Depuis le 26 septembre, la Lorraine s’habille en blouse blanche et rafraîchit nos neurones pour la fête de la science. Jusqu’au 19 octobre, la 23e édition de cette manifestation nationale propose en région conférences, ateliers, démonstrations ou spectacles pour petits et grands. Sortez vos éprouvettes, agitez-vous les atomes !
La formule chimique de la fête de la science a été élaborée en 1991 par Hubert Curien, alors ministre de la recherche. Depuis 2002 en Lorraine, chapeautée par le réseau Hubert Curien, la fête de la science réunit plus de trente acteurs différents et organise une centaine d’animations liées à la culture scientifique, technique et industrielle. Pendant trois semaines, enseignants, chercheurs et scientifiques de tous horizons ont un défi à relever : dissiper les brumes de l’univers des sciences et le rendre accessible au public.
À la campagne…
La science est partout et elle se rappelle à notre souvenir. Dans les Vosges, du 9 au 12 octobre, la commune de Bouxurulles, son foyer rural et l’association Hirrus jouent au chamboule-tout avec notre matière grise. Après avoir rebondi de planètes en atomes, ils nous plongeront dans les mystères de l’eau puis nous dévoileront les secrets de la faune et flore locales. À la maison du sel d’Haraucourt, en Meurthe-et-Moselle, les visiteurs se transformeront en paléontologues à la poursuite de fossiles. À l’espace socio-culturel de Seichamps, le Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement Nancy Champenoux (CPIE) creuse une mare d’honneur pour les batraciens, petits tritons ou drôles de dragons, qui peuplent nos jardins. En Meuse, l’Andra nous emmène tout au fond des bois. Le public sera amené à observer des insectes ou encore écouter des contes sur la forêt.
… Comme à la ville
En ville, la culture scientifique, technique et industrielle s’empare des écoles, des campus ou des musées. Dans la capitale mosellane, le campus Bridoux se métamorphose en « Jardin des Sciences » le samedi 11 octobre : enquêtes scientifiques, démonstrations de taille de silex, expériences chimiques, ateliers électrisants et bullifiants… À Nancy, avec le jardin botanique, la science glisse sur le terrain des drogues et de ces plantes aux pouvoirs stupéfiants. Les 11 et 12 octobre, le musée de l’histoire du fer prolonge l’exposition « des maisons métalliques pour l’Afrique » par la mise en place d’ateliers de construction. L’objectif : suivre les traces de Jean Prouvé. En Lorraine, du petit chimiste au physicien aguerri, chacun ramène sa science dans la bonne humeur.
Fête de la science : de la terre à la lune
Les chercheurs seraient-ils les derniers aventuriers ? Dans le ciel ou sur la terre, ils mènent parfois leurs recherches dans des zones vierges de toute habitation humaine ou se lancent dans des expériences originales. Dans tous les cas, ils nous font connaître les ressources inestimables de notre planète… Pendant la fête de la science, ils livrent leurs découvertes.
Comme l’eau vive
Les 18 et 19 octobre prochains, la vigie de l’eau de Vittel et le planétarium d’Épinal ont planché sur une théorie de la « collabora-tivité » : les deux structures sondent ensemble l’univers à la recherche de l’or bleu. Elles tenteront ainsi d’expliquer l’origine de l’eau aux astronomes d’un jour mais aussi ce qu’elle devient, perdue dans les profondeurs de notre terre. Une grande partie des animations autour d’« eaux inconnues, eaux invisibles, eaux virtuelles » prendra sa source sous le dôme du planétarium. « D’où viennent ses composants ? Comment sont-ils créés ? Nous allons pouvoir répondre à toutes ces questions en images de synthèse grâce à notre nouveau système de projection numérique », remarque Didier Mathieu, directeur de ce centre des étoiles.
