Elles font la réputation de la capitale de Vosges à travers le monde depuis plus de deux siècles. Les images d’Epinal restent aujourd’hui une des locomotives touristiques de la ville. A l’occasion du dixième anniversaire de sa création, le Musée de l’image rend hommage dans une superbe exposition à sa voisine de pallier : la dernière imagerie d’Europe en activité. Quand Epinal parle d’Epinal…
Les panneaux à l’entrée des villes ne mentent pas sur les ambitions : quand on arrive à Epinal, on peut lire : «Cité de l’image ». Alors tout revient d’un seul coup, les expressions qu’on prenait pour des clichés, les vieux souvenirs d’images colorés, les bons points, les histoires pour enfants sages. Epinal aime ses images, et le revendique. Le visiteur est rassuré : en visitant la ville, il aura droit à sa portion de mémoire, sa madeleine et pourra toucher du doigt 300 ans de patrimoine lorrain.
Même les plus jeunes les reconnaissent : bataille napoléonienne, épopée de Jeanne d’Arc, ou simple fable, les images d’Epinal nous sont avant tout familières. Mais l’exposition des dix ans du Musée de l’image, qui rencontre un franc succès nous pose la question : connaissons-nous vraiment ces images d’Epinal ? Et nous fait une promesse : ressortir avec le sentiment que la réalité est parfois bien plus fascinante que la légende.
Plus vivante que jamais dans les expressions médiatiques et souvent symbole de naïveté, les images d’Epinal ont leur histoire, que l’exposition cherche à retracer.
« Il nous a semblé intéressant de décrypter comment cette image d’Epinal est devenue pour le monde entier (ou presque !) un genre et un stéréotype à la fois, explique Martine Sadion, conservatrice du Musée de l’image. Cette quête nous entraîne sur l’étude de la société du XVIIIe au XXe siècle, celle pour qui ces images ont été conçues. Longtemps seules images à disposition de tous, ces images ont joué un rôle qui se dévoile peu à peu. »
Histoire d’images, images d’Histoire
Au fil de l’expo on nous rappelle ainsi que les imageries étaient nombreuses à l’époque. On en comptait plusieurs dans la région, à Nancy, à Metz. Epinal en a même eu deux en même temps. Toutes s’inspiraient des mêmes tableaux de maîtres et proposaient des produits semblables. Epinal n’est donc pas unique et plus encore : la ville n’a pas commencé son rayonnement avec les images mais avec le papier et les cartes à jouer.
Les premières images célèbres sont accolées à un nom, celui de Jean-Charles Pellerin qui lance vraiment son activité au début du XIXe siècle. D’abord des images pieuses puis celle de Napoléon et sa famille.
Toujours inscrite dans l’histoire de France l’imagerie d’Epinal a connu son dernier grand succès avec une série qui fera l’objet d’une prochaine exposition en avril : celle consacrée à la Grande Guerre. L’image d’Epinal sert alors de support à la propagande et de soutien aux troupes pour la victoire. Images populaires, elles déclinent non sans humour les caricatures de l’ennemi allemand.
La suite du XXe siècle sera plus difficile, même si l’imagerie tentera de coller à son époque. En témoignent les images en gaufrier, précurseurs de la bande-dessinée ou cette planche de vignettes signé du dessinateur de BD Tardi, qui, telle un baroud d’honneur sort de l’imagerie juste avant sa fermeture en 1983.
Une belle histoire comme celle de l’imagerie ne pouvait pas s’achever au bas d’une planche : en 1984, cinquante personnes donc cinq jeunes dirigeants d’entreprise reprennent l’affaire qui devient l’Imagerie d’Epinal S.A.
Harry Potter et Sainte-Philomène
En 2003, l’imagerie à Épinal est inscrite dans une vision plus large que ses vignettes et ses affiches. Avec la création du Musée de l’image, comme en témoigne sa collection permanente, le souhait affiché est de mettre en connivence les images du passé et les images d’aujourd’hui. Cette partie du musée, très intéressante, montre à quel point il est impératif de décrypter les images de l’ancien temps avec les codes de l’époque. Notre seul moyen : les comparer avec les images d’aujourd’hui. Et les liens sont nombreux. Par exemple une affiche d’Harry Potter peut expliquer ou donner des codes pour appréhender cette vieille image pieuse représentant Sainte-Philomène. L’image du héros comme modèle face à celle du Saint protecteur, les deux accrochées dans une chambre d’enfant…
En confrontant les images d’aujourd’hui à celle du passé, le musée, l’imagerie et au delà la ville d’Epinal relèvent le défi de mettre l’image au cœur d’une réflexion plus vaste : nous parler de notre passé, de notre époque et finalement de nous-même.
Exposition « C’est une image d ‘Epinal » jusqu’au 16 mars 2014.
Ateliers créatifs pour les 6-11 ans pendant les vacances scolaires.