En poste depuis 2001, le directeur du Centre International de l’Art Verrier de Meisenthal anime ce qui est devenu aujourd’hui un conservatoire vivant des techniques du verre. En réussissant le mariage avec la création contemporaine il prend rendez-vous pour le futur. Le célèbre prix de la Fondation Bettencourt « Pour l’intelligence de la main » vient de lui être décerné.
La bonne nouvelle est arrivée par un coup de téléphone le 17 juin dernier à 13h32. Yann Grienenberger apprend qu’il est le lauréat d’un prix auquel on ne postule pas. Le prix Parcours de la Fondation Liliane Bettencourt vient récompenser son travail au sein du Centre International de l’Art Verrier (CIAV), dont il a pris la tête juste après sa création au début des années 2000. A la clé : la reconnaissance du travail de toute une équipe et un pécule de 100 000 euros comme un cadeau du ciel pour améliorer le confort des lieux, les conditions de travail des artisans et celui de l’accueil du public.
Cette nouvelle et belle page de l’histoire du verre à Meisenthal n’était pas écrite à l’avance. Elle tient beaucoup à l’engagement de personnes passionnées parmi lesquelles Yann Grienenberger. Il n’a que 7 ans quand il arrive dans le Pays de Bitche. Et pas n’importe où, à Goeztenbruck, terre de naissance de la boule de Noël en verre. Le jeune Yann n’y prête qu’une attention légère et se dirige rapidement vers des études en fac d’économie et un BTS force de vente. Il reconnaît lui même avoir papillonné dans son parcours. Mais au cours de son service comme objecteur de conscience, il va faire la découverte du milieu associatif, du développement local, de l’importance de la mise en réseau des tous les talents de cette région du nord des Vosges. « J’ai un parcours un peu hybride, explique-t-il aujourd’hui, mais je me nourris aujourd’hui de toutes ces vies. »
Chef d’orchestre
Quand il arrive au CIAV, c’est en toute humilité qu’il prend le temps d’apprivoiser ce matériau, le verre, dont il est aujourd’hui un des plus grands défenseurs et parmi ceux qui en parlent avec le plus de talent. Comme les gamins des verreries du siècle passé, il observe, note, découvre. Il en tirera une partition qu’il orchestre aujourd’hui.
Sa fonction de directeur du CIAV, il la voit comme celle d’un chef d’orchestre : « Je ne peux pas me mesurer aux meilleurs artisans dans leur domaine, aux artistes les plus créatifs, mais je me dois de les réunir autour de la même table. Je suis un peu l’interface entre eux. Comme un tricoteur qui croiserait des fils, je réunis les artisans, les ouvriers, les artistes, les musées. Je n’écris pas la musique, je ne la joue pas, je ne touche pas les instruments mais je fais en sorte que le concerto soit le plus beau possible. »
Élégamment caché par la mise en avant de son équipe, Yann Grienenberger revendique seulement l’animation d’un groupe au service d’un matériau unique dans une région unique. Quand on lui parle de son attrait pour la création contemporaine, il explique simplement que l’innovation, l’inventivité et l’art ont toujours été au centre de l’activité des verreries à Meisenthal, à commencer par Emile Gallé au XIXe siècle.
En recevant le prix Bettencourt, il voit son engagement récompensé. Il voit aussi se confirmer le rayonnement en France et à l’étranger du CIAV. Grâce à la dotation, les soucis budgétaires de réaménagement des lieux sont oubliés. Le projet de rénovation menée conjointement avec la communauté de commune du pays de Bitche va pouvoir être lancé, l’atelier agrandi et l’accueil du public amélioré.
Et dans sa petite cuvette de brique et d’art, Meisenthal continuera à faire chauffer ses fours, pour emmener le verre – l’expression est de Yann Grienenberger – là où on ne l’attend pas, en questionnant toujours plus ce matériau magique.