À 23 ans, Julien Brouand, alias Abys, fait partie de la relève des peintres urbains de Nancy. Rencontre avec cette artiste protéiforme.
Casque audio autour du cou, vêtements sombres, d’une nature discrète voire timide, Abys ne colle pas à l’image préconçue et caricaturale de l’artiste torturé. Julien Brouand est à part. Ses peintures ne sont pas des coups de poings lancés au visage de ceux qui les regarde. Elles les invitent au voyage, les embarquent dans des mondes foisonnants, regorgeant de personnages étranges mais colorés, inquiétants ou attendrissants. Il a développé à coup de crayon un bestiaire fantastique, du rat jazzman au raton laveur-voleur, qu’il recompose sur certaines fresques murales.
Jouer collectif
Le Graffiti, il est tombé dedans à 16 ans, embarqué par un camarade des Arts Appliqués à Loritz. Une fois la bombe aérosol à la main, il ne l’a plus lâchée. « Quand je suis sur toile, je suis tout seul. Le graffiti, c’est différent : sur un mur, on est plusieurs et il faut faire en fonction des autres, s’adapter ». Il y a quatre ans, le street art fait irruption à Bouxières-aux-Dames sous les yeux médusés des habitants. Abys est en partie responsable de cette importation. L’autre coupable, Le Bret, est son compagnon de macadam des débuts avec qui il a créé en 2011 le duo de choc Osmoz : Abys à l’illustration, Le Bret au lettrage. « Qu’est-ce que vous faites ? Vous êtes en train de souillez nos murs ! ». D’abord réticents, les Bouxièrois ont finalement été conquis par leur univers drôle et profond et ont adopté leurs peintures, installées sur les murs abandonnés du village. « Il faut que les gens s’habituent un peu. Ils n’ont pas choisi d’avoir une fresque en face de chez eux. Mais on essaie toujours de réaliser un ensemble qui ne choque personne, qui puisse parler à tout le monde », raconte le graffeur. Pour autant l’espace d’expression des deux compères ne se limite pas à cette petite commune. Bombes en sac, ils parcourent les festivals, comme l’Urban Graff X en 2011 ou le Chill Up en 2012. Ils travaillent aussi sur commande chez les particuliers. Ils créent alors des décors pour les chambres d’enfant, ou cachent la laideur des transformateurs EDF avec une œuvre sur-mesure.
Poésie fragmentée
Julien Brouand a plus d’une corde à son arc. Il navigue aussi bien entre les styles, figuratifs ou réalistes, qu’entre les supports. Dessin, peinture, graffiti, bientôt sérigraphie et tatouages, il veut explorer toutes les pistes artistiques possibles. Avec le Nid de Guêpe, un autre collectif, il s’est engagé dans la création d’évènements hip hop mêlant performances picturales et musicales. Il veut aussi garder sa liberté de mouvement en passant de l’art en groupe à l’expérience en solitaire : « j’aime bien changer de technique sinon je m’ennuie. Mais sur toile, je me laisse plus aller ». Qu’il peigne des corps de femme avec délicatesse, des marionnettistes effrayants ou des animaux féériques, il apporte toujours une touche de poésie. Ses toiles sont comme des surfaces fragmentées ; chaque facette dévoile un peu de son auteur. Mais avec son univers caméléon, changeant au gré des collaborations et des envies, Julien Brouand reste insaisissable. Plongez dans ses œuvres pour le trouver, il y sera peut-être… ou peut-être pas.
Plus d’infos sur www.osmoz-colors.fr.