C’est une période qu’ils aimeraient oublier mais qui pourtant, fait partie de leur histoire. En 2015, la faïencerie des Émaux de Longwy 1798 est vouée à disparaître. Mais le projet Emblem lui octroie un nouveau souffle et réveille cette « belle endormie ».
Une chouette ornée de fleur de pommier comme emblème. À son arrivée fin 2015, Martin Piétri choisit cette pièce phare pour les Émaux, faisant référence à la déesse Athéna et symbole de la sagesse. Comme pour apaiser la faïencerie qui écrit, aujourd’hui, une nouvelle page de son histoire. Car, cette année, elle fête ses 220 ans d’existence. Mais rien n’aurait été possible sans Martin Piétri, son actuel président, et le projet Emblem, « une structure créée pour fédérer les PME de l’artisanat français ». Le repreneur s’engage alors à conserver tous les emplois et c’est chose faite. Aujourd’hui, près d’une quarantaine de petites mains perpétuent la tradition des Émaux de Longwy 1798 avec autant de talent et de passion.
Martin Piétri, lui, se replonge dans ses origines familiales : descendant d’une grande maison d’ébénisterie, un oncle ciseleur sur métal Meilleur Ouvrier de France, une maman ayant un penchant pour l’encadrement et le rembourrage de sièges… Il baigne dans l’artisanat depuis son enfance. Avec Emblem, il reprend également l’entreprise Taillardat, située près d’Orléans, fabricant de mobilier classique haut de gamme.
Patience, minutie et curiosité
L’histoire de la faïencerie des Émaux de Longwy débute en 1798 avec la famille Bloch. Sa production gagnera en renommée après la visite de l’Empereur Napoléon 1er qui commandera à Longwy les services de table destinés aux Maisons Impériales de la Légion d’Honneur. En 1835, la famille d’Huart devient propriétaire de la faïencerie et la fera prospérer durant tout le 19e siècle. Vers 1918, le style Art Déco marque l’apogée des Émaux jusqu’à la fin des années 30. Après une période de sommeil, la Manufacture s’emploie à un renouveau. La suite, nous la connaissons.
Coralie Marchal travaille à la faïencerie depuis 24 ans. « Petite, je passais toujours les jours devant la Manufacture, j’étais vraiment attirée. Un jour, j’ai été prise à l’essai et je me suis tout de suite sentie à l’aise. » Aujourd’hui, elle est chef d’atelier remplissage et détient entre ses mains, un savoir-faire exceptionnel. « Notre rôle est de poser l’émail qui constitue la décoration de la pièce. Nous la disposons goutte à goutte, les unes contre les autres de façon homogène, toujours en relief. » Patience, minutie et curiosité : voilà les qualités nécessaires, selon Coralie Marchal, pour travailler à la faïencerie. « La couleur change : par exemple, nous avons un bleu gitane qui est beige lorsqu’on le pose et qui ressort bleu nuit après cuisson. Et si l’on ne met pas assez de matière, il n’y aura pas assez d’intensité. Il faut vivre le moment pour comprendre ce que l’on fait. »
Vers l’avenir
La transmission. Comment pérenniser un savoir-faire si unique ? « Nous employons des apprentis et des stagiaires au sein de la Manufacture » explique Martin Piétri. « La transmission est bien sûr essentielle pour l’avenir. » La fabrication d’une pièce en Émaux de Longwy demande plus de sept savoir-faire différents. « Nous avons un mode de décoration spécifique et un mode de cuisson à 750 degrés, assez doux pour de la céramique. Nous sommes toujours sur le fil car le risque de casse est plus élevé, on ne réussit pas à coup sûr, mais c’est aussi notre challenge de tous les jours » développe Coralie Marchal.
La faïencerie se tourne aujourd’hui vers l’avenir. Des nouveaux designers comme Céleste Modagor et Nicolas Blandin bousculent les codes avec une collection spéciale pour ses 220 ans. La collection Héritage, « qui montre que nous sommes fiers de notre Histoire et de notre patrimoine » a été revisitée et développée. « Aussi, nous limitons à huit le nombre d’exemplaires des emblématiques Boules Coloniales qui seront numérotées pour leur donner un caractère exclusif et exceptionnel » s’enthousiasme le président. Le travail sur la matière a permis à la Manufacture de développer ses diffuseurs de parfum et à rendre sa boule senteur non poreuse. Équilibre entre tradition et modernité, entre des pièces plus accessibles et des œuvres exceptionnelles : la faïencerie vise à toucher tous les publics, comme par exemple avec ce coffret de cinq objets décoratifs de Noël peints à l’or 21 carats. Un joli cadeau renfermant l’Histoire de la Lorraine à glisser sous le sapin.
Si aujourd’hui 80% de la production des Émaux de Longwy est vendue en France, Martin Piétri souhaite développer l’export vers l’international en conservant une « fabrication 100% made in Lorraine ». Un savoir-faire qu’il faut apprivoiser « au moins une année complète » selon Coralie Marchal « pour en maîtriser toutes les techniques. Et comme tout est fait à la main, une pièce fabriquée par deux artisans différents ne seront pas les mêmes. C’est la magie des Émaux de Longwy, même si ce sont les mêmes pièces, elles sont, en fait, uniques. »
Renseignements : emauxdelongwy.com • À Nancy, retrouvez les Émaux de Longwy dans la boutique située au 14 rue Gambetta
Projet Emblem : pour fédérer l’artisanat français
En juillet 2015, Martin Piétri fonde Emblem, dont l’objectif est de réunir une dizaine de PME dans l’univers de l’aménagement intérieur et de la décoration. « L’union fait la force » souligne Martin Piétri. « Notre but est de fédérer ces entreprises d’artisanat français avec une perspective de développement à l’international. » Emblem a déjà sous son aile la maison Taillardat, connue pour ses meubles de style 18e siècle et la Manufacture des Émaux de Longwy 1798. Récemment d’autres sociétés ont tapé dans l’œil de Martin Piétri qui souhaite réaliser d’autres acquisitions pour développer la structure. « Emblem permettra aussi de pérenniser les savoir-faire et de conserver une production 100% made in France et dans le cas des Émaux de Longwy, une production 100% made in Lorraine. »
La Manufacture des Émaux de Longwy 1798 s’engage pour le Téléthon
Les salariés de la Manufacture, aidés par des Longoviciens s’attèlent en ce moment-même à la réalisation de la fresque créée par le designer Pierre Marie pour le Téléthon France 2018. Le 7 décembre, l’œuvre sera à découvrir sur le plateau de France 2 et sera vendue aux enchères chez Drouot au profit du Téléthon.
Aussi, durant tout le mois de décembre, les boutiques de Nancy, Metz Longwy et le site internet des Emaux de Longwy proposent à la vente la Chouette Père Noël, vendue au prix de 150 euros dont 40 euros seront reversés au Téléthon.
Entretien avec Martin Piétri
Président de la Manufacture des Émaux de Longwy 1798
La Manufacture des Emaux de Longwy 1798 fête ses 220 ans cette année. Un sentiment ?
C’est d’une part une fierté car le projet Emblem a permis à la Manufacture de continuer à exister et, comme vous le savez, ce n’était pas évident il y a quelques années. Mais c’est aussi une responsabilité. Nous sommes aujourd’hui dépositaires de la Manufacture, nous devons nous assurer de sa pérennité.
Quels changements a connu la Manufacture depuis son rachat en 2015 ?
Emblem a donné un certains nombres de moyens, surtout financiers, pour que les Émaux survivent et se développent. Aujourd’hui, nous voyons un horizon dégagé en mettant en place une dynamique de création et de design.
Vous êtes à la tête de la Manufacture depuis 2015 et vous êtes issu d’une famille d’artisans.
C’est vrai que j’ai baigné dans cet univers depuis tout petit. Je descends de la dynastie des Jacob-Desmalter, une famille d’ébénistes qui a eu un grand impact entre le 18e et le 19e siècle. C’est dans mon ADN et le projet Emblem me permet de me retrouver dans l’histoire de ma famille.
Plusieurs designers travaillent aujourd’hui avec les Émaux de Longwy. Comment sont-ils choisis ?
La Manufacture a toujours eu cette tradition de travailler avec des designers extérieurs. Aujourd’hui, j’insuffle un renouveau en choisissant des artistes que j’ai repéré mais aussi grâce à des candidatures spontanées de leur part. Je privilégie peut-être une nouvelle vague de designers que j’ai pu découvrir sur Instagram ou dans des salons, je me tourne aussi vers des créateurs graffeurs par exemple. Mais nous continuons bien sûr à travailler avec des designers plus confirmés pour conserver un certain équilibre.
Depuis 1798, quelle est la pièce phare des Émaux de Longwy ?
Je pense que ça dépend des époques ! Par exemple, à la fin du 19e siècle, il y a eu le vase de la collection Quiétude. Puis, la Boule Coloniale qui témoigne de notre savoir-faire pendant la période Art Déco. Aujourd’hui, nous avons un vase Souverain de la collection Héritages qui mesure plus d’un mètre de hauteur, c’est l’une de nos pièces les plus spectaculaires.
Comment voyez-vous l’avenir de la Manufacture ?
Il y a plusieurs pistes de développement. Au niveau de la création, j’aimerais réintégrer les Émaux de Longwy sur des décorations fresques ou des carrelages. Travailler sur l’ornement du mobilier aussi avec, par exemple, des plaques en Émaux que l’on intégrerait au meuble. D’ailleurs, Emblem ouvre un showroom professionnel à Paris, le 17 janvier prochain, où sera exposé un meuble Taillardat (fabricant de mobilier faisant parti du groupe) avec des plaques en Émaux.
Nous travaillons avec des professionnels également, surtout dans le secteur de l’hôtellerie : la maison Bristol à Paris ou le domaine Murtoli en Corse. Et bien sûr, notre but est de nous tourner vers l’export et de nous développer à l’international. Propos recueillis par Pauline Overney
Publi-reportage • Photos © Manufacture des Emaux de Longwy 1798, DR