, celui dans lequel tout peut arriver : un combat de gladiateurs féroces, une course de chars échevelée ou la rencontre inopportune entre des grands fauves et de bien frêles combattants. Au fil de l’histoire, le cirque s’est dépouillé de ces représentations cruelles et a revêtu à la place grâce, poésie et féerie. Finies les arènes des débuts à la mode Colisée, le tracé de la piste s’est resserré en 1768 grâce à Philip Astley, l’homme qui a introduit le spectacle équestre en France. En 1774, il inaugure ce nouvel espace scénique en France dans le manège de Razade, écuyer du roi de Sardaigne.
Terre fertile
C’est à cet Anglais, ancien militaire au service de sa majesté Georges III, et à sa piste de 13 mètres de diamètre que se réfère souvent Alexis Gruss. Après quarante ans de création, le maître écuyer fait toujours évoluer ses chevaux dans ce périmètre précis. Dans chaque Zénith de la tournée, il est redessiné à l’identique. « L’important est de trouver la matière du sol. Celle du cirque, c’est la terre, une terre fertile où l’on peut semer et faire pousser des choses », affirme-t-il. Pour perpétuer ce cercle traditionnel, 40 tonnes de terre sont acheminées dans chaque salle de spectacle. Elle est encore vierge de toutes traces. Bientôt, les Frisons, Andalous ou Lusitaniens y dessineront un sillon enchanté. La terre a fait germer de bien belles fleurs.
La méthode Alexis Gruss
« Très loin, au plus profond du secret de notre âme, un cheval caracole » exposait l’auteur britannique David Herbert Lawrence, résumant par cette image la liberté infinie de l’animal. L’équidé ne peut être entravé ou bridé, sinon cette force vitale tristement s’éteint. Depuis une quarantaine d’années, Alexis Gruss a compris que ce fougueux compagnon ne pouvait être dompté. Pour lui, une seule méthode importe : « l’éducation ». Et cette approche, il la transmet à ses enfants et petits-enfants.
Du travail, encore du travail
« Il faut du temps et de la patience. Il est plus difficile de travailler avec le cheval car il a une mémoire incroyable. L’éléphant en revanche à des capacités d’analyse et son comportement peut-être modifié plus facilement », examine son fils Firmin, acrobate équestre et responsable administratif du cirque. Son père précise : « un spectacle demande des années de préparation : les chevaux arrivent à deux ans et demi et sont formés pendant cinq ans. Après ça, tout le véritable travail commence… ».
Un coup de foudre artistique
Fusion entre l’art équestre made in « Alexis Gruss » et les talents acrobatiques des Farfadais, « Pégase et Icare » signe aussi la rencontre entre deux artistes issus de ces formations : Stephan Gruss, metteur en scène du spectacle, et Stéphane Haffner, directeur artistique de la compagnie d’acrobates.
La rencontre entre ces deux disciplines était-elle si évidente pour vous, notamment dans sa mise en pratique ?
S.G. : Non, ça a même été assez compliqué. Le fait d’avoir une vraie volonté des deux côtés a vraiment aidé. Nous étions prêts à tout pour que ça fonctionne. Dans certains numéros de ce spectacle, les chevaux évoluent avec des acrobates au-dessus d’eux et ils n’en ont pas l’habitude. Comme le cheval est un animal craintif, il a fallu du temps pour qu’il se fasse à ces nouveaux « collègues ». En fonction du caractère du cheval, ça peut prendre plus ou moins longtemps.
S.H. : Le moindre changement peut causer du stress aux chevaux : la présence d’acrobates au-dessus ou autour d’eux, les couleurs des costumes, les lumières… Il nous a fallu y aller doucement. Certains artistes de la compagnie les craignaient un peu. Ils sont quand même impressionnants… En plus ils sentent quand on a peur d’eux. Cela a été un travail d’apprivoisement, d’adaptation. Pour ma part, j’ai pris beaucoup de plaisir car j’aime les animaux. On sent qu’eux aussi s’amusent et prennent du bon temps sur la piste.
Comment se sont passés les premiers contacts entre vos deux univers ? Comment avez-vous imaginé « Pégase et Icare » ?
SG : Nous avons monté « Pégase et Icare » en une semaine, en ayant travaillé en amont chacun de notre côté. L’idée est de réunir deux mondes dans un même spectacle et nous étions tous très enthousiastes face à cette perspective. Chacun de nous avons un univers très particulier, que ce soit dans les agrès ou les tissus aériens pour les Farfadais ou dans l’acrobatie à cheval ou la haute-école pour nous.
SH : Avant de passer au développement des numéros, nous avons échangé pour voir comment nous allions évoluer, quel cheminement nous allions prendre, quels numéros seraient plus dédiés à l’aérien et à l’équestre. Puis il y a eu les répétitions et le travail à Piolenc avant la première aux Équestriades d’Orange. Le spectacle a dû être adapté pour être montré sous chapiteau. Celui que nous présentons dans les zéniths est pratiquement le même : nous avons gardé les quatre mâts et la piste ronde.
Qu’est-ce que cette expérience vous a apporté ?
SG : Nous nous servons mutuellement. Ce spectacle nous permettait de nous affranchir des codes du cirque traditionnel. Pour les Farfadais, c’était une occasion unique de partager la piste avec nous. Chacun de notre côté, nous sommes des spécialistes de nos disciplines et nous donnons le meilleur de notre métier. Réunis ensemble, nous ne pouvions que faire des étincelles.
SH : C’est sûr que c’est un plus pour Alexis Gruss comme pour les Farfadais. On apprend à travailler avec une famille de cirque. Ce n’est pas tout à fait la même atmosphère que dans une compagnie. Chez les Farfadais, nous nous connaissons tous très bien et nous voyageons partout dans le monde ensemble mais, malgré tout, il y a des différences. Nous n’existons que depuis quinze ans alors que la famille Gruss a un siècle et demi d’histoire derrière elle. Cela étant nous nous retrouvons sur un point : notre passion, c’est ce qui fait que nous avançons.
D’autres collaborations sont-elles envisagées ?
SG : Nous préparons un tout nouveau spectacle pour la rentrée prochaine. Nous gardons le principe de base, c’est-à-dire cette fusion entre art équestre et aérien mais nous allons essayer de le pousser encore plus loin. Il y aura par exemple une grosse machinerie et des numéros sont déjà en préparation. Nous les travaillerons plus dans le détail en mai sur notre base de Piolenc, dans le Sud.
SH : C’est une très belle expérience et nous désirons qu’elle continue. Nous avons vraiment eu un coup de foudre artistique les uns pour les autres. De notre côté, nous leur apportons quelque chose qu’ils n’avaient pas, une facette plus moderne et loin de l’étiquette de cirque traditionnel qui leur est souvent attribuée. En contrepartie, pour les Farfadais, cette collaboration est la reconnaissance de notre travail. Mon frère Alexandre et moi ne sortons pas d’une école de cirque : nous y sommes arrivés par nous-même. Et avoir la chance de partager la piste avec la famille Alexis Gruss est extraordinaire.
Zénith de Nancy • Samedi 23 avril à 20h & Dimanche 24 avril à 15h. Locations : fnac.com • ticketmaster.fr • alexis-gruss.com • Et dans vos magasins Fnac, Carrefour, Hyper U, Géant, Auchan, Cultura, Leclerc, Cora. Infos et CE : Haracom 03 21 26 52 94
Publi-reportage • Photos © Jacques Gavard, DR