Outre une plongée interactive dans le ciel, la vigie de l’eau et le planétarium enverront leurs visiteurs en immersion mais, cette fois, dans les eaux glacées du cercle arctique. Le vendredi 17 octobre, un visio-chat est organisé à la fois à Vittel et Épinal. A l’autre bout de la webcam, un voilier d’expérimentation scientifique explorant les régions polaires, le Vagabond, et les deux membres de l’association « Des ailes pour la science ». En route vers le Nunavut, une région au nord du Canada, le navire s’apprête à effectuer son deuxième hivernage. Il accueille des équipes de chercheurs venus du monde entier : océanographes, glaciologues… Et depuis mi-septembre, ces derniers ont été rejoints par Clémentine Bacri et Adrien Normier. Ces deux jeunes passionnés de voyage et d’aviation prêtent les ailes de leur ULM à des projets scientifiques divers et les enrichissent par des vues du ciel. Ils ont ramené de leur périple des vidéos, des photos et les partageront en partie avec le public de ce visio-chat. Une expérience inédite à ne pas rater.
Arbopastoralisme : des moutons sous les pommiers
À Dombrot-le-Sec, un village situé à 5 km de Contrexéville, la science, l’élevage et l’arboriculture font bon ménage. Ici se sont installés Benoît Gille et ses moutons Shropshire sur 73 hectares de vergers constitués essentiellement de pommiers en souffrance. L’arboriculteur et ses trois cents brebis sont justement là pour les sauver. L’arbopastoralisme n’est pas une technique agricole nouvelle. D’après Benoît Gille, elle remonte déjà au Moyen-Âge. L’objectif est de faire vivre les deux productions sur une même terre, tout en respectant l’environnement, la biodiversité et la ressource en eau. Le vendredi 10 octobre, l’association Terre-Eau de Vittel invite le public à la Vigie de l’eau pour découvrir cet usage oublié et ses nombreux avantages, en compagnie de Monsieur Gille et d’André Blouet, chercheur à l’Université de Lorraine associé à l’INRA de Mirecourt. « L’arrivée des moutons dans un verger favorise la dynamique du vivant des vergers. Cela créé un équilibre nouveau entre l’animal, le végétal et le minéral. La race est adaptée au pâturage de ce milieu : les bêtes ne grignotent pas le corps de l’arbre et sont là pour tondre de manière écologique », rassure l’arboriculteur.
Le projet de Benoît Gille entre dans la dynamique de développement économique, social et durable du territoire de l’ouest vosgien que soutient Terre-Eau. Dans l’élevage d’ovins depuis 2008, il s’est engagé dans cette aventure il y a dix mois. De nombreuses améliorations sont encore à apporter comme la plantation de haies abroutives, permettant notamment aux ovidés de s’auto-médicamenter naturellement. « Les moutons Shropshire, originaires du Pays de Galle, sont adaptés au climat continental lorrain. Ils apportent une fertilisation organique qui limite les besoins en engrais » détaille l’arboriculteur. Comme un médecin, il traite ses arbres en patients : observation du flux de sève, développement de la vie microbienne au niveau des racines pour renforcer leur santé. Le 10 octobre, il se fera aussi guide et emmènera les visiteurs dans ses vergers. A l’issue de cette balade à Dombrot-le-Sec, une dégustation est prévue. Avis aux curieux et aux gourmands.
La participation à cette matinée de découverte de l’arbopastoralisme se fait sur réservation au 03 29 08 13 14.
La science, Artem lui fait sa fête avec art
Sur le campus Artem de Nancy, l’école des Mines, l’institut Jean Lamour et le Loria ont unis leurs forces et croisent les disciplines : art, informatique, mathématiques, ou géosciences. Mais l’union sacrée de ces journées des 17 et 18 octobre est surtout celle qui relie l’art à la science. Dans ce domaine, le Festival du Film de Chercheurs vient mettre sa pierre à l’édifice. « Les films sont des supports de médiation très efficaces. Les chercheurs parlent de leurs travaux dans une ambiance plus détendue et le public peut se permettre de poser des questions », avance Véronique Bronner, chef de projet CNRS pour le festival. Trois moyens métrages seront proposés en projection au cours de ces deux jours. « À la recherche des origines », de Flora Belle et Cécile Rodriguez, illustre le travail de chercheur sur le terrain jusqu’à la publication des résultats. Dans « Je vous salis ma rue », la sociologue Virginie Grandhomme étudie les graffitis et suit leurs auteurs. Enfin, dans « Cervelle d’oiseaux », les spectateurs constateront que les têtes des volatiles ne sont pas si vides.
La science est aussi photogénique et le prouvera avec deux expositions à partir du 6 octobre : « Voyages de géologues » par le laboratoire GeoRessources et « Quand le magnétisme rencontre le nano-art » organisé par l’institut Jean Lamour. Dans cette dernière, le physicien de la matière Daniel Lacour allie l’imagerie scientifique à l’art plastique : « chaque image correspond à une prise de vue au microscope ou à une simulation numérique d’un dispositif ou d’une surface magnétiques ». Onze tableaux sont présentés lors de l’exposition, tous dans des formats différents, en couleur ou en noir et blanc. Cinéma, photographie, spectacle, Artem rend hommage aux sciences avec art. Tous les ingrédients sont là pour s’amuser dans des ateliers tous plus fous les uns que les autres : danse avec les robots, créations musicales avec des légumes, impression 3D… En sciences, le campus a trouvé ses muses et s’en amuse avec nous.
Patrick Baranger : « les sciences sont partout »
Depuis 2002, la fête de la science en Lorraine est entre les mains du réseau Hubert Curien, un regroupement d’associations, de centre de recherches, de musées ou de conservatoires. Le président de cette structure ouverte et collaborative, Patrick Baranger, nous rappelle pourquoi on ne peut pas échapper à la science.
Comment le réseau Hubert Curien a été créé en Lorraine ?
L’unique centre lorrain de Culture Scientifique, Technique et Industrielle (CSTI), implanté à Thionville, a été fermé. Les autorités régionales, responsables politiques, universitaires ou associatifs, ont pensé qu’il fallait une structure pour le remplacer. Celle-ci devait fédérer différents partenaires désireux de réfléchir sur les sciences et les techniques. En 2002, le réseau Hubert Curien est né et beaucoup de régions françaises nous l’envient : il est basé sur un élan collaboratif et génère très peu de conflits. Notre rôle est de coordonner tous ces partenaires, associatifs ou universitaires, rechercher des financements et communiquer sur les thématiques de CSTI.
En France les sciences ont-elles une mauvaise image ?
La grande époque de la contestation de la science se situe surtout dans les années 1970. Le nucléaire ou les vaccins sont fortement remis en cause et des problèmes environnementaux sont pointés du doigt par la population. Pour beaucoup de personnes à l’époque, cette rupture de confiance entre le public et les chercheurs provenait d’une culture scientifique insuffisante. Encore aujourd’hui certains pensent que la vulgarisation peut changer la position des gens face à la science. En réalité c’est une illusion. Avec la fête de la science, on essaie d’ouvrir des débats, de faire participer le public. On peut échanger sur des sujets qui ne sont pas directement scientifiques mais qui sont liés aux sciences, comme la problématique des déchets nucléaires par exemple.
Pourquoi faut-il fêter la science ?
La science est partout. Elle est présente dans notre quotidien. Téléphones, ordinateurs, électronique embarquée… Jamais nous n’avons eu un environnement autant technicisé avec de la science « incarnée » dans des objets. Et plus on sait ce qu’on utilise, moins la technique nous dirige et plus on est libres. Un siècle en arrière, on considérait qu’il y avait d’un côté la science noble et de l’autres ses applications dans le domaine technique et industriel. Aujourd’hui on a bien du mal à faire la démarcation entre les deux. D’ailleurs, de plus en plus, les politiques réfléchissent au poids des sciences et techniques dans le processus d’essor économique. Pour reprendre pied par rapport aux pays en développement et à leur faible coût de production, notre atout réside dans la technologie de haut niveau.omber.
Pour accéder au programme de la fête de la science en Lorraine : www.fds-lorraine.fr