Dans la famille Dieck, on cultive les ressemblances depuis trois générations. Même prénom, même métier mais surtout même passion pour les fauves. Avec sa troupe de 5 tigres, 2 lions blancs et 2 ligrons (les seuls en Europe issus d’un croisement entre un lion et une tigresse), Tom Dieck junior prouve qu’il a de qui tenir et qu’il est aujourd’hui le dompteur le plus doué de sa génération.
Il n’a jamais vraiment songé à faire un autre métier que son père et son grand-père, « sauf peut-être par rébellion quand j’étais ado, mais ça n’a pas duré, sourit Tom Dieck junior, la passion des fauves est inscrite dans mon ADN. » L’histoire commence près de Brême juste après la guerre, quand un cirque passe au village, « mon grand-père Tom Dieck senior a suivi la caravane et a commencé à travailler comme garçon de piste, puis à l’entretien des cages avant de devenir dompteur. Amoureux des fauves, il leur a consacré sa vie. » La passion est contagieuse, son fils reprend le flambeau contre l’avis de sa mère qui rêvait pour lui d’un « métier normal ». Les souvenirs d’enfance de Tom junior sont peuplés de lions et de tigres, mais c’est à 12 ans qu’il entre pour la première fois dans la cage « mais c’était avec mon père. C’est aussi à cet âge là que j’ai commencé à l’aider pour l’entretien des cages, on débute tous comme ça. » A 19 ans, il fait ses classes sur la piste du cirque Arlette Gruss – déjà ! – avec son premier numéro en solo. Dix ans plus tard, il est considéré comme la star de la discipline et il faut s’y prendre plus de deux ans à l’avance pour pouvoir l’engager sur une tournée. Près des cages, à l’heure du repas des félins, Tom Dieck junior ne se prend pas pour une diva et s’active autant que son assistant. Quinze kilos de viande fraîche par jour et par animal, des animaux à séparer pour éviter qu’ils ne se disputent leur nourriture, des cages à nettoyer tous les jours, une surveillance de tous les instants… Un sacré boulot que le Tom fait toujours avec plaisir.
Sacerdoce
« Toute ma vie s’organise en fonction de mes fauves. Certains artistes rangent leur costume et leurs accessoires après le spectacle, moi c’est du 24h sur 24h. » Pour un quart d’heure sous les lumières du chapiteau des centaines d’heure de travail sont nécessaires. Comme son père avant lui, Tom est un adepte de la méthode douce « tout dressage est basé sur le respect et la confiance entre l’homme et l’animal et sur beaucoup de patience. Beaucoup de non-initiés pensent que les animaux sont forcés à faire des tours contre leur nature. C’est tout le contraire, les numéros sont basés sur des comportements typiques à l’espèce. Dans la nature un tigre doit sauter pour attraper une proie, le dressage utilise ce don naturel. » Avec Tom Dieck Junior, on est loin de l’image du dompteur aux mots aussi cinglants que son fouet. « Je leur parle en anglais, c’est dans cette langue qu’ils ont été dressés et mon fouet est un prolongement de mon bras, plus une baguette de chef d’orchestre qu’un instrument de contrainte. » Hors de la piste, la complicité entre le dompteur et ses fauves est palpable « ils me manifestent leur affection à leur façon. Un rugissement, un clignement d’yeux, un grognement… je les connais par cœur. » Entre tigres, lions et ligrons lequel a sa préférence ? « Impossible de choisir, ils ont tous leur propre caractère et des différences liées à leur race. » Les ligrons malgré leur masse et leur taille imposantes ressemblent à de gros matous tranquilles et doux alors que les tigres ont un caractère plus affirmé. Crinière au vent, les deux lions blancs mâles sont, eux, fidèles à l’idée que l’on se fait du roi des animaux « cabotin, paresseux, un brin frimeur et surtout très fier. » Malgré l’amour qu’il porte à ses fauves Tom Dieck junior ne doit jamais baisser la garde « les fauves restent des fauves et quand il y a des accidents, ils sont quasiment toujours dû à une erreur humaine. Avec eux, je suis un peu comme un professeur avec ses élèves. Je suis le patron, avec du respect, de la confiance, de l’affection et de l’autorité. » Il y a quelques années, le dompteur comparait ses fauves à ses enfants. Il ne le fait plus, depuis la naissance de son fils en juillet dernier. A quelques jours près, le bébé aurait pu naître sous le signe du lion. Râté. Il aurait pu aussi s’appeler Tom, comme les garçons de la famille mais « ma grand-mère m’a dit que ça suffisait, alors je l’ai écoutée » sourit le jeune papa. Une grand-mère écoutée, oui, mais à moitié. Le petit garçon s’appelle Louan qui signifie lion en celte. Un futur dompteur ? Bon sang ne saurait mentir…