Le travail du verre est un art. Nancy le prouve avec une grande exposition jusqu’au 19 janvier. Aux galeries Poirel, au musée des Beaux-Arts et de l’Ecole de Nancy, toute la ville rend hommage à ce savoir faire Lorrain qui a donné à la région une réputation artistique mondiale, loin d’être éteinte
Souvent semblable à de la glace, limpide comme une eau claire, le verre est pourtant bel et bien associé au feu, sa force et sa chaleur. Sa noblesse aussi. Le Feu sacré, verre et création contemporaine. En choisissant une forme de contre-pied dans le nom de l’exposition, les organisateurs de l’exposition phare de l’automne à Nancy ont choisi d’insister sur l’héritage historique du travail du verre, sur la technique de son élaboration. Le nez dans le four, quand la matière première n’est encore qu’une pâte informe, avant de devenir œuvre d’art. Et c’est cet art qui rend le verre sacré.
La Mecque du verre d’art se trouve à une petite centaine de kilomètres à l’est de Nancy. Niché au creux des vallons forestiers entre Alsace et Lorraine, le Centre international d’art verrier de Meisenthal est aujourd’hui aussi discret qu’incontournable. Le mettre à l’honneur dans la capitale de l’Art nouveau n’était que justice.
Les galeries Poirel ont été choisies pour être l’écrin de cette superbe rétrospective. C’est aussi un marqueur fort de la nouvelle orientation des galeries Poirel désormais dédiées à l’art contemporain et au design : « C’est vraiment ce que nous voulons faire à Poirel : évoquer le design en résonnance avec le passé », résume Laurent Hénart, adjoint à la culture de la ville de Nancy. Parler de rétrospective fait nécessairement penser à un passé lointain. Mais pour Le feu sacré, l’accent a été mis sur le dynamisme contemporain de l’activité verrière. Les pièces exposées sont toutes nées après 1992. Jamais elles n’avaient été montrées en France dans une même unité d’espace et de temps.
Le second souffle de l’art verrier
1992 est une date repère dans l’histoire verrière en Lorraine. C’est l’année de la renaissance du site de Meisenthal. L’année de son second souffle. Cette verrerie, née en 1704, a d’abord produit par millions des pièces de verre utilitaires, du verre de tous les jours. Mais au fil des ans, le savoir-faire des maîtres verriers s’est imposé. La deuxième partie du XIXe siècle sera celle de l’essor, en lien avec l’art nouveau et l’influence d’Emile Gallé puis de l’Art nouveau (voir p6). Le siècle suivant sera celui du déclin, le site ne rivalisant pas avec la concurrence de l’industrialisation de la production verrière et l’apparition de nouveaux matériaux. L’usine ferme en 1969 et s’endort. Jusqu’en 1992, quand le Centre international d’Art Verrier allume son premier four sur la friche du site. « Dès le départ, nous nous sommes tournés vers la création contemporaine avec trois objectifs : sauvegarder le savoir-faire qui était en train de disparaître, explique Yann Grienenberger, directeur du CIAV, et ce grâce au partage avec les anciens ouvriers, ou en rachetant et numérisant plus de 1500 moules anciens. Le deuxième axe : mettre tout ça en culture en réunissant des étudiants venus de toute l’Europe et des artistes. Dernier point : nous voulons donner à comprendre, à voir et à partager. Sortir la création de l’usine pour l’inscrire dans son époque. »
En réunissant 60 artistes et designers, les galeries Poirel rejoignent l’état d’esprit qui a permis ce fameux second souffle de l’Art verrier en Lorraine. Sur 1000 m2, l’exposition propose de découvrir les créations les plus marquantes des ateliers du CIAV : sur des présentoirs, les pièces sont à portée du public. Ni vitrine, ni cordon. Patte de velours et yeux brillants, le visiteur évolue dans une ambiance dépouillée qui met en valeur l’objet et lui seul. Boules de Noël, vases, verres, lustres : les objets sont tous pensés par des designers, imaginés par des artistes-plasticiens.
Matériaux des plus difficiles à travailler, le verre est aussi celui qui offre la plus grande liberté. Cette liberté est presque palpable quand on déambule dans la galerie, tant les pièces sont différentes les unes des autres, tantôt limpides et élancées, tantôt opaques et brutes.
En parallèle de l’exposition à Poirel, s’ajoutent des événements dans plusieurs lieux nancéiens. Au musée des Beaux-arts, à la galerie My Monkey et plus encore, au musée de l’Ecole de Nancy, le verre retrouve son histoire commune avec la capitale de l’Art nouveau qui, avec le bois et le fer, l’a hissé au rang d’œuvre d’art à cheval entre passé et modernité.
Chaque vendredi visite guidée à 19h et nocturne jusqu’à 22h.
Plus d’infos : www.poirel.nancy.fr
A VOIR AUSSI
- Au musée des Beaux-Arts : exposition Mille Feux. Quand les traditions et le design célèbre la magie de Noël. Une installation dans le péristyle donne à voir les plus belles boules de Noël qui ont fait la réputation populaire de CIAV de Meisenthal.
- A la galerie My Monkey : exposition Départs de Feu. Deux artistes dévoilent leur secret de fabrication. François Azambourg designer, et Françoise Petrovitch, artiste (couverture de ce magazine), exposent le détail du processus de création d’œuvres présentées dans l’expo Feu Sacré de Poirel.
- Sans oublier bien-sûr : le site de Meisenthal. Une petite heure et demie de route de Nancy pour aller à la source du verre lorrain et humer entre les sapins l’odeur des fours et du verre naissant